‘Les
économies du monde se distinguent les unes des autres par leurs différences en termes
d’institutions et de règles économiques, ainsi que des motivations
de leurs citoyens’, écrivent Acemoglu
et Robinson dans une étude intitulée « Pourquoi
certaines nations sont vouées à
l’échec ». Les institutions que l’on pourrait
appeler d’exclusion, telles que la féodalité de
l’Europe médiévale ou le travail des enfants dans les
champs de coton en Ouzbékistan, ont toujours eu pour objectif premier
de transférer les richesses depuis les masses vers
l’élite.
Contrairement
à ces dernières, les institutions d'inclusion – se
concentrant sur la protection de la propriété privée,
l’état de droit, et la liberté des choix
économiques – permettent aux citoyens de se spécialiser,
d’accumuler du capital et d’innover technologiquement, ce qui
entraîne une amélioration de la productivité et permet de
générer une augmentation de revenus. Les institutions
économiques sont le produit des décisions politiques, qui elles
dépendent des institutions politiques. Comme nous l’avons vu,
elles peuvent être des institutions d’exclusion, c’est-à-dire
permettre à l’élite de maintenir sa domination sur le
reste de la société, ou d’inclusion,
c’est-à-dire permettre à de nombreux groupes
d’accéder à la sphère politique. La
pauvreté n’y est pas un accident : ‘Les pays pauvres
sont pauvres parce que ceux qui y sont au pouvoir prennent des décisions
qui nourrissent la pauvreté’. Ainsi, selon Acemoglu
et Robinson, ce ne sont uniquement que les décisions politiques qui
importent.
La
logique d’institutions d’exclusion et d’inclusion explique
pourquoi la croissance d’une économie n’est pas
prédéterminée. Si l’élite peut utiliser sa
domination politique afin de s’enrichir aux dépens de la masse
des citoyens, alors les marchés et la liberté
d’entreprendre – permettant à l’émergence de
compétition politique - n’ont aucune importance. En plus de
cela, puisque le contrôle de l’Etat peut s’avérer
une tâche lucrative, la concurrence politique peut entraîner
instabilité et violence. C’est ce cercle vicieux qui
empêche les sociétés de sortir de la pauvreté.
‘Au sein de nations
plus chanceuses, le pluralisme politique prévient la monopolisation
des ressources par un seul groupe, dans le même temps que les
marchés libres offrent à un groupe très étendu
des intérêts à défendre ce système contre
toute forme d’absolutisme. Ce cercle vertueux, ayant vu le jour au XVIIe
siècle en Grande-Bretagne, est le secret de la croissance
économique’.
James Kwak, Failure Is an Option, a Review
of Why Nations Fail :
J’ai
souvent répété que sous un système de
monnaies fiduciaires,
l’inflation et la déflation ne sont autres que les
résultats de décisions politiques.
Acemoglu et Robinson approfondissent un peu
plus leur étude en présentant, grâce à des
exemples historiques, que les succès ou les échecs nationaux,
que l’on pourrait également appeler niveau de bien-être
des citoyens, sont également le fruit de décisions politiques.
Ni
l’austérité ni le stimulus ne pourront permettre au
redressement de l’économie des Etats-Unis. Seules les victimes
innocentes privées de leurs droits civils souffriront des politiques
d’austérité, dans le même temps que seuls les 1%
récolteront les bénéfices engendrés par les
politiques de stimulus. Peu importe la stratégie employée, si
les dés sont pipés, il n’y a que très peu de
chances que la situation puisse s’améliorer.
Les banques doivent être contrôlées, et les
systèmes financiers réformés afin que nos
économies puissent être rééquilibrées.
L’équilibre économique est nécessaire à la
croissance.
Why Nations Fail
J’aimerai
ajouter à l’étude de Robinson que les institutions
économiques tendent à promouvoir et à financer
activement les mouvements politiques d’exclusion, les politiques
publiques et les partis, qu’ils soient de droite ou de gauche. Les
intérêts financiers ne parviendraient jamais à
disparaître entièrement, pas même au sein d’une
société devenue quasi-anarchique, dans la mesure où le
gouvernement démocratique permet de contrebalancer le pouvoir
privé.
‘Pour bien comprendre ce qu’est
réellement le fascisme, nous devons premièrement savoir contre
qui nous devons combattre, ce que sont exactement les régimes
fascistes et ce qu’ils entreprennent, par qui ils sont financés,
qui dirige une nation sous un tel régime, pourquoi les populations y
sont forcées à travailler plus, comment les corporations y
finançant le régime peuvent permettre à la
dégradation du niveau de vie et à l’augmentation de la
pauvreté des masses tout en devenant incroyablement riches’.
George Seldes, 1943
Dans leurs extrêmes, ni le communisme,
ni le fascisme, ni le capitalisme corporatif ne sont très
différents les uns des autres, dans la mesure où tous ces
régimes bénéficient uniquement à une élite
restreinte aux dépens du reste de la population.
‘Au sein des nations où le pouvoir ne se concentre
qu’entre très peu de mains, les hommes aux mentalités les
plus malfaisantes ont plus de chances d’arriver au pouvoir.
L’Histoire nous en a déjà donné la preuve cela
à de nombreuses reprises’.
John Dalberg (Lord Acton)
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