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Plus on avance moins on sait quoi faire

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Published : January 08th, 2011
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Category : Editorials

 

 

 

 

Tenir une simple liste des discussions entamées et laissées en suspens, pour ne pas parler des mises à jour de dossiers, est une tâche qui de jour en jour s’alourdit. Sans aller chercher jusqu’aux Etats-Unis, où la lancinante question de la réduction du déficit fédéral n’est pas près de trouver une réponse, imposant dans l’immédiat au Congrès de relever le plafond autorisé de la dette publique, l’Europe n’est pas mal pourvue sur ce chapitre.


Il en ressort, pour en faire la synthèse, que plus on avance, moins on sait quoi faire.


L’émission des euro-obligations, que l’on croyait pour un temps enterrée, a déjà rejailli à Paris, à l’occasion d’une visite jeudi de Georgios Papandréou, le premier ministre grec. Prudemment, il a avancé qu’il faut utiliser « tous les outils possibles de la boîte à outils », après avoir affirmé en décembre dernier vouloir contribuer à réunir un million de signatures d’Européens en sa faveur. Il s’inscrivait alors dans le cadre de L’initiative citoyenne européenne, qui permet selon le Traité de Lisbonne de saisir la Commission européenne. A l’occasion du démarrage de la présidence de l’Union européenne par la Hongrie, son ministre des finances György Matolcsy a immédiatement pris le relais depuis Budapest. Parlant des euro-obligations, il a pronostiqué : « Je l’exclurais aisément pour d’ici à la fin de l’année. Mais, d’ici à 2013 ou d’ici au milieu de la décennie, je suis très optimiste quant à l’issue finale : nous aurons certainement des nouveaux instruments financiers comme les euro-obligations ».


Une nouvelle vague de stress tests avait par ailleurs été bien décidée par les leaders européens, mais l’on n’en parlait plus, relevant seulement que la Société Générale s’était depuis publiquement prononcée contre leur tenue. Dans un article publié par le Financial Times, George Osborne, le ministre des finances britannique, n’y va pas par quatre chemins. Rappelant cette décision, il a la cruauté de souligner que les précédents avaient mis en évidence un besoin de financement des banques de 3,5 milliards d’euros, ce qui s’est six mois plus tard révélé être à peine le dixième de ce que les seules banques irlandaises avaient besoin. Suggérant de ne pas répéter une telle erreur d’appréciation, il propose que les prochains tests soient validés par le FMI, histoire de les rendre cette fois-ci crédibles… Et qu’ils prennent en compte non seulement le ratio de fonds propres mais aussi le niveau et la qualité des liquidités. On voit bien qu’il n’est pas dans la zone euro, lui…


La réforme du système monétaire international fait partie des grands sujets à éclipse. Elle revient sur le devant de la scène, la présidence française du G20 en ayant fait l’un de ses chevaux de bataille. A l’occasion d’un colloque parisien, Christine Lagarde, la ministre française des finances, a tenté un diagnostic. Pour énumérer « une grande volatilité des flux de capitaux, qui affecte beaucoup plus gravement les pays émergents et les pays les moins développés », « l’insuffisance des actifs de réserve, sûrs, stables » ainsi que « l’absence d’une enceinte de coordination appropriée, efficace en matière de changes ». Ensuite plus évasive sur le terrain des solutions, proposant d’aller « vers un système qui soit plus équilibré, plus stable, plus transparent ». Avec comme objectifs d’améliorations : « mieux protéger » les pays émergents, « mieux diversifier » les monnaies de réserve et « mieux coordonner » le tout. Au niveau de généralités auquel elle s’est volontairement tenue, les discussions ne manqueront pas d’espace pour s’engager ; autre chose sera de concrétiser.


Un dernier sujet monte en puissance, celui-là destiné à devenir permanent, après avoir du être recadré. Initialement présenté sous l’angle institutionnel de la « gouvernance économique », qui s’est heurté au refus allemand, il est dorénavant évoqué comme la réalisation d’une « convergence fiscale et sociale » au nom de laquelle bien des forfaits se préparent. Un rapport de deux parlementaires UMP vient d’être remis à Nicolas Sarkozy, qui va le transmettre au président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy.


Remarquant avec un sens très politique qu’« il n’est ni souhaitable ni possible d’institutionnaliser trop l’Eurogroupe », leurs auteurs affirment « qu’aucune sortie de crise durable ne se fera sans un approfondissement de la convergence, notamment franco-allemande » et « suggèrent à cet égard de mettre en place un calendrier de convergence sociale et fiscale impliquant les deux Parlements ainsi qu’une nouvelle impulsion à la coopération industrielle entre les deux pays ».


