|
« La
propriété est sacrée parce qu'elle représente le
droit de la personne elle-même. » Victor Cousin, La
société idéale
La
société idéale, est
un petit livre admirable de Victor Cousin, qui vient d’être
réédité par l’éditeur Berg International.
Victor
Cousin est un philosophe et homme politique français, né
à Paris le 28 novembre 1792 et mort à Cannes le 14 janvier
1867. Il est connu pour être le penseur de
l’ « éclectisme », sa théorie
des quatre systèmes élémentaires qui renferment
l’histoire entière de la philosophie : le sensualisme,
l’idéalisme, le scepticisme et le mysticisme. Chaque
système, selon lui, renferme sa part de vérité.
Il
est élu à l’Académie française en 1830,
à l’Académie des sciences morales et politiques en 1832,
dans la section de philosophie. Président du jury
d’agrégation pendant une bonne partie du 19ème
siècle, il réforme l’enseignement de la philosophie et
l’oriente vers un spiritualisme laïque. Il a souvent
été qualifié de « philosophe de la République »,
craint ou haï. Mais dans ses écrits, il est surtout un
transmetteur d’idées, un admirable pédagogue comme le
montre ce petit traité.
Ce texte
sur La société idéale a
été publié initialement en 1848, dans la collection des Petits
Traités de l’Académie des sciences morales et politiques
sous le titre Justice et charité.
La mission de cette collection était de décrire
scientifiquement la vie des hommes en société afin de proposer
les meilleures formes pour son gouvernement.
Avec
ce livre, Cousin rédige un vibrant plaidoyer en faveur de la
liberté et de la propriété. Sa grande crainte en 1848,
c’est la république rouge, revendiquée par les
révolutionnaires. Aussi apporte-t-il volontiers, par
l’intermédiaire de son « petit traité »,
sa contribution à la réfutation du socialisme.
Dans
la première partie de son traité, Cousin commence par une
critique de la fausse égalité : l’identité.
La vraie égalité, c’est l’égale
liberté. Puis il fait l’éloge du droit de
propriété, compris comme fondement de la justice et donc de la
loi.
Dans sa
justification de la propriété, Cousin ne s'engage pas dans une
démonstration économique sur l'utilité de la
propriété. Il se demande si la propriété est
conforme à la justice et si elle constitue bien un droit. Après
avoir défini la justice, le respect de la liberté ou la
garantie de l'inviolabilité du moi humain, il constate que la
propriété n'est autre chose que le prolongement du moi, de la
personne elle-même. Le droit de propriété est un attribut
naturel de l'homme, comme le droit de respirer. Il préexiste à
la société, et les gouvernements ont pour mission de le
garantir sans avoir le droit d'y toucher. « La propriété
est sacrée parce qu'elle représente le droit de la personne
elle-même. »
À cette
conception qui est la sienne, Victor Cousin oppose la conception
adverse : celle qui prétend que la propriété a un
caractère essentiellement relatif, variable, humain. Elle ne viendrait
pas de la nature mais résulterait d'une convention conclue à
l'origine des sociétés. Elle serait née d’un
contrat social. La propriété serait donc d'institution humaine,
et la société qui l'a instituée serait maîtresse de la
modifier, de la restreindre ou de l'élargir à son gré.
« Comprendre
ainsi le droit de propriété, le faire reposer sur un contrat
ou sur une législation arbitraire, c’est le détruire. Le
droit de propriété n’est pas, ou il est absolu. La
loi écrite n’est pas le fondement du droit : sinon, il n’y
a de stabilité ni dans le droit ni dans la loi elle-même ;
au contraire, la loi écrite a son fondement
dans le droit qui lui préexiste, qu’elle traduit et
qu’elle consacre », écrit Cousin.
Dans
un compte-rendu donné au Journal des Économistes,
(tome 22, décembre 1848 à mars 1849, N° 94, 15 janvier
1849, p. 162-77) Gustave de Molinari écrit
à propos du petit traité de Victor Cousin :
« Dans
l'opuscule cité plus haut, M. Cousin établit clairement la
différence des deux systèmes qui se sont jusqu'à
présent occupés de la propriété, je veux parler
du système des économistes et du système des vieux
jurisconsultes, copiés par Rousseau et son école. Selon les
économistes, la propriété est un véhicule
primordial de la production et de la distribution des richesses, un des
organes essentiels de la vie sociale : on ne peut, disent-ils, toucher
à cet organe sans nuire à l'organisme, et les gouvernements,
institués en vue de l'utilité générale, manquent
complètement à leur mission lorsqu'ils portent atteinte
à la propriété. A cette règle, aucune exception !
Aux yeux des véritables économistes, comme à ceux des
véritables philosophes, Le Droit De Propriété N'est Pas
ou Il Est Absolu »
Dans la seconde partie de son petit traité, Victor Cousin
ajoute un devoir de charité. Selon lui, en plus de faire régner
la justice, ce qui est sa mission principale, l’État doit avoir
du cœur et des entrailles. Toutefois, ce devoir de charité
n’implique pas, dit-il, un droit à l’assistance ou un
droit au travail. « Si vous m’arrachez une obole, vous
commettez une injustice. Il y a ici des devoirs qui n’ont pas de droits
corrélatifs. »
Il ne peut pas y avoir de droit au travail selon Cousin, car
« tout droit vrai emporte l’idée qu’on peut
l’assurer par la force ». Or, forcer les uns à payer
pour les autres reviendrait à les traiter comme des esclaves, ce qui
contredirait le principe de justice posé précédemment.
Il y a des devoirs qui n’ont pas de droits corrélatifs, c’est
le cas ici de la charité. Personne n’a droit à être
traité charitablement. La charité n’est pas un droit,
c’est un devoir.
Disponible sur amazon.fr au prix de 5 euros
|
|