En 1990,
j’ai assisté à Berlin à une conférence mondiale des communications, organisée
par Deutsche Bundespost Telekom.
Pendant
mon weekend, je suis parti me promener depuis mon hôtel sur la
Tiergartenstrasse, en face du parc, jusqu’au Unter Den Linden et la porte de
Brandebourg. Le célèbre « Checkpoint Charlie » n’était plus là,
mais il était possible de voir où il se tenait à l’époque.
Je suis
allé visiter le musée Pergamon dans ce qui était autrefois Berlin-Est, sur l’île
des musées située sur la Spree, pour voir le célèbre autel Pergamon, ainsi
que la porte Ishtar et la route processionnelle. J’ai également visité l’Alte
Nationalgalerie.
Certains
des bâtiments les plus anciens étaient en état de délabrement. Je me souviens
avoir vu des murs criblés de balles et fardés d’autres cicatrices de la
guerre, même après tant d’années.
Mais en
chemin, entre la porte de Brandebourg et la Staatsoper Haus, je suis tombé
sur un mémorial à Bebelplatz. Au milieu de la place se trouvait une plaque en
métal.
« In
Der Mitte dieses Platzes verbrannten am 10. Mai 1933 Nationalsozialistische
Studenten die Werke Hunderter freier Schriftsteller, Publizisten, Philosophen
und Wissenschaftler. »
Au
centre de cette place, le 10 mai 1933, des étudiants nationaux-socialistes
ont brûlé le travail de centaines d’écrivains, de publicistes, de philosophes
et de scientifiques.
Suite
aux élections fédérales de 1928, le Nationalsozialistische
Deutsche Arbeiterpartei, ou NSDAP, n’a reçu que 2,6% des voix.
Mais
après le krach de 1929, le chômage est passé de 8,5 à 30% en 1932.
Suite
aux élections fédérales de juillet 1932, le NSDAP a reçu 37% des voix, mais
avec 230 sièges au Parlement, il est devenu le plus gros parti du pays.
Suite
aux élections fédérales de novembre 1932, qui ont été pendant plusieurs
années les dernières élections libres du pays, le NSDAP a obtenu 33% des voix
et 196 sièges au Parlement.
En
janvier 1933, suite à un compromis promu majoritairement par des
industrialistes qui craignaient le socialisme et le communisme, le leader du
NSDAP a été nommé chancelier d’un gouvernement de coalition.
En
février 1933, un incendie a détruit une partie du Reichstag, et les
communistes ont été blâmés. En guise de représailles, le gouvernement a signé
le Décret du Président du Reich pour la protection du peuple et de l’Etat, le
Reichstagsbrandverordnung, qui a suspendu les libertés civiles et
rendu illégaux tous les autres partis politiques. Cet évènement est aussi
connu sous le nom de Machtergreifung.
En mars
1933, suite à des élections marquées par une violente répression et la
réduction au silence de nombreux opposants politiques, qui a commencé par la
gauche et a très vite inclus les social-démocrate et le Zentrum, ou
parti centriste, le NSDAP a reçu 43% des voix, et 288 des 647 sièges.
La loi
organique, Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich, a été
signée, et les pleins pouvoirs ont été accordés au chancelier, qui n’a à
partir de cet instant plus eu besoin d’impliquer le Reichstag pour faire
voter de nouvelles lois.
En
juillet 1933, un total de près de 27.000 leaders politiques et journalistes
opposés au NSDAP avaient été déportés dans les camps de concentration d’Oranienburg,
Esterwegen, Dachau, et Lichtenburg.
Il n’y a
plus eu d’élections significatives jusqu’en 1949.
Ce sont
la peur et l’anxiété qui ont poussé le peuple allemand à élire un chancelier
fort et déterminé, qui leur a promis un retour à la normalité et une
libération de leurs peurs et confusions. Les autres se sont contentés de
regarder, bien souvent sous la menace d’incarcération ou de torture physique.
Ce sont les rangs de ses ardents partisans qui ont représenté la charpente de
son pouvoir, souvent perturbateur et très certainement dénué d’intolérance et
d’empathie pour les autres idées et individus.
La soif de pouvoir ne sert rien sauf elle-même.
Et le
reste, comme ils disent, c’est de l’Histoire.
« Das
war ein Vorspiel nur, dort
wo man Bücher verbrennt,
verbrennt man am Ende auch Menschen. »
Heinrich Heine, 1820