Être Chinois à Paris, ce n’est pas toujours une sinécure. Apparemment, la capitale de la France et du Vivre-Ensemble a quelques soucis à régler avant de vraiment pouvoir gagner son badge du multi-culturalisme triomphant. À tel point que la préfecture de police a décidé d’une solution radicale pour résoudre les petites frictions sino-françaises alors qu’arrive la vague estivale de touristes chinois.
Ces petits soucis, notamment avec les asiatiques, ne sont pas nouveaux.
On se souvient qu’en 2010, à Belleville dans le 20ème arrondissement parisien, des protestations de plus en plus véhémentes de la part des Chinois récemment immigrés ainsi que des Français d’origine chinoise installés sur place ont fait prendre conscience qu’ils étaient devenus la cible privilégiée d’une certaine faune interlope pas trop bisou. Un an plus tard, en 2011, le constat était globalement inchangé : les Chinois du cru s’élevaient contre la passivité de la police.
Parallèlement, le tourisme chinois en France a explosé sur les dix dernières années. Avec l’augmentation du niveau de vie du Chinois moyen, des hordes d’asiatiques frétillants débarquent à Paris, l’esprit aussi rempli de romantisme que leurs poches d’euros fraîchement obtenus au bureau de change le plus proche. Cette considérable masse d’argent liquide attire bien évidemment les aigrefins et autres pickpockets qui s’empressent de délester de leur encombrante paperasse les touristes chinois, mais aussi japonais ou asiatiques en général.
À tel point que, même si l’insécurité parisienne n’est qu’un sentiment diffus qui fait les choux gras d’une presse toujours prête à remuer les sentiments équivoques d’un peuple cacochyme, en avril 2013, les employés du Musée du Louvre se mirent en grève, agacés d’avoir à courir après les pickpockets dans les salles du célèbre musée. Ce qui avait conduit la mairie à faire fréquemment patrouiller la police dans le quartier, et à obtenir des résultats sensibles.
Au passage, ceci prouve donc qu’une présence policière accrue permet d’atténuer les délits, au moins localement. Attention cependant : il n’y a sans doute pas là de quoi tirer une leçon et étendre un peu ce dispositif, ce qui provoquerait des baisses conséquentes du nombre de policiers autour des édifices publics institutionnels et une moindre rentrée des PV routiers et autres amendes de stationnement, véritable nerf de la guerre que la municipalité mène contre l’abominable voiture et qu’elle entend gagner un jour (fut-ce au détriment, donc, d’un stable sentiment de sécurité).
Bref, il fallait agir et cette année, dans le cadre du vaste plan lancé par la préfecture de police, des policiers chinois seront importés dans la capitale pour faire, auprès de leurs compatriotes, de la prévention contre les pickpockets, aider à déposer plainte le cas échéant et, le reste du temps, à patrouiller mollement dans la ville avec leurs homologues français. Rassurez-vous, l’invasion chinoise n’est pas encore pour tout de suite puisqu’on parle de huit à dix policiers chinois pouvant parler français qui ne seront pas armés et n’auront pas de pouvoirs d’exécution de la loi en France. Autrement dit, d’aimables pots de fleurs bilingues.
Certes, il faut comprendre que ce genre d’opérations n’est pas nouveau : des policiers de plusieurs pays européens (allemands, néerlandais, roumains, belges, espagnols) sillonnent déjà la ville de lieux touristiques en terrasses accueillantes, avec leurs homologues français depuis 2008, histoire de donner le change. Cependant, c’est tout de même la première fois que des représentants d’une force de l’ordre d’un régime autoritaire seront présents sur le territoire. Et si on peut espérer, comme on l’a observé au Louvre, une franche diminution des délits, on peut aussi se demander où les voleurs, pickpockets et autres racailles vont aller ensuite. Je doute qu’ils s’évaporent et pense, selon toute vraisemblance, qu’ils vont simplement se déplacer.
Maintenant, on s’interroge : comment en est-on arrivé là ?
Bien sûr, tout le monde sait qu’en France, il ne faut pas avoir de fortes sommes en liquide. D’abord, le liquide, c’est surtout pour le black. C’est donc très mal. Et surtout, avoir beaucoup de liquide sur soi, c’est comme les mini-jupes pour les filles, ça incite un peu trop la racaille à sortir du bois. Vraiment, ces touristes chinois, on dirait presque qu’ils le font exprès pour cabosser le sentiment de sécurité parisien !
En tout cas, ce n’est certainement pas par l’incompétence de notre police qui sait gérer les malfrats, éventuellement les bandes organisées, les repérer et les arrêter. En revanche, on peut légitimement s’interroger sur la capacité de notre justice à faire ensuite le nécessaire pour que les soucis ne se reproduisent plus, et sur celle des politiciens à imposer que les forces de l’ordre agissent durablement. Du reste, l’incarcération (qui permet de retirer du circuit au moins temporairement certains malfaisants) n’est en rien automatique, et même lors de gros débordements, il est bien difficile d’obtenir des condamnations qui se traduiront par de la prison ferme, effective, et pas seulement écrite sur le casier judiciaire.
Enfin, on ne peut s’empêcher de noter la spontanéité naïve de la presse lorsqu’elle a repris la nouvelle. L’abondance des articles sur ce sujet montre surtout que la presse a bien relayé le message général émis par les autorités françaises :
- Oui, certes, il y avait des problèmes avec les touristes asiatiques, chinois notamment. Certains sentiments se traduisent décidément par du concret bien réel et bien piquant.
- Les autorités en ont pris la mesure et ont même mis en place un « vaste plan de sécurité ». C’est du solide, coco.
- C’est tellement du solide qu’on a fait venir des policiers chinois sur place, histoire d’assister. Assister les touristes, hein, pas au dépouillement.
- Grâce à ces mesures énergiques et largement diffusées par voie de presse, le bonheur et les tempêtes de bisous sont de retour à Paris. Venez en masse !
Bien évidemment, on comprend que le but est avant tout de rassurer le touriste asiatique (et chinois en premier) à l’approche de la période estivale et, dans une autre mesure, les autorités chinoises qui avaient émis des signes clairs d’inquiétude l’année passée à pareille époque. Ces articles de presse renseignent certes le lecteur Français, mais en réalité, ils envoient surtout du petit bisou sécuritaire à la Chine.
Tout ceci est excellent pour nos amis chinois, mais une question s’impose alors : que faut-il faire pour que les touristes français, puis les parisiens en général et le reste du pays, bénéficient des mêmes sollicitudes policières ? La préfecture de police de Paris devra-t-elle se réduire à importer du policier berrichon ou breton pour aider à sensibiliser les touristes de nos régions aux dangers de la capitale ?
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