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POLITIQUES DOUTEUSES D’IMMIGRATION

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Published : May 15th, 2005
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Category : Editorials




Depuis l’« Accord Canada-Québec », en 1991, le gouvernement canadien fixe le nombre d’immigrants pouvant s’établir au pays, alors que le Québec est libre d’en sélectionner en proportion de son poids démographique au sein de celui-ci. L’idée principale derrière cette politique est de préserver une prospérité économique en maintenant l’effectif de main-d’oeuvre au niveau actuel, voire en l’augmentant modérément, pour compenser la dénatalité et le vieillissement de la population. Peut-on vraiment s’attendre à obtenir les résultats escomptés à l’aide de cette mesure?


Les idées préconçues


Un nombre réduit de travailleurs appelés à subvenir aux besoins d’une population vieillissante constitue effectivement un frein à la croissance économique. Cependant, dire les choses ainsi laisse entendre que la population vieillissante n’a jamais travaillée et qu’il revient aux générations suivantes d’en prendre soin. Or, il revient à chacun de préparer sa retraite comme il appartient à chacun de planifier ou non son avenir. Prendre soin de ses parents, voire de parfaits inconnus, est louable, mais personne ne devrait être obligé de subvenir aux besoins d’autrui. On ne peut calquer le modèle familial à l’ensemble d’une société, car la solidarité est une action volontaire.

          Il ne suffit pas de remplacer ou d’augmenter le nombre de travailleurs pour maintenir la prospérité économique. Plusieurs pays sont plutôt pauvres malgré un ratio élevé de travailleurs par rapport à l’ensemble de la population (Brésil, Indonésie, Nigeria, etc.). À l’inverse, un faible effectif en main-d’oeuvre relativement au nombre d’habitants n’exclut pas que ceux-ci soient plutôt riches.

          Le nombre de travailleurs ne suffit pas à créer la richesse, encore faut-il qu’ils soient productifs. Être productif ne signifie pas nécessairement travailler plusieurs heures par semaine ou à la sueur de son front. Avant de creuser un trou à la pelle, il est utile de s’informer à savoir si quelqu’un en veut. Et si le gouvernement paye des gens à creuser des trous que personne ne veut, les ouvriers seront contents de recevoir un chèque, mais les contribuables seront appauvris. En réalité, on s’appauvrit toujours avec les services gouvernementaux, car il s’agit d’une consommation imposée qui ne se soucie guère d’une production préalable. Soutirer à l’un pour donner à l’autre ne crée pas de richesse; dans le meilleur des cas, cela ne fait que la redistribuer.

          Plus les services offerts sont étatisés, moins il y a de ressource disponible pour l’innovation et la création de richesse. Les gouvernements et ceux qui les conseillent voient en le travailleur non pas tant une force productive qu’une source d’imposition dans le but de contrôler des services, qui pourraient et devraient être offerts librement.

          On doit conclure que la politique de maintenir les effectifs en main-d’oeuvre au niveau actuel, dans le but de préserver une prospérité économique, est pour le moins douteuse. Elle n’empêche pas nécessairement la création de richesse, mais elle n’en constitue pas plus une garantie, et elle peut même causer une plus grande pauvreté. Malheureusement, l’esprit interventionniste en matière d’immigration ne s’en tient pas à fixer le nombre d’immigrants, il propose également une panoplie de « services d’accueil » tout aussi douteux quant à leur résultat.


Services d’accueil


Bien qu’il existe de nombreuses sources d’aide aux nouveaux arrivants au Québec, la plupart d’entre eux transitent par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC). Ce ministère offre, entre autres services, des cours de français, de l'aide pour traduire les diplômes, de l’information générale sur l’emploi et les organismes d’aide. Les cours de français sont offerts gratuitement aux nouveaux arrivants et plusieurs d’entre eux reçoivent aussi une aide financière pour y assister.

          Comme tout produit et service offerts gratuitement, l’offre ne suffit pas à la demande, de sorte que les listes d’attente sont souvent de plusieurs mois, voire de plus d’un an. Puisque plusieurs immigrants ne peuvent communiquer ni en français, ni en anglais, la recherche d'un emploi est difficile et il s’ensuit que plusieurs se retrouvent à l’aide sociale en attendant qu’on les appelle.


   Malgré ce qu’on peut penser, les gens qui ne communiquent dans aucune des langues officielles canadiennes ne vivent pas nécessairement davantage de l’aide sociale que les autres. Ils sont plutôt réalistes quant aux types d’emploi qu’ils peuvent trouver et savent s’en contenter. Au contraire, des immigrants bien diplômés et s’exprimant en français prennent souvent plus de temps à se trouver de l’emploi, car leurs attentes sont plus élevées. En effet, on constate autant d’immigrants parlant français à l’aide sociale que d’immigrants qui ne le parlent pas.

