Trop
grosse pour faire faillite, l’Italie est trop grosse pour être
secourue. Cette constatation fait désormais couler beaucoup
d’encre… et de sueur d’angoisse. Sans crier gare, rien
n’étant prêt pour y faire face, le pays glisse dans le
trou.
Bien
qu’elles se soient le plus vite possible délestées de
leurs obligations italiennes ces derniers mois, certaines banques en sont
encore très lourdement chargées, en particulier en France,
faisant craindre d’être à la veille d’une
répétition de la crise grecque et de la décote de sa
dette qui en a résulté, mais en beaucoup plus grand, alors que
la recapitalisation des banques qui a été décidée
n’est pas encore engagée. Comment stopper ce processus hautement
systémique ?
Des
plans sont à l’étude depuis des semaines, afin de
reconfigurer l’Union européenne autour de l’union
monétaire des pays acceptant une intégration et discipline
fiscale renforcées, mais leur application est prise de vitesse, car
ils supposent une révision des Traités qui prend du temps.
Il
est prévu dans ce cadre que ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas
participer à ce nouveau noyau dur puissent sortir de la zone euro
actuelle, et que l’Union européenne des 27 puisse
parallèlement s’élargir à d’autres pays. Ce
noyau dur disposerait d’un président et d’un
secrétariat permanent, distinct de la Commission et tiendrait des
sommets réguliers. Les droits de vote seraient répartis en fonction
du poids économique de chacun de ses membres.
En
appelant une nouvelle fois à la révision des traités, et
en expliquant qu’il fallait aboutir à « plus
d’Europe et non pas moins d’Europe », Angela Merkel a fait référence à un sursaut
fédéral. Son ministre des affaires étrangères,
Guido Westerwelle, a déjà présenté
cette perspective sous l’angle d’une banale application du
principe des « coopérations renforcées » qui
existent déjà au sein de l’Union européenne,
citant Schengen, afin de rendre cette nouvelle configuration acceptable pour
les 10 pays ne faisant pas partie de la zone euro.
José
Manuel Barroso a apporté la dernière
touche en lançant un appel à ce que ceux-ci la rejoignent, qui
ne peut se comprendre que dans ce contexte, tellement il apparaît
incongru dans celui de la crise italienne. « La vitesse de
l’Union européenne, et a fortiori de la zone euro, ne peut pas
être celle de ses membres les plus lents ou les plus
récalcitrants. Une Union divisée ne marchera pas, [posant] un
défi : comment approfondir l’intégration de la zone euro
sans créer de divisions avec ceux qui n’y sont pas encore
». Les précautions sont en effet de rigueur vis à vis des
pays qui n’appartiennent pas à la zone euro, car ils sont
signataires des Traités qu’il convient de modifier…
Un
autre volet de ce qui est présenté comme un véritable Big Bang pourrait également
prévoir, en contrepartie de ce nouveau Pacte de stabilité,
l’émission d’euro-obligations. Elles sont
préconisées par un groupe des sages allemands qui
conseillent la Chancelière et lui servent de poisson pilote. Enfin, la
possibilité d’un élargissement des missions de la BCE
afin qu’elle assume le rôle de prêteur en dernier ressort,
continue de faire l’objet de discussions, qui devraient
s’accélérer en raison de la situation italienne.
Lael Brainard,
l’une des sous-secrétaires au Trésor américain,
qui est chargée des relations internationales, vient d’ailleurs
de mettre les pieds dans le plat à ce sujet. Insistant sur la
nécessité pour les Européens de mettre en œuvre
dans les meilleurs délais un pare-feu, elle a considéré
que « l’engagement de la zone euro et les ressources de la zone
euro devront être centraux pour que la solution soit crédible et
efficace », précisant que le FMI ne pouvait être que
« la deuxième ligne de défense » et que ses
ressources actuelles étaient insuffisantes, ce qui lui interdit
effectivement de jouer un autre rôle.
De
facto, cela ne laisse aux Européens qu’une seule issue, non
identifiée : la BCE, dont les Américains et les Britanniques
considèrent qu’elle a seule les moyens de juguler la crise.
L’intention
des Européens était déjà d’avancer tambour
battant sur leur projet, quitte à créer sans attendre au
début de l’année prochaine une « coopération
renforcée » au sein de la zone euro. Mais l’application de
ce plan, qui devait faire l’objet de premières discussions lors
du Conseil européen du 9 décembre prochain, va faire
l’objet d’un coup d’accélérateur.
Suivant
leur nature, les dirigeants européens essayent d’apporter une
réponse fondamentalement institutionnelle à une crise
essentiellement financière. Dans ces conditions, de nouvelles
demi-mesures dans ce dernier domaine n’étonneraient
personne…
Billet rédigé par
François Leclerc
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