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Imaginez
que vous viviez sur une petite île, exploitant la mine de sel locale,
avec Pierre le pêcheur et Thomas le producteur de pommes. Vous
échangez votre sel contre les poissons de Pierre et les pommes de
Thomas, et ils s’échangent respectivement leurs pommes et leurs
poissons.
Un jour, Pierre dit : « A partir de maintenant, au lieu de poisson, je
te donnerai des morceaux de papyrus avec des chiffres inscrits
dessus » (le papyrus pousse en quantité quasiment
illimitée dans les alentours, ce qui profite évidemment
à Pierre). Il continue : « un dollar papyrus vaudra un
poisson, ou cinq pommes, ou deux sacs de sel (cours équivalent aux
cours actuels du troc). Cela facilitera les échanges entre nous. Cela
nous évitera de nous promener tout le temps avec les poissons, les pommes
et le sel. A la place, on présentera simplement le papyrus à
échanger sur demande ».
En bref, Pierre veut moderniser l’économie de votre petit
île en introduisant l’argent, et il a déjà avec lui
l’un de ces billets papyrus de 1 dollar, qu’il est impatient
d’échanger contre du sel.
Vous
vous moqueriez de lui, car vous savez que le papyrus en soi n’a aucune
valeur. Si vous acceptiez tous les trois d’utiliser le papyrus, sa
valeur ne reposerait que sur une promesse, celle de Pierre que le papyrus
qu’il émet est réellement garanti par du poisson. Puisque
le papyrus pousse partout, il pourrait facilement en émettre à
volonté. En fait, il y a peu de chances pour qu’aucun des
habitants de l’île ne propose une idée aussi absurde.
Il y a plus de chances qu’ils utilisent un autre bien pour lequel il
existe une demande réelle (par exemple, une espèce rare de
crustacé utilisé comme ornement et que l’on ne trouve que
rarement sur l’île) comme moyen d’échange.
En bref, une monnaie d’échange/valeur refuge de marché libre
ne peut être que quelque chose pour lequel il existe une demande
déjà établie. Aucun objet sans valeur ne pourrait jamais
fonctionner comme monnaie dans un marché libre