Plus
que jamais règne une grande confusion ! À court terme, le
déblocage des fonds destinés à empêcher que la
Grèce fasse défaut reste en suspens. La bombe à
retardement n’est toujours pas désamorcée. Le
gouvernement grec affiche fébrilement la certitude que tout rentrera
à temps dans l’ordre, mais la Troïka n’est
toujours pas revenue à Athènes et son rapport, qui doit ou non
permettre de débloquer l’argent, tarde d’autant.
Des
rumeurs insistantes font état de la constitution en cours d’un
front de sept pays (sur dix-sept) de la zone euro, emmenés par
l’Allemagne, qui voudrait renégocier le plan de sauvetage
de la Grèce, anticipant un rapport de la Troïka qui
pourrait conclure qu’elle a besoin d’un financement plus
élevé que prévu.
Les
banques seraient sollicitées pour accroître leur participation
financière et accepter une décote supplémentaire
à celle de 21 % qui avait été négociée
sous les auspices de l’Institute of International Finance, bien
inférieure à celle du marché. Les établissements
financiers, bien entendu, cherchent à y couper.
Les
Français seraient particulièrement opposés à
cette initiative, en raison de la forte exposition des banques
françaises à la dette grecque. Une telle remise en question
aurait comme inévitable conséquence d’imposer une recapitalisation
des banques européennes – qui n’avance pas – et
pourrait aboutir à ce qu’un défaut grec intervienne entre
temps, vu les délais qui seraient nécessaires à conclure
ce nouveau processus de négociation.
On
apprenait entre temps que l’objectif – qui semblait loin –
et qui consistait à réunir l’engagement des banques pour
qu’une décote de 21 % soit appliqué à 90 % de la
dette grecque faisant l’objet de la transaction était atteint.
La menace d’une décote supplémentaire faisant sans doute
son petit effet.
Aucun
éclaircissement n’a par ailleurs été
apporté aux projets de renforcement du FESF, qui pourrait être
doté d’un important effet de levier multipliant ses
possibilités financières, par un moyen qui reste à
l’étude. L’objectif étant de disposer d’une
force de frappe permettant de prévenir une extension de la crise
à l’Espagne et à l’Italie, toujours plus
menaçante, en ouvrant à leur attention des lignes de
crédit qui les dispenseraient d’affronter le marché
obligataire.
Deux
émissions d’obligations à court terme de ces deux pays
ont hier été sanctionnées par les marchés,
qui y ont souscrit en imposant des taux fortement à la hausse. Un
signe qui ne trompe pas quant à leur impatience, alors que les bourses
s’enflamment tel un feu de paille, les investisseurs avisés
engrangeant leur bénéfice et les commentateurs prenant des
vessies pour des lanternes, anticipant de manière
prématurée le règlement de la crise. Après avoir
chuté, les valeurs financières rebondissent, dans
l’espoir d’une recapitalisation orchestrée de leurs fonds
propres qui ne vient pas.
Deux
hypothèses sont possibles, si l’on scrute les
déclarations allemandes afin de percer leurs intentions. Soit ils
privilégient l’adoption des accords du 21 juillet par la
majorité gouvernementale au Bundestag, pour ensuite y revenir et
engager une nouvelle étape. Soit ils considèrent dès
à présent inacceptables les dispositifs permettant
d’augmenter les capacités du FESF, en raison de l’implication
inévitable de la BCE et/ou d’eux-mêmes qui en
résulterait. Le premier cas est politiquement scabreux, le second
financièrement incertain. Car contenir un défaut grec serait
dans ces conditions très hasardeux, imposant par exemple
l’effort supplémentaire des banques dont les rumeurs font
état et qui nécessite des prolongations risquant de tout faire
sombrer.
Pour
tout arranger, une polémique supplémentaire vient
d’éclater, à propos de la concrétisation du gouvernement
économique de la zone euro proposé par les Allemands et les
Français, qui marginaliserait la Commission
et sanctionnerait une gouvernance de celle-ci par les États… La
Commission se rebelle, ajoutant à la cacophonie ambiante. Afin
d’intéresser la partie, José Manuel Barroso fait entendre
sa petite musique à propos des euro-obligations.
Enfin,
La Tribune révèle aujourd’hui à sa « une
» un « plan secret » mis au point par des consultants
proches d’Angela Merkel. Il s’agirait
d’un décalque appliqué à la Grèce de la
structure de défaisance mise en place lors de la privatisation des
entreprises est-allemandes. Le gouvernement grec y placerait ses actifs
(ports, télécommunication, aéroports, immobilier) et
recevrait en échange 125 milliards d’euros d’une structure
montée sur la base du FESF – c’est leur valeur
estimée – aux fins de rachat au FESF et à la BCE de ses
obligations. Ce Kriegspiegel ramènerait la
dette grecque à 80% de son PIB, induisant une baisse de ses taux
obligataires estimée à 50%, et le tour serait joué avec
quelques astuces complémentaires. C’est beau comme un camion et
devrait être annoncé à Athènes, pour voir le
résultat dans la rue !
Billet rédigé par
François Leclerc
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