Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Rendons
d’abord à Jean Baby la paternité de ce titre,
donné à un livre écrit en 1973 aux
édition Maspéro, et qui
s’efforçait, avec générosité mais non sans
une candeur certaine, à décrire le nouveau monde et la
société généreuse et solidaire pour lequel il a
lutté en vain.
De
quel monde pouvons-nous tenter de parler, non sans à notre tour nous
permettre un brin de naïveté et d’utiliser notre part de
rêve, quelque trente six ans après ?
Nous
vivons une période assez surprenante : la crise financière et
économique dans laquelle nous sommes plongés a largement
dévoilé les mécanismes d’un système qui a
implosé de lui-même et cherche à repartir, sans que cela
lui soit garanti. La question se trouve ainsi ouvertement posée de sa
finalité, de ses moyens, de son objet même. Il n’est donc
pas interdit d’essayer d’y apporter une réponse, de
réfléchir à une alternative, profitant de ces
circonstances.
Une
des descriptions possible de ce système est d’en faire une sorte
de machine à fabriquer de l’insolvabilité, donc du
crédit son corollaire. Afin de justifier son rôle social et ses
profits (qui le sont moins), en contrepartie d’un « coût du
risque » qu’il est censé assumer, mais devant lequel il se
défausse. Vis à vis des particuliers (dénommés consommateurs),
des entreprises (chargées de la production des biens et des services)
ainsi que des collectivités et des Etats (responsables de la gestion
des précédents). Nous parlons là des agents de ce
qu’il est désormais convenu de dénommer «
l’économie réelle », le reste ne
l’étant donc pas !
Le
jeu auquel nous sommes depuis peu instamment conviés, après des
décennies de triomphes qui ont depuis tourné court, est de
remettre sur ces pieds ce système, vu son rôle toujours
présenté comme irremplaçable. Un vrai paradoxe, celui-ci
n’ayant pas d’évidence fait ses preuves.
Mais,
puisque nous savons désormais démonter son mécanisme,
pourquoi le pas tenter de le remonter à
l’endroit, puisqu’il apparaît que le monde marche avec lui
sur la tête ? En partant tout simplement de ce qu’il a besoin. Le
monde, pas le système !
Le
monde a besoin de consommateurs, soit. Pourquoi ne pas assurer à
ceux-ci une part correspondant à leur contribution dans la
distribution des revenus provenant de la production, les dispensant de faire
appel au crédit pour satisfaire à leur
besoins élémentaires socialement reconnus ?
Le
monde a besoin d’entreprises, entendu. Pourquoi ne pas doter celles-ci
des fonds propres nécessaires à leur fonctionnement, sans
entacher ceux-ci d’exigences de rentabilité qu’elles ne
peuvent satisfaire ?
Le
monde a besoin d’expressions élues de la collectivité,
pourquoi alors diminuer leurs moyens régaliens, impôts et
création monétaire ?
Quel
nom pourrait bien porter une société gérée selon
ces principes encore très généraux ? Qu’importe,
car il n’y a pas de fétichisme à avoir dans ce domaine.
De quels moyens celle-ci disposerait-elle pour accomplir ses missions ?
D’une
fiscalité, aujourd’hui de tous les instruments de l’Etat
le plus opaque et le plus injuste, et qui devrait être remise sur ses
pieds.
D’une
défense du patrimoine et des revenus de la rente financière,
qui n’a pas d’autre finalité que de reproduire et
accroître les inégalités sociales, et pourrait être
reconsidérée.
D’une
répartition des gains de productivités (de la «
plus-value ») privilégiant sans autre raison que le rapport de
force social le capital au détriment du travail, et qui devrait
être revue.
Et,
enfin, de transferts sociaux qui actuellement s’arrêtent en
chemin et dont les critères d’attribution devraient être
élargis au fur et à mesure que le travail salarié cesse
de jouer un rôle social prédominant.
Enfin,
l’histoire de l’usure se perdant dans la nuit des temps, celle de
son interdiction est mieux connue. Pourquoi, en s’en inspirant, ne pas
plafonner la rentabilité du capital, assortissant l’affectation
de son revenu d’une réglementation favorable au
développement économique, culturel et social ?
Les
philosophes s’interrogent sur ce à quoi sert la philosophie et
répondent : à tout, à condition d’en sortir ! Les
financiers pourraient s’en inspirer
*Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
pauljorion.com
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Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix
dernières années dans le milieu bancaire américain en
tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ?
(La Découverte : 2007).
Les vues
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siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire de
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