La diversification de l’économie, l’augmentation des prix et la création
de nouvelles taxes, oui, Mais une baisse de la production pétrolière, surtout
pas.
Le prix de l’essence a déjà doublé partout dans le pays, un saoudien ne
payera plus jamais 14 centimes pour un litre de carburant. Il faudra oublier
aussi les logements, l’eau, l’électricité payées en grande partie par l’État,
les habitants vont devoir affronter les factures. Mais ce n’est pas tout, la
TVA et tous ses avantages seront bientôt accessibles au peuple saoudien.Un
déficit budgétaire fait toujours réfléchir. 89,2 milliards pour l’année
passée et encore 80 milliards pour l’année qui vient: le ministère saoudien
des finances a pris en note les précautions du FMI et concentre désormais
tous ses efforts dans le changement du fonctionnement économique. D’après
Francis Perrin, président de l’Institut Stratégies et Politiques Energétiques
c’est par le secteur énergétique qu’ils vont commencer:
Sur le plan énergétique, l’Arabie Saoudite est en train
d’amorcer une certaine diversification, avec des projets d’énergie solaire,
ce qui est tout à fait nouveau pour ce pays qui avait longtemps trainé les
pieds en matière d’énergie solaire, par opposition aux Emirats Arabes Unis et
au Qatar, qui ont été pionniers dans ce domaine au moyen orient. L’Arabie
Saoudite envisage un programme nucléaire pour diversifier sa production,
rappelons que dans le monde arabe il n’y a qu’un seul pays, les Emirats
arabes unis, qui ont lancé un programme nucléaire, mais l’Arabie Saoudite
pourrait, dans les années qui viennent, prendre une décision dans ce domaine.
La production et l’exportation du pétrole assurent les trois quarts des
recettes budgétaires de l’Arabie Saoudite. Même si le pays a pu « mettre de
côté » 667 milliards d’euros au cours des années où un baril coutait plus de
cent dollars, les saoudiens réduisent désormais leur budget. Le pays souffre
donc de sa propre décision de ne pas plafonner la production pétrolière.
Francis Perrin estime que ce comportement s’explique par la nouvelle
politique de l’OPEP:« Précédemment l’OPEP baissait sa production quand
les prix chutaient, mais depuis un an, l’Arabie saoudite et d’autres pays
disent, si on réduire la production pour faire remonter les prix, il
faut que ce soit dans le cadre d’un accord, entre l’OPEP et plusieurs pays
non OPEP. Il n’y a pas de raisons que l’OPEP soit la seule à faire des
efforts, dont profitent ensuite tous les producteurs de pétrole, qu’ils
soient ou non membres de l’organisation. Ce changement de stratégie intervenu
à la fin novembre 2014, et maintenu jusque la fin 2015, est un élément
important de la transformation du paysage pétrolier mondial ».
Pendant que les producteurs OPEP et non OPEP attendent de savoir qui sera
le martyr de cette crise pétrolière, et qui baissera sa production en premier,
plusieurs pays n’ont pas les moyens de jouer à ces jeux, et ce pour diverses
raisons:« Parmi les plus touchés on trouve le Venezuela, un
autre pays membre de l’OPEP mais qui a très peu de réserves financières et
une situation économique extrêmement difficile. En Amérique latine, un pays
comme l’Equateur qui est un tout petit pays producteur de pétrole est
également très touché. On peut penser en Afrique au Nigéria et à l’Angola,
qui sont des pays en développement. Le Nigéria a une population extrêmement pauvre.
On pense évidemment à l’Irak et à la Lybie, qui font face à des tensions
internes très fortes, avec l’Etat islamique et qui font face à des couts de
reconstruction considérables et qui auraient bien besoin de prix du pétrole
plus élevé, pour d’une part financer des besoins de sécurité importants, et
d’autre part financer une reconstruction nécessaire ».
Les conséquences de la chute pétrolière ne sont pas les mêmes pour les
producteurs et pour les consommateurs. Pour plusieurs pays la production est devenue
simplement non-rentable. D’après Francis Perrin le maintien des prix bas sur
le marché du pétrole est une technique pour éliminer certains acteurs dans le
secteur:
« Les bas prix du pétrole ont un impact positif sur la demande,
sur la consommation, et négatif sur la production, ça veut dire que ces bas
prix ont tendance à exercer un rééquilibrage du marché entre l’offre et la
demande. La question c’est: « est-ce que les producteurs attendent que ce
rééquilibrage se fasse par le marché — ça prend un certain temps et ça
peut être douloureux, voire brutal — ou est-ce que certains producteurs
décident d’accompagner ce mouvement de rééquilibrage, en baissant leurs
productions? Pour l’instant ce n’est pas ce qu’ils font au moment où nous
parlons »L’Arabie Saoudite ne vit pas de la même manière les
conséquences de la crise pétrolière que le Venezuela, par exemple. Riyad
possède quelques milliards d’euros et reste l’exportateur mondial numéro un
d’hydrocarbures, mais elle réduit quand même son budget. Reste à imaginer où
tout cet argent « économisé » ira.