François Fillon, le premier ministre, n’a pas tardé à en tirer les conclusions : « Les questions de convergence et d’harmonisation vont s’imposer en haut des priorités européennes », a-t-il déclaré. « C’est dans cet esprit d’ailleurs que j’accueille de façon positive l’ouverture d’un débat en France sur le coût du travail et la question des 35 heures », ajoutant « on ne peut imaginer à long terme une zone euro dans laquelle le temps de travail, l’âge de la retraite, le coût du travail soient complètement divergents ». On craint qu’il en sera en ces matières comme pour la fiscalité : l’alignement se fera par le bas. Quant à une politique économique commune, le sujet n’est lui pas prioritaire…


Xavier Bertrand, le ministre du travail, a également tiré ses propres conclusions. Pas favorable à ce que le chiffon rouge des 35 heures soit agité, il a estimé que l’essentiel était d’avoir plus d’emplois et qu’il fallait donc poser la question du « coût du travail ». Si l’on comprend bien, il faudrait selon lui répartir la masse salariale pour en faire bénéficier les chômeurs.


Tous ces débats vont-ils ou non aboutir, et quand ? Rien ne justifie, pour ceux qui ont voix au chapitre, de trop se précipiter. Une réalité va pourtant les rattraper, qui s’est déjà rappelée à eux sans tarder dans l’actualité de ce tout début d’année. Il s’agit des tensions du marché obligataire, considéré selon tous ses compartiments : dette souveraine, des banques et des grandes entreprises. Car les cloisons n’y sont pas étanches. Au contraire, ces compartiments communiquent entre eux. Les emprunteurs sont de différentes natures, mais les investisseurs ont les mêmes intérêts à défendre. Une forte concurrence entre les débiteurs était annoncée, on est arrivé dans le vif du sujet.


L’année n’a pas seulement commencé avec de premières douloureuses émissions obligataires des Etats, qui ne pouvaient les reculer. Elle a été également l’occasion pour de nombreux émetteurs privés de se précipiter sur le marché, afin de réaliser leurs opérations de financement avant que le peloton des Etats ne se présente et ne fasse, comme tout le monde s’y attend, encore monter les taux. Selon la banque écossaise RBS, les Etats de la zone euro devraient en 2011 venir chercher sur le marché 826 milliards d’euros.


Si le début de l’année est de tradition un moment d’affluence sur le marché, on n’avait jamais vu cela. Des grandes entreprises ont pris les devants, mais ce sont surtout les banques qui se sont manifestées. En une seule semaine se sont succédées BNP Paribas, ABN AMRO, le Crédit Agricole, Loyds Banking Group et Barclays… Une fois constaté que les mégabanques se dépêchaient pour être servies en premier, une caractéristique commune de leurs émissions frappe : dans tous les cas il s’agit de covered bonds, ces obligations sécurisées qui offrent le maximum de garanties aux investisseurs, y compris en cas de banqueroute.


Est-ce à rapprocher des intentions de la Commission européenne, dont un papier a été rendu public afin d’engager une consultation, prévoyant notamment que les obligations seniors des banques pourraient dans l’avenir subir une décote, ou bien être transformées en actions, en cas de problème rencontré par celles-ci, une fois les actionnaires mis à contribution ? En tout cas, la seule éventualité de telles dispositions va contribuer à tendre le marché obligataire, en particulier lorsque les banques des pays « périphériques » vont tenter d’émettre de la dette « senior » sur le marché. Les difficultés qu’elles rencontreront rejailliront alors immanquablement sur les Etats, déjà en fâcheuse posture. Un nouveau mécanisme compliquant l’imbroglio existant est en train de se mettre en place.


Par contagion, les marchés obligataires communiquent entre eux. Privée ou publique, de la dette est toujours de la dette et les taux des uns influent sur ceux des autres. Hier soir jeudi, le taux long portugais dépassait les 7% et celui des Italiens atteignait 4,769%. La prochaine émission portugaise a lieu le 12 janvier…


La Commission s’aventure donc sur un terrain miné, où elle essaye de se frayer un chemin. Craignant de vives réactions des marchés et ne pouvant pas rester les bras croisés. Certes, insiste-t-elle beaucoup, des décotes ne sont envisagées que pour les obligations émises par les banques et non par les Etats. En retrait donc des propositions allemandes. Mais l’on devine déjà les levées de boucliers, les banques ayant prévenu qu’il allait en résulter pour elles un surenchérissement de leurs coûts (et donc une baisse de leurs encours de prêts, menacent-elles). Après avoir cru trouver avec la titrisation une miraculeuse manière de supprimer le risque en l’évacuant, le système financier – qui en est revenu – préfère désormais renouer avec une valeur éprouvée, à laquelle il a pris goût : la défausse sur la puissance publique en cas de gros pépin. Afin que la prime soit pour lui et le risque pour les autres.


Que restera-t-il de cette proposition à l’arrivée ? Il reste une petite soupape de sécurité avec les CoCos, mais le Comité de Bâle tarde à rendre son verdict et à préciser comment ils devraient être structurés pour être éligibles aux fonds propres Tier one. Et, encore une fois, on ne connaît pas la réaction des investisseurs à ce nouveau produit financier.


Le comportement du marché obligataire va rythmer la poursuite de la crise européenne, avec des effets qui ne vont pas uniquement toucher les Etats, mais aussi les banques et les grandes entreprises. Sans raison que cela s’arrête tant qu’une restructuration des dettes publiques et privées n’aura pas été accomplie. Le coût des CDS des pays dits « périphériques » continue de grimper, exprimant que la crise va rebondir.


Billet rédigé par François Leclerc


 

Paul Jorion

 

 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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