Même s’il ne s’agit pas d’une règle absolue, de nombreux
investisseurs s’attendaient à une forte progression des cours de l’or en réaction
au mini-krach boursier du début du mois. Mais rien ne s’est passé comme
prévu, et l’or a stagné, voire légèrement reculé face aux devises. Quelques
explications possibles…
Généralement, l’or connaît une évolution contra-cyclique par rapport au marché
actions, c’est à dire que son cours baisse quand la bourse se porte
bien, et qu’il monte lorsque les valeurs boursières subissent un revers comme
celui qu’on a connu la semaine dernière. Pourtant, cette fois-ci, l’or n’a
pas réellement réagi comme on l’attendait, il a même par certains côtés
accompagné la baisse, même si c’est d’une manière relativement modérée.
Un manque de réaction décevant
Hormis la déception des détenteurs de métaux précieux qui
s’attendaient, au contraire, à une remontée de leur placement fétiche en
réaction au mini-krach qui a ébranlé les places financières
américaines et européennes, on peut légitimement s’interroger sur cette
relative atonie de l’or dans une période où il devrait justement se porter
comme un charme.
De nombreuses raisons peuvent expliquer cette situation, la plupart
relativement techniques dont certaines sont liées au momentum. En effet, il
n’existe bien sûr pas de règle absolue en matière d’investissement ou de
réaction des marchés (la preuve !), mais on peut néanmoins distinguer
certaines situations en fonction du moment où elles surviennent. Par exemple,
une baisse brutale des indices boursiers n’aura pas la même
signification, ni le même impact, selon qu’elle interviendra dans une période
de récession ou au contraire à la suite d’une (longue !) période d’euphorie
boursière. Dans le premier cas, il s’agira, en schématisant, d’une
aggravation de la situation ; tandis que dans le second cas, on parlera
davantage de “correction” visant à rétablir un niveau normal pour des marchés
qui se seraient laissés un peu trop emporter par l’enthousiasme.
D’après les analystes, il semblerait que le début du mois de février
corresponde à ce deuxième cas de figure, et que la baisse brutale des places
boursières fassent simplement écho à une année 2017 où les indices se sont
envolés de manière sans doute excessive, ou en tout cas de manière
disproportionnée par rapport à la situation réelle de l’économie
mondiale. Une correction était donc inévitable.
L’or réagit moins aux corrections de marchés qu’aux causes structurelles
Du côté de l’or, beaucoup ont été agréablement surpris de voir le métal
précieux s’apprécier tout au long de l’année 2017 justement, alors que la
Bourse elle aussi grimpait allègrement. Rappelons en effet que le
cours de l’or a gagné environ 10% en 12 mois, soit un peu plus que
le CAC40 sur la même période. Dans ce sens-là, personne ne s’est plaint de
l’évolution inhabituelle du cours de l’or, lequel
aurait dû logiquement souffrir de la hausse du marché actions. En réalité,
les raisons de son apparente bonne tenue en 2017 sont les mêmes qui
expliquent sa relative indifférences aux turbulences boursières actuelles.
Tout d’abord, les raisons qui ont fait grimper les indices tout au long de
l’année dernière sont pour la plupart artificielles. Les marchés n’ont
progressé que sous la pression d’une masse monétaire
considérable ainsi que par le jeu des “enthousiasmes politiques” qui ont
convaincu les investisseurs que tout allait mieux, en dépit d’une réalité
beaucoup plus morose, voire réellement préoccupante sur bien des aspects.
L’or, quant à lui, réagit davantage aux causes structurelles qu’aux
conséquences. Ce n’est pas tant la montée ou la baisse des indices boursiers
qui commandent le niveau des cours de l’or que les raisons qui font justement
monter ou baisser la bourse. Or là, il n’y avait pratiquement que du vent,
des promesses, des espoirs, des suppositions (et aussi quelques manœuvres
destinées à manipuler les cours, mais c’est une autre histoire). En tout cas,
rien qui prouve que la situation s’améliorait vraiment.
De fait, l’or a continué à monter, et même parfois à
surperformer par rapport à la Bourse, justement parce que le mouvement
haussier était artificiellement entretenu et qu’il allait falloir payer la
note un jour ou l’autre.
L’or de plus en plus impliquée dans l’économie réelle
De la même façon, lorsque le Dow Jones et le CAC40
se sont brusquement affaissés il y a un peu plus d’une semaine, les
fondamentaux n’avaient pas évolué et l’or n’avait donc aucune raison de
répercuter quoi que ce soit. Seule la bourse était concernée par cette
correction purement organique. Rien de systémique, juste un retour à des
niveaux plus réalistes (même si on reste encore très loin d’une
représentation fidèle et honnête de la réalité économique).
Pourtant, on a pu noter cette fois un léger repli de l’or,
comme si cette fois encore, le cours des métaux précieux avait décidé de
coller à l’évolution des marchés. En réalité, cette réaction tient
principalement à l’évolution des technologies.
En effet, l’or et l’argent notamment entrent de plus en
plus souvent (et massivement) dans la production des nouvelles technologies.
Qu’il s’agisse des smartphones, des voitures autonomes, des nouveaux systèmes
de production d’énergie ou encore des nombreux dispositifs en développement
faisant appel à l’intelligence artificielle, la plupart des objets du
quotidien (que ce soit ceux d’aujourd’hui ou de demain) utilisent de plus en
plus de métaux précieux. Pour donner un simple exemple, 1
tonne de déchets électroniques contient aujourd’hui entre 20 et 300
fois plus de métaux précieux (et notamment d’or pur) que la même
tonne de minerai. Et avec l’obsolescence galopante des équipements
numériques, la production requiert toujours plus de ces métaux précieux.
L’apparente atonie de l’or cache en réalité un conflit entre ses deux
principales fonctions économiques
Par conséquent, même si on ne peut que se réjouir de cette nouvelle
tendance qui offre une seconde jeunesse aux “reliques barbares”, on doit également
accepter que les métaux précieux se retrouvent du même coup beaucoup
plus exposés aux fluctuations des marchés traditionnels. En effet,
lorsque les valeurs technologiques commencent à être impactées par une baisse
des indices boursiers, alors ce sont non seulement les entreprises concernées
qui en pâtissent mais également les secteurs connexes qui gravitent autour
d’elles, et dans le cas présent l’or et les métaux précieux.
Ainsi, peu à peu, même si l’or d’investissement garde sa
spécificité “contrarienne” vis-à-vis des marchés financiers, il est désormais
bien plus lié qu’on le pense à l’évolution de ces mêmes marchés. Par
conséquent, pris entre sa vocation première de valeur-refuge
et sa nouvelle mission d’accompagnement des industries du futur, l’or se
retrouve globalement dans une position d’équilibre, comme s’il devenait de
moins en moins sensible aux fluctuations boursières, alors qu’en réalité ses
cours reflètent aujourd’hui un conflit grandissant entre sa propension
naturelle à contrer les marchés et son rôle plus récent de matière
première industrielle bien plus susceptible de suivre justement ces
mêmes marchés financiers.