La Fed a donc pris la
décision, la semaine dernière, d'amplifier sa politique de "Quantitative
easing". Après l'opération surnommée "Twist", qui consistait à
revendre des obligations à court terme pour en acheter à long terme, et peser
ainsi à la baisse des taux longs, la banque centrale américaine revient à de
la pure création monétaire, et pas qu'un peu : 85 milliards de dollars par
mois, 45 milliards d'obligations du Trésor et 40 milliards de créances
hypothécaires (MBS). On le voit, il s'agit d'aider l'Etat à financer son
déficit abyssal et un secteur bancaire toujours empêtré dans la crise
immobilière. Dans le même temps, il a été réaffirmé que le taux directeur
resterait au plus bas.
Le plus notable est que le
Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed a affirmé que cette politique
serait maintenue "au moins aussi longtemps que le taux de chômage
restera au-dessus de 6,5 %". Mais que vient faire ici le taux de chômage
? La Fed veut-elle prendre la place du ministère du travail ? Non, mais il
faut faire un peu d'histoire pour comprendre cette déclaration.
En 1978 les Etats-Unis sont en
pleine crise, le chômage explose et Jimmy Carter pense à sa réélection.
Comment, au moins, donner le sentiment d'agir ? Ce sera le Humphrey–Hawkins Full Employment Act
qui redéfinit le mandat de la Fed et l'oblige, en plus de contenir
l'inflation, à se fixer comme objectif le plein emploi. Un gouvernement peut
chercher à diminuer le chômage, parce qu'il possède les leviers nécessaires
(la réglementation, ou plutôt la déréglementation, la baisse de la fiscalité,
etc.), mais une banque centrale ! Elle ne peut que lâcher du lest sur la
rigueur de sa politique monétaire pour tenter d'approcher ce but. Cette
mesure est donc parfaitement démagogique et keynésienne (ça va très souvent
ensemble). Mais quel président oserait l'abroger ? Aucun jusqu'ici.
Un seul président de la Fed a
osé contourner cette loi, il s'agit de Paul Volker qui, nommé en 1979,
montera le taux directeur à près de 20 % pour terrasser l'inflation, au prix
d'une courte crise, mais qui ensuite assurera les bases nécessaires à la
croissance des années 80-90, et à la baisse du chômage. Mais depuis, dès que
l'orage approche (éclatement de la bulle Internet en 2000, la crise depuis
2008), les présidents de la Fed, Alan Greenspan et maintenant Ben Bernanke,
négligent toute rigueur minimale et offrent un maximum de facilités
monétaires, sous prétexte de ne pas aggraver la crise et de contenir la
hausse du chômage. Cette politique ne produit pourtant que de la croissance
factice (2000-2007), ou pas de croissance du tout (depuis 2008). Mais cette
politique produit surtout... de la monnaie, en quantité croissante, ce qui va
exactement à l'encontre du rôle d'une banque centrale.
Cette loi stupide, et le fait
qu'elle soit appliquée, montre la confusion intellectuelle dans laquelle nous
vivons. Elle confère aussi un sentiment de toute puissance au président de la
Fed, attention danger ! Et les lois de l'économie, les vrais, pas celles
votées par des politiciens démagogues, celles que nous enseignent l'histoire,
nous disent que trop de monnaie papier se transforme un jour en
hyperinflation. Et en chômage massif. Quand on veut poursuivre plusieurs
objectifs contradictoires, on les manque tous.