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Depuis l’« Accord Canada-Québec », en 1991, le
gouvernement canadien fixe le nombre d’immigrants pouvant
s’établir au pays, alors que le Québec est libre
d’en sélectionner en proportion de son poids
démographique au sein de celui-ci. L’idée principale
derrière cette politique est de préserver une
prospérité économique en maintenant l’effectif de
main-d’oeuvre au niveau actuel, voire en l’augmentant
modérément, pour compenser la dénatalité et le
vieillissement de la population. Peut-on vraiment s’attendre à
obtenir les résultats escomptés à l’aide de cette
mesure?
Les idées
préconçues
Un nombre réduit de
travailleurs appelés à subvenir aux besoins d’une
population vieillissante constitue effectivement un frein à la
croissance économique. Cependant, dire les choses ainsi laisse
entendre que la population vieillissante n’a jamais travaillée
et qu’il revient aux générations suivantes d’en
prendre soin. Or, il revient à chacun de préparer sa retraite
comme il appartient à chacun de planifier ou non son avenir. Prendre
soin de ses parents, voire de parfaits inconnus, est louable, mais personne
ne devrait être obligé de subvenir aux besoins d’autrui.
On ne peut calquer le modèle familial à l’ensemble
d’une société, car la solidarité est une action
volontaire.
Il ne suffit pas de
remplacer ou d’augmenter le nombre de travailleurs pour maintenir la
prospérité économique. Plusieurs pays sont plutôt
pauvres malgré un ratio élevé de travailleurs par
rapport à l’ensemble de la population (Brésil,
Indonésie, Nigeria, etc.). À l’inverse, un faible
effectif en main-d’oeuvre relativement au nombre d’habitants
n’exclut pas que ceux-ci soient plutôt riches.
Le nombre de
travailleurs ne suffit pas à créer la richesse, encore faut-il
qu’ils soient productifs. Être productif ne signifie pas
nécessairement travailler plusieurs heures par semaine ou à la
sueur de son front. Avant de creuser un trou à la pelle, il est utile
de s’informer à savoir si quelqu’un en veut. Et si le
gouvernement paye des gens à creuser des trous que personne ne veut,
les ouvriers seront contents de recevoir un chèque, mais les
contribuables seront appauvris. En réalité, on
s’appauvrit toujours avec les services gouvernementaux, car il
s’agit d’une consommation imposée qui ne se soucie
guère d’une production préalable. Soutirer à
l’un pour donner à l’autre ne crée pas de richesse;
dans le meilleur des cas, cela ne fait que la redistribuer.
Plus les services
offerts sont étatisés, moins il y a de ressource disponible
pour l’innovation et la création de richesse. Les gouvernements
et ceux qui les conseillent voient en le travailleur non pas tant une force
productive qu’une source d’imposition dans le but de
contrôler des services, qui pourraient et devraient être offerts
librement.
On doit conclure que
la politique de maintenir les effectifs en main-d’oeuvre au niveau
actuel, dans le but de préserver une prospérité
économique, est pour le moins douteuse. Elle n’empêche pas
nécessairement la création de richesse, mais elle n’en
constitue pas plus une garantie, et elle peut même causer une plus
grande pauvreté. Malheureusement, l’esprit interventionniste en
matière d’immigration ne s’en tient pas à fixer le
nombre d’immigrants, il propose également une panoplie de
« services d’accueil » tout aussi douteux quant
à leur résultat.
Services d’accueil
Bien qu’il existe de
nombreuses sources d’aide aux nouveaux arrivants au Québec, la
plupart d’entre eux transitent par le ministère de
l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC). Ce
ministère offre, entre autres services, des cours de français,
de l'aide pour traduire les diplômes, de l’information
générale sur l’emploi et les organismes d’aide. Les
cours de français sont offerts gratuitement aux nouveaux arrivants et
plusieurs d’entre eux reçoivent aussi une aide financière
pour y assister.
Comme tout produit et
service offerts gratuitement, l’offre ne suffit pas à la
demande, de sorte que les listes d’attente sont souvent de plusieurs
mois, voire de plus d’un an. Puisque plusieurs immigrants ne peuvent
communiquer ni en français, ni en anglais, la recherche d'un emploi
est difficile et il s’ensuit que plusieurs se retrouvent à
l’aide sociale en attendant qu’on les appelle.
Malgré ce
qu’on peut penser, les gens qui ne communiquent dans aucune des langues
officielles canadiennes ne vivent pas nécessairement davantage de
l’aide sociale que les autres. Ils sont plutôt réalistes
quant aux types d’emploi qu’ils peuvent trouver et savent
s’en contenter. Au contraire, des immigrants bien diplômés
et s’exprimant en français prennent souvent plus de temps
à se trouver de l’emploi, car leurs attentes sont plus
élevées. En effet, on constate autant d’immigrants
parlant français à l’aide sociale que d’immigrants
qui ne le parlent pas.
