Il y a trois mois nous avions constaté
que le budget 2013 était basé sur des hypothèses assez peu
sérieuses et réalistes. À l’époque les
prévisions du gouvernement étaient déjà
supérieures à celles des autres économistes, qui
étaient pour rappel les suivantes :
Depuis, l’année 2012 s’est
achevée et le consensus des économistes semble avoir
tapé assez juste pour
2012 : l’acquis de croissance [1] à la fin du
troisième trimestre est de 0,1% et l’INSEE anticipe un
léger repli
(-0,1%) sur le quatrième trimestre. La croissance française
devrait donc être quasiment nulle en 2012. D’ailleurs, la
croissance annualisée française est en baisse continue depuis
le 1er trimestre 2011 et est devenue nulle au 3ème
trimestre 2012. Si la prévision de l’INSEE se confirme pour le 4ème
trimestre, elle redeviendra même négative, et ce pour la
première fois depuis fin 2009. Réponse par l’INSEE le 14
février prochain.
Rappelons que, s’il n’existe pas de
définition officielle pour une récession, une définition
assez communément admise est la contraction du PIB sur deux trimestres
consécutifs. Ce graphique montre que la France fut en récession
car les deux premiers trimestres de l’année furent
négatifs. Néanmoins, l’INSEE communique sur des
croissances arrondies à une décimale, ce qui a opportunément
permis au taux de -0,044% du 2ème trimestre d’être
arrondi à 0,0% et donc d’éviter officiellement la récession.
Pour 2013, le consensus [2] des
économistes passe de +0,3% à +0,1%, sans entraîner la
moindre révision gouvernementale :
Source :
La Tribune
Le gouvernement se retrouve donc désormais
à 0,7% au-dessus du consensus et persiste dans son déni. Ainsi
le ministre de l'Économie Pierre Moscovici déclare dans une interview
publiée par Le Figaro le 10
janvier : « Si j'avais aujourd'hui la conviction que la
croissance ne pourra pas atteindre 0,8% comme nous l'anticipons, je l'aurais
dit. Les incertitudes sont fortes, bien sûr, mais je relève que
certaines évolutions - l'accord sur le budget aux États-Unis, les
perspectives de croissance de la Chine, les solutions apportées
à la zone euro - sont positives. »
Cette croissance atone rendra encore plus
difficiles les objectifs gouvernementaux de réduction des
déficits publics. Pierre Moscovici les rappelle :
« Nous nous sommes engagés à ramener la
dépense publique de 56,3% de la richesse nationale en 2012 à
53,1% du PIB en 2017. ».
En réalité, le gouvernement semble
être tout à fait conscient que ses objectifs de croissance ne
seront pas atteints : c’est pourquoi il essaie désormais
d’agir davantage au niveau des dépenses et assure qu’il
n’y aura pas de dérapages.
Alors qu’il tablait,
il y a trois mois, sur une augmentation de 0,7% par an en volume [3], il communique
actuellement sur une croissance ‘limitée’ à 0,4% en
2014 et 0,2% en 2015.
Le gouvernement est d’ailleurs vivement encouragé
dans cette voie par la Cour des comptes et son président (socialiste) Didier
Migaud, qui déclare avec lucidité :
« Ne cherchons pas - comme cela a trop souvent été le cas
- à prendre appui sur la difficulté de la situation
économique du moment pour renoncer à poursuivre l'effort
structurel indispensable. La gravité de la situation d'endettement
impose que le redressement soit conduit sans relâche ». Et de
rajouter que la France « va devoir, dans les années qui
viennent, consentir à un freinage sans précédent de la
dépense publique ». On ne saurait dire mieux.
Mais pour l’instant, malgré les
intentions affichées, la tendance reste tout de même à
l’augmentation puisqu’avec une croissance de 0,1% en 2013, la
dépense publique atteindrait 56,5% du PIB. On ne peut également
s’empêcher de regretter le petit jeu politicien de la gauche qui
poussait des cris d’orfraie quand le gouvernement de droite
procédait à des modérations pourtant bien moindres de
l’augmentation des dépenses publiques…
Quant à la dette publique, la baisse
affichée lors du troisième trimestre est en
trompe-l’œil puisqu’elle provient essentiellement de la contraction
de la trésorerie (-30,7 milliards d’euros). Si la dette brute (celle comptabilisée au
sens de Maastricht) baisse de 13,5 milliards d’euros, la dette nette augmente de 24,0 milliards
d’euros, pour atteindre 1 640,2 milliards d’euros.
Le diagnostic proposé il y a trois mois
est donc toujours valable. Le gouvernement s’acharne à nier la
réalité et à repousser des réductions de
dépenses qui n’en seront que plus douloureuses. La croissance
est non seulement atone mais continue à ralentir, les dépenses
publiques et la dette à augmenter. Les inflexions millimétriques
de trajectoires proposées par le gouvernement actuel ne sont
malheureusement pas à la hauteur des enjeux.
[1] L’acquis de croissance correspond
à la croissance de l’année si tous les trimestres
suivants de la même année avaient une croissance nulle.
[2] Ce qui est appelé consensus des
économistes n’est en fait qu’une simple moyenne.
[3] La
croissance en volume signifie en plus de l’inflation. Si
l’inflation est de 2,0% et que les dépenses augmentent de 2,5%,
la croissance en volume est de 0,5%.
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