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Guy
Bedos fait partie de ces aspirants comiques parfaitement infructueux dont les
propos ne suscitent en général rien d'autre qu'un haussement de
sourcil furtif, avant de passer à autre chose. Et donc, sa tentative
ratée de se rendre intéressant en traitant Nadine Morano de "conne" et de "salope"
devrait recevoir pour seul traitement le mépris le plus
intégral, quoi que l'on pense de l'ex pensionnaire du gouvernement
précédent.
Oui mais voilà, Mme Morano a choisi de
traîner M. Bedos devant les tribunaux pour ces propos. La question qui
se pose est donc de savoir si sa plainte, dans un pays où le droit
serait bien fait, serait recevable.
Notez bien que je ne me hasarderai pas à dire ce que fera le juge dans
cette France dont le droit en général, et celui de la libre
expression en particulier, est devenu plus illisible qu'un discours de
François Hollande gravé en continu sur un nid de tagliatelles
sauce tomate. Je me bornerai à répondre à la question du
droit tel qu'il devrait être, de mon point de vue.
La question posée en droit n'est pas de savoir, comme on le lit
parfois, si M. Bedos est drôle, spirituel, ou nul, ni de savoir s'il
arrive à la cheville ou à la voûte plantaire de Pierre
Desproges. Ni de savoir si le fait de traiter une ancienne ministre dont il
ne partage pas les opinions politiques de "conne" ou de
"salope" est un attentat contre la dignité de toutes les
femmes du monde.
La question est de savoir jusqu'où va la liberté d'expression
de M. Guy Bedos et quelles sont ses limites, autrement dit, à partir
de quel moment ses propos doivent pouvoir faire l'objet de réparations
civiles, ou de poursuites pénales. Des traités de droit entiers
ont été écrits sur la question. La liberté
d'expression ne peut évidemment pas être totale: je ne peux pas
publiquement appeler les gens qui aiment mes délires facebookiens à commettre des meurtres, où
affirmer sans preuve que le président du Kafiristan
du sud est un corrompu qui possède 5 millions d'Euros sur un compte
dans une banque au Kafiristan du nord.
Pas question pour moi de réécrire le droit ici, vous pensez
bien. Je me contenterai de quelques réflexions de base. La question
posée est celle du préjudice subi par Madame Morano. Hormis son amour propre, est
elle moindrement impactée négativement par les propos de
M. Bedos ? A l'évidence, non. Bien sûr, recevoir des noms
d'oiseaux n'est pas agréable, mais enfin, les incontinences
pathétiques de M. Bedos ne lui coûteront ni argent, ni voix, ni
pertes d'amitiés, ni quoi que ce soit de tangible.
Ma réponse aurait été différente si M. Bedos,
pris de folie, s'était mis à insulter une parfaite inconnue qui
n'a rien demandé à personne: les anonymes ont aussi le droit
qu'on leur fiche la paix. Mais toute personne s'exprimant publiquement sur
quelque sujet que ce soit doit s'attendre à pouvoir être
critiquée, parfois avec talent, et parfois par Guy Bedos.
En contrepartie, le Droit de Mme Morano de
répondre à M. Bedos avec toute l'ironie mordante, la finesse
spirituelle et les flèches du parthe dont on sait capables les
attachés parlementaires que nos impôts lui prodiguent doit lui
aussi être total.
Bref, l'expression doit être libre dans les limites du respect des
droits fondamentaux d'autrui. Mais le droit à l'amour propre des
personnalités publiques n'entre pas dans ces limites
là.
Tout cela pour dire que si je trouve Guy Bedos décidément
pitoyable, je trouverais bien plus grave que la justice donne une suite
favorable à la plainte de Mme Morano. Car si
les droits à l'incommensurable médiocrité et à
l'insondable bêtise de M. Guy Bedos sont protégés, alors
votre liberté d'expression l'est aussi.
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