Cependant, les
attentes irréalistes des gens ne sont pas la seule cause de ces
problèmes. Elles sont nourries par le gouvernement et, dans certains
cas, avant même que les nouveaux arrivants mettent le pied au
Québec. En effet, les Délégations
générales du Québec, affiliées au MICC, font
du recrutement dans certains pays de la francophonie par l’entremise de
publicité, conférences et visites officielles (voir « Immigration: le
Québec et le Canada recrutent à outrance »). On
y vante les programmes sociaux, la langue française du travail, les
perspectives alléchantes pour les diplômés, etc.
Suite à ce
battage publicitaire, plusieurs arrivent ici sans se douter qu’on parle
également anglais à Montréal et que le bilinguisme est
souvent exigé pour un emploi, d’autres possèdent un
bagage impressionnant, mais inapproprié au marché du travail,
et c’est la surprise générale lorsqu'ils constatent les
barrières réglementaires, syndicales et corporatives. La responsabilité
de s’informer revient d’abord à l’individu, mais
lorsque des agents du gouvernement leur laissent entendre que leurs
diplômes et expériences seront pertinents au Québec, que
ce sera donc facile de se trouver de l’emploi et qu’au pis aller
il y a un large filet social pour s'occuper d'eux, qui ne serait pas
attiré par de tels avantages?
Plusieurs immigrants
sont donc appelés à retourner à l’école
professionnelle, question d’acquérir des connaissances plus
adaptées au marché. Bien que ces formations soient souvent
payées par les contribuables, en partie ou en totalité, il
n’en demeure pas moins que les immigrants ont été induits
en erreur par le gouvernement, qui leur avait laissé entendre que leur
intégration se ferait rapidement. Évidemment, les contribuables
aussi sont induits en erreur par le gouvernement, car il tente de leur faire
accroire que toutes ces dépenses conduisent à une plus grande
prospérité économique.
Incapable de
reconnaître que ses politiques nuisent davantage à
l’emploi qu’elles ne lui aident, le gouvernement en rajoute en
attribuant les difficultés des immigrants à se trouver de
l’emploi à la discrimination pratiquée par le
marché. Pour le gouvernement, la faute est toujours ailleurs. Dans cet
esprit, il finance une multitude d’organismes sans but lucratif qui ont
pour but théorique d’aider les nouveaux arrivants, mais qui, en
pratique, leur inculquent souvent leurs propres préjugés.
Parasitisme florissant
Le gouvernement demande à ces
organismes de développer leur autonomie, question de les inciter
à trouver également un financement privé. Or, certains
n’ont jamais engagé un seul employé à leurs frais
en vingt ans! Quelle crédibilité peut-on donner à des
organismes qui ont toujours été au crochet de l’État
pour enseigner aux gens à se trouver de l’emploi? Ce parasitisme
est florissant, car lorsqu’on dit représenter les nouveaux
arrivants, les « minorités visibles » ou les
« mères monoparentales », on devient
pratiquement intouchable. L’inefficacité et la corruption ont
donc la voie toute grande ouverte. Ces pratiques ne favorisent pas
l’harmonie sociale, mais la division; non pas l’excellence, mais
la médiocrité; la dépendance et
l’irresponsabilité plutôt que l’autonomie. Elles
encouragent le comportement même que l’on cherche à
éviter.
Lorsqu’on
considère les coûts de l’ensemble des services
octroyés aux nouveaux arrivants par le gouvernement, ses agences et
ses partenaires, comment peut-on affirmer que cela contribue à la
prospérité économique? Qui aide qui? Est-ce le
gouvernement qui aide les immigrants ou ceux-ci qui aident le gouvernement?
Chose certaine, cela n’aide pas le contribuable.
L’intervention
gouvernementale n’est pas plus rentable en matière
d’immigration que dans les autres sphères de l’action
humaine. Il s’agit d’une prétention à planifier
l’économie ou l’ensemble des échanges. Elle induit
les gens en erreur. Une frustration se développe parmi les immigrants
et les contribuables et engendre souvent des maux plus graves encore. Son
coût n’est pas seulement économique, mais social.
Il est faux de dire
que la croissance économique nécessite une quantité de
main-d’oeuvre toujours plus grande et il est aussi illusoire de penser
que des services offerts, par l’entremise de l’imposition,
puissent satisfaire les besoins de chacun. La meilleure façon, pour le
Québec, de prospérer et de promouvoir la langue
française est de cesser de tout planifier et contrôler. Cela
vaut autant en matière d’immigration qu’en matière
économique. Il faut réduire les services gouvernementaux, non
seulement aux nouveaux arrivants, mais à tous. Les entrepreneurs
prendront la relève en ciblant les services utiles et en les offrant
à ceux qui les désirent vraiment.
La
prospérité ne peut advenir que lorsque le risque est
assumé par l’individu plutôt que par l’ensemble des
contribuables. La véritable solidarité ne va pas à
l’encontre de la croissance économique, elle se développe
avec elle. La meilleure incitation à l’immigration ne proviendra
jamais d’un « État fort », mais de la
prospérité elle-même qui, à son tour, provient de
la liberté d’échanger ses services et de commercer sans
les entraves de l’État.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
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