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Pauvres banques, pauvres de nous !

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Published : September 30th, 2011
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Category : Editorials

 

 

 

 

Ce n’est pas un métier que d’être banquier : passe encore d’être couvert d’opprobre et soupçonné de toutes les cupidités, mais il faut encore tenir la barque à flot !


Les temps sont durs. Ils exigent de trouver des capitaux pour renforcer les fonds propres, afin de satisfaire à la réglementation de Bâle III, ainsi que de se préparer en Europe à des défauts sur la dette souveraine, qui pourraient survenir un beau matin.


Les régulateurs en rajoutent, déterminés – en dépit de l’intense activité de lobbies qui viennent de connaître une rebuffade – à imposer à des établissements systémiques, dont la liste de 28 noms est tout à la fois confidentielle et secret de polichinelle, des contraintes supplémentaires de fonds propres. Qui a tenu à ce sujet le discours suivant : « J’observe une résistance de certains acteurs du secteur financier envers Bâle III. Et envers le traitement des banques systémiques. Pour moi, cela ne peut pas être plus clair : ce qui a été décidé est décidé » ? Ne cherchez plus, il s’agit de Jean-Claude Trichet, à l’occasion du dîner de gala de l’Eurofi, à Wroclaw, le 16 septembre dernier.


Sur quoi peuvent alors jouer les banquiers ? Proscrivant toute atteinte à la libre distribution des dividendes aux actionnaires ainsi que des bonus ou augmentations de la rémunération des dirigeants, il ne leur reste plus que deux variables afin de limiter au maximum la recherche de nouveaux capitaux : réduire la voilure ou bien les engagements. Céder ou redimensionner des activités ou diminuer l’en-cours des crédits accordés.


Décidés à refuser par tous les moyens les offres de recapitalisation par l’État, BNP Paribas, la Société Générale et le Crédit Agricole ont ainsi l’une après l’autre annoncé qu’elles réduisaient la voilure afin d’en faire autant de la taille de leur bilan. Une volte-face après des années d’opérations destinées à l’accroître. L’analyse de leurs annonces sibyllines fait cependant apparaître que le crédit pourrait être une importante victime de cette nouvelle politique.


Mais cela ne résout pas encore tous les problèmes, si l’on observe les réflexions en cours sur de nouveaux produits financiers sophistiqués, qui rappellent d’autres réussites de triste mémoire. L’appel aux obligations non sécurisées, auparavant largement utilisées, contrevenant en effet aux nouvelles normes de Bâle III, il a fallu se tourner vers l’émission d’obligations sécurisées, qui comme leur nom l’indique sont considérées comme sans risque, et donc éligibles au titre des fonds propres par Bâle III. Mais ces émissions sont très consommatrices de collatéral de qualité, ce qui en limite l’ampleur, car il faut en posséder, impliquant de faire appel au génie créatif de la finance.


Cette dernière a ainsi proposé des obligations quasi sécurisées ou sécurisées structurées, qui utilisent les techniques de la titrisation. Il est ainsi question d’adopter comme collatéral des actions ou des produits indiciels (des ETF). On voit aussi se développer des accords swap de gré à gré – sans contrôle, ni trace – d’échange de liquidités contre des actifs de toute nature, catalogués dans la mystérieuse catégorie des « solutions alternatives en capital » dans les bilans bancaires. En fait de renforcement des banques, ces succédanés sont fortement susceptibles de les fragiliser !


À chacun son ratio, le Comité de Bâle a les siens, les banques le leur. Il s’agit du ROE (return on equity), ou bien encore rendement des capitaux propres, le rapport entre le résultat net et les capitaux investis par les actionnaires. Le ROE du secteur bancaire étant déjà sur la pente descendante, habitué à des taux supérieurs à 15 %, limiter les dégâts est devenu une préoccupation majeure. Ce qui ne peut se faire qu’en augmentant la prise de risque dans le contexte actuel, les marges s’étiolant sur les activités classiques en raison de la situation économique, et l’accroissement des fonds propres, qui y contribue mécaniquement.


On voit donc comment et pourquoi les banques repartent à l’aventure en dépit des tentatives de les renforcer.


Mais leur vie est décidément dure, car la Banque d’Angleterre vient d’enjoindre les banques britanniques de ne pas chercher à améliorer leur bilan – face à la chute de leurs profits et dans le but de sauvegarder les dividendes et les bonus – au détriment de leur activité de crédit. Selon elle, c’est une question de priorité dans un pays connaissant la stagflation, face à laquelle la banque centrale ne sait plus que faire. Signe de l’importance du sujet, elle en vient même à proposer aux banques de privilégier l’accroissement de leurs crédits au respect des normes de Bâle III, c’est dire…


La question est donc clairement posée : quelles priorités doivent être adoptées par les banques ? Une question en amenant une autre : qui pourrait leur imposer de faire le bon choix ?





Billet rédigé par François Leclerc

 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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