Pour une monnaie démocratique

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Published : September 13th, 2016
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Category : Today's Editorial

 

 

 

 

Dans ce précédent billet, j’expliquais comment la monnaie avait échappé au peuple pour devenir un bien privé. Bien que la monnaie soit sous le joug des banques et des Etats, il est pourtant possible de se la réapproprier, de faire en sorte qu’elle crée du lien social et qu’elle fasse à nouveau le pont entre présent et avenir.

La monnaie est devenu un actif lucratif

Elle a été plus exactement réduite à un actif financier, selon Bruno Théret, directeur de recherche émérite au CNRS (“Réinventer la monnaie”, Les Dossiers d’Alternatives Economiques, mai 2016). Son utilisation à ce titre tend à occulter les autres fonctions essentielles de la monnaie.

En dehors des pièces et des billets de banque, la masse monétaire (monnaies scripturales et autres lignes d’écritures comptables) ne consiste qu’en des crédits dont se servent les banques à des fins lucratives pour faire crédit à d’autres banques. Ces emprunts effectués d’une banque à l’autre sont assortis de taux d’intérêt qui au final gonflent la masse monétaire et “appauvrissent” l’argent déposé au départ.

Ce système s’appelle le multiplicateur de crédit.

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Fonctionnement du multiplicateur de crédit (c) Les Dossiers d’Alternatives Economiques

Ainsi, un dépôt de 1000€ prêté par une banque A (avec une réserve obligatoire de 10% par exemple) à une banque B pourra être re prêté sous la forme d’un nouveau prêt de 900€ à une banque C, etc. Le montant initial décroît au fur et à mesure qu’il passe de banque en banque pour servir de nouveaux emprunts, créant une masse monétaire virtuelle d’environ 10 000€ à terme.

La monnaie courante est devenue le crédit

Les banques et les marchés ont complètement perdu de vue le fait qu’une monnaie était un bien commun ayant un rôle de lien social et que le crédit devait permettre aux citoyens, à la société de pouvoir se projeter dans l’avenir.

Or l’usage massif de monnaie-crédit à des fins spéculatives est un facteur de crise financière grave, comme celle de 2007/2008. A partir des années 80, la déréglementation des marchés a corrompu la monnaie pour en faire un outil de spéculation sans valeur réelle, ou du moins avec une valeur très fluctuante, complètement déconnecté de l’économie réelle. Au lieu de profiter aux entreprises et au secteur industriel, cet excès de crédit accroît les risques de bulles.

Une monnaie ne peut pas se réduire à un actif lucratif permettant aux financiers de s’enrichir, ni à ses 3 fonctions essentielles (unité de compte, moyen d’échange et réserve de valeur).

Les monnaies locales complémentaires pour réhabiliter le lien social

De ces changements opérés à la fin du siècle dernier en plein ultra-libéralisme a fait naître l’émergence de monnaies locales complémentaires dans le monde entier. Les devises nationales ne répondant plus aux défis humains et écologiques, “L’une des solutions pour mieux y faire face est la monnaie locale, une monnaie qui redonne le pouvoir de l’argent au citoyen” (source L’Itinéraire, via Journal Métro, “Alternatives économiques: pour une monnaie plus humaine”).

Le but premier des monnaies locales complémentaires est d’une part se réapproprier la monnaie, la réinscrire dans le champs de l’économie concrète et aussi échapper au pouvoir des banques. Ces initiatives sont bien plus faciles à mettre en place au niveau local qu’au niveau étatique. Afin de préserver un semblant de stabilité politique, nous avons longtemps cru que l’unicité monétaire était une sorte de loi universelle. Il n’en est rien.

Comme l’explique Patrick Viveret dans les Dossiers d’Alternatives Economiques, “l’enjeu, c’est la démocratie”. Son rapport “Reconsidérer la richesse” a été le moteur d’initiatives monétaires et citoyennes. N’importe quel citoyen motivé, bénévole et ayant du temps peut lancer un projet de monnaie locale complémentaire. Mais P. Viveret insiste sur l’implication primordiale des collectivités et leur rôle clé pour accompagner ces initiatives. “Ce qui compte, c’est ce qu’on  en fait”.

Favoriser les circuits-courts, valoriser la production et les savoir-faire locaux, favoriser une consommation locale et responsable, l’économie réelle et non spéculative, voilà comment une monnaie locale peut créer du lien.

Mutualisation, coopération, transition écologique, entraide et solidarité sont au coeur de l’économie sociale et solidaire, portée par ces monnaies. Changer ses habitudes est difficile, les réseaux des MLC sont encore fragiles, mais certaines régions profitent déjà des bénéfices de leur monnaie locale.

Des exemples de monnaies complémentaires qui marchent

Dans le Pays Basque à Bayonne par exemple, une école reçoit 1000 euskos par an pour les activités périscolaires. 

En 2015, 400 000 euros ont été convertis en euskos par les 3000 membres du réseau et environ 600 prestataires.

A Bristol en Angleterre, 516 000 Bristol pounds sont en circulation et 10% de la population en utilisent.

En Sardaigne, l’équivalent de 100 000 millions d’euros en sardex ont été échangées entre les entreprises, et entre particuliers et entreprises.

Les monnaies “open-source”

Les monnaies open source vont encore plus loin dans le processus démocratique. Le bitcoin a été créé par un petit génie de l’informatique après la crise de 2008, grâce au système de blockchain. Alors que plus personne n’avait confiance dans les banques, cette crypto-monnaie permet de s’en passer pour les échanges monétaires.

Convertible dans les devises étatiques (dollar, euro…), le bitcoin est un système de paiement décentralisé, basé sur le principe du P2P où les utilisateurs sont les garants de leur propre monnaie, ce qui la rend véritablement démocratique. Décentralisée, elle ne passe par aucune banque ou autre instance centrale, privée ou publique.

La VeraCarte, monnaie complémentaire “open-source” adossée à l’or

Une monnaie “open-source” adossée à des métaux précieux répondrait parfaitement aux problématiques, aux besoins et aux évolutions actuelles de la société, avec toutes les caractéristiques de confiance requises pour une monnaie.

C’est le cas de la VeraCarte. Cette Mastercard fonctionne comme n’importe quelle carte de paiement, acceptée dans près de 30 millions de points de vente dans le monde. Sa différence est que le cash stocké sur le compte VeraCarte est adossé à des actifs tangibles (or, argent, diamant) stockés en Port Franc. Depuis son compte, un simple bouton “Envoyer” permet d’acheter un bien, de payer un service, faire un don de matières précieuses, sans passer par le circuit bancaire et sans frais.

La révolution est en marche, et elle est peut-être bien là, dans un mode de paiement alternatif et complémentaire, qui permettrait à la fois de se réapproprier la monnaie et d’utiliser l’or comme monnaie de confiance, sans spéculation.

 

 

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Jean-François Faure est le président d’AuCOFFRE.com, un service en ligne de placement en or physique avec garde en coffres fondé en 2007. Afin de guider au mieux les épargnants intéressés par les matières tangibles, il édite le blog LORetLARGENT.info, crée régulièrement des livres blancs sur des sujets pointus. Il a publié en 2011 un livre intitulé L’or, un placement qui (r)assure.
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