Rien de tel qu’un peu de Poirson pour bien commencer le vendredi ! Brune Poirson, c’est cette photogénique secrétaire d’État à la Transition écologique qui, par le truchement de ses interventions de plus en plus insistantes dans les médias, nous apprend à mieux trier nos déchets, à conscientiser les marques de sport et qui s’occupe actuellement de porter le débat sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, ouvert mardi dernier au Sénat.
Le sujet est d’importance (au point que sur la question, notre sémillante secrétaire enchaîne les clips dont on aime le son), et les gouvernements successifs ont depuis longtemps bien compris tout l’intérêt qu’il pouvait y avoir à évoquer la question du gaspillage ; habilement cornaqué, le sujet autorise en effet l’introduction rapide d’une nouvelle myriade de contraintes plus ou moins idiotes sur le plan pratique mais qui ont deux avantages : elles permettent d’abord de multiplier les communications prouvant à quel point le gouvernement « agit » enfin pour lutter contre ces dérives insupportables, et elles ont ensuite l’énorme avantage d’offrir de nombreux angles d’attaque pour distribuer amendes et taxations diverses qui sont bienvenues pour boucler des budgets étatiques toujours serrés.
Lors des précédents gouvernements, on avait d’ailleurs pu goûter aux efforts déployés par d’autres secrétaires d’État aussi indispensables que l’actuelle, comme Garot qui avait agité ses petits bras pour proposer aux industriels de vendre les yaourts à l’unité (relisez cet ancien billet, la réalité est au-delà de ce résumé lapidaire) ou différents députés et leurs lois idiotes dont le résultat palpable sur l’économie française n’a (heureusement pour eux) jamais été évalué.
Et c’est donc tout naturellement que la petite Brune se lance dans la même brèche déjà explorée par tant d’illustres inconnus avant elle. Il y a de quoi faire.
C’est ainsi sans surprise qu’on retrouve une nouvelle bordée d’articles pour informer le consommateur. Il faut dire que c’est un petit mammifère fragile aux mœurs étranges qui tend à faire un peu n’importe quoi avec ce que l’État consent à lui laisser entre deux impôts (alors que si les autorités avaient enfin la clairvoyance de tout lui prendre et de plutôt distribuer des tickets et des bons donnant droit – ou pas – aux biens et services que la République saurait lui fournir – ou pas, toute cette indécision, tout ce temps perdu nous seraient épargnés, n’est-ce pas).
Comme d’habitude dans ce genre de package législatif vibrant d’incompétence économique, on trouve aussi les inévitables articulets destinés à interdire le gaspillage, les destructions d’invendus et autres marottes du moment.
Il n’y a pas le moindre doute que l’économie française s’en portera d’autant mieux une fois ces interdictions fièrement votées, tant il ne viendra jamais à l’esprit des commerçants d’aller faire détruire leurs stocks partout ailleurs en Europe. Rappelons (comme je le mentionnais dans un précédent billet) que le don est sévèrement puni taxé en France, ce qui aide encore plus à trouver une solution opérationnelle, pratique et pas chère aux stocks invendus sur notre territoire.
Au-delà de ces aspects dont les effets, pourtant néfastes, sont déjà connus, on bénéficiera aussi d’une petite aspersion rapide de moraline sur le secteur du bâtiment avec une filière « pollueur payeur » et des déchets repris sans frais ce qui n’amènera aucune dérive, on peut le garantir. (Ré)introduire ici des mécanismes normaux de marché est bien évidemment impossible, nous sommes en France après tout, et le désastre (y compris écologique) est toujours préférable au capitalisme.
Enfin, au-delà d’une nouvelle stigmatisation du plastique (quel bonheur de revenir aux sacs en papier, retirés pour des raisons écologiques dans les années 70), notons la volonté législative (forcément législative !) de revenir aux consignes dont la mise en place sera économiquement neutre, soyez en sûr.
Bref, rien de fondamentalement nouveau dans l’extension sans frein de l’État dans tous les domaines de l’économie pour des prétextes d’écologie, ce qui donne ainsi l’occasion à notre Poirson de faire de l’économie circulaire dans son bocal et de nous réexpliquer, entre deux bulles vidéos, à quel point l’obsolescence programmée est une honte insupportable.
« Coïncidence » troublante : au moment même où notre frétillante secrétaire se lance sur le sujet, sort inopinément le résultat d’une étude de l’association HOP, jusqu’alors inconnue mais dont les médias viennent subitement de s’enticher. HOP (Halte à l’obsolescence programmée) et la start-up Murfy, spécialisée dans la réparation de gros électroménager à domicile, révèlent en effet leur stupéfiante découverte : en l’espace de 8 ans, la durée de vie des lave-linge est passée de 10 à 7 ans.
Bon. Evidemment, dans le même temps, le prix de ce même équipement a chuté peu ou prou dans les mêmes proportions, comme en témoigne une étude de l’UFC Que choisir :
Autrement dit, la qualité semble relativement corrélée au prix : moins un lave-linge est cher, moins sa durée de vie est grande. C’est assez peu une surprise, mais avec un peu de paillettes et d’effet OMFG, on doit pouvoir arriver à appliquer l’étiquette « obsolescence programmée » à ce qui ressemble assez bien, vu de loin, à un simple ajustement du marché à une réalité indépassable : la main-d’oeuvre coûte de plus en plus cher là où les coûts de production de biens standardisés dégringole. Inévitablement arrive un moment où il devient moins cher de remplacer un produit standard par un autre plutôt que faire travailler un humain pour le réparer.
Dans un pays aux charges sociales délirantes, ce constat devrait aller de soi. Heureusement, les secrétaires (fussent-elles d’État) ne sont pas payées pour expliquer ces évidences et préféreront largement ergoter sur la couleur des poubelles, partir en guerre contre des Gremlins (comme Duflot avant elle) ou une fois encore pointer du doigt les vilains gaspilleurs et autres pollueurs qui ne font rien qu’à ne pas faire de l’économie circulaire.
On comprend que tout ceci n’augure rien de phénoménalement bon pour l’économie française (circulaire ou non). Les concepts étant mal maîtrisés, les bonnes intentions pavant l’enfer, tout ceci sent la déroute molle dans quelques mois ou quelques années. Mais rassurez-vous : on sait d’ores et déjà que Brune nous égayera encore souvent. On tient même, avec elle, un solide remplacement de Ségolène Royal.
Je ne suis pas sûr que le pays en avait vraiment besoin…