          Cependant, les attentes irréalistes des gens ne sont pas la seule cause de ces problèmes. Elles sont nourries par le gouvernement et, dans certains cas, avant même que les nouveaux arrivants mettent le pied au Québec. En effet, les Délégations générales du Québec, affiliées au MICC, font du recrutement dans certains pays de la francophonie par l’entremise de publicité, conférences et visites officielles (voir « Immigration: le Québec et le Canada recrutent à outrance »). On y vante les programmes sociaux, la langue française du travail, les perspectives alléchantes pour les diplômés, etc.

          Suite à ce battage publicitaire, plusieurs arrivent ici sans se douter qu’on parle également anglais à Montréal et que le bilinguisme est souvent exigé pour un emploi, d’autres possèdent un bagage impressionnant, mais inapproprié au marché du travail, et c’est la surprise générale lorsqu'ils constatent les barrières réglementaires, syndicales et corporatives. La responsabilité de s’informer revient d’abord à l’individu, mais lorsque des agents du gouvernement leur laissent entendre que leurs diplômes et expériences seront pertinents au Québec, que ce sera donc facile de se trouver de l’emploi et qu’au pis aller il y a un large filet social pour s'occuper d'eux, qui ne serait pas attiré par de tels avantages?

          Plusieurs immigrants sont donc appelés à retourner à l’école professionnelle, question d’acquérir des connaissances plus adaptées au marché. Bien que ces formations soient souvent payées par les contribuables, en partie ou en totalité, il n’en demeure pas moins que les immigrants ont été induits en erreur par le gouvernement, qui leur avait laissé entendre que leur intégration se ferait rapidement. Évidemment, les contribuables aussi sont induits en erreur par le gouvernement, car il tente de leur faire accroire que toutes ces dépenses conduisent à une plus grande prospérité économique.

          Incapable de reconnaître que ses politiques nuisent davantage à l’emploi qu’elles ne lui aident, le gouvernement en rajoute en attribuant les difficultés des immigrants à se trouver de l’emploi à la discrimination pratiquée par le marché. Pour le gouvernement, la faute est toujours ailleurs. Dans cet esprit, il finance une multitude d’organismes sans but lucratif qui ont pour but théorique d’aider les nouveaux arrivants, mais qui, en pratique, leur inculquent souvent leurs propres préjugés.


Parasitisme florissant


Le gouvernement demande à ces organismes de développer leur autonomie, question de les inciter à trouver également un financement privé. Or, certains n’ont jamais engagé un seul employé à leurs frais en vingt ans! Quelle crédibilité peut-on donner à des organismes qui ont toujours été au crochet de l’État pour enseigner aux gens à se trouver de l’emploi? Ce parasitisme est florissant, car lorsqu’on dit représenter les nouveaux arrivants, les « minorités visibles » ou les « mères monoparentales », on devient pratiquement intouchable. L’inefficacité et la corruption ont donc la voie toute grande ouverte. Ces pratiques ne favorisent pas l’harmonie sociale, mais la division; non pas l’excellence, mais la médiocrité; la dépendance et l’irresponsabilité plutôt que l’autonomie. Elles encouragent le comportement même que l’on cherche à éviter.

          Lorsqu’on considère les coûts de l’ensemble des services octroyés aux nouveaux arrivants par le gouvernement, ses agences et ses partenaires, comment peut-on affirmer que cela contribue à la prospérité économique? Qui aide qui? Est-ce le gouvernement qui aide les immigrants ou ceux-ci qui aident le gouvernement? Chose certaine, cela n’aide pas le contribuable.

          L’intervention gouvernementale n’est pas plus rentable en matière d’immigration que dans les autres sphères de l’action humaine. Il s’agit d’une prétention à planifier l’économie ou l’ensemble des échanges. Elle induit les gens en erreur. Une frustration se développe parmi les immigrants et les contribuables et engendre souvent des maux plus graves encore. Son coût n’est pas seulement économique, mais social.

          Il est faux de dire que la croissance économique nécessite une quantité de main-d’oeuvre toujours plus grande et il est aussi illusoire de penser que des services offerts, par l’entremise de l’imposition, puissent satisfaire les besoins de chacun. La meilleure façon, pour le Québec, de prospérer et de promouvoir la langue française est de cesser de tout planifier et contrôler. Cela vaut autant en matière d’immigration qu’en matière économique. Il faut réduire les services gouvernementaux, non seulement aux nouveaux arrivants, mais à tous. Les entrepreneurs prendront la relève en ciblant les services utiles et en les offrant à ceux qui les désirent vraiment.

          La prospérité ne peut advenir que lorsque le risque est assumé par l’individu plutôt que par l’ensemble des contribuables. La véritable solidarité ne va pas à l’encontre de la croissance économique, elle se développe avec elle. La meilleure incitation à l’immigration ne proviendra jamais d’un « État fort », mais de la prospérité elle-même qui, à son tour, provient de la liberté d’échanger ses services et de commercer sans les entraves de l’État.



André Dorais



André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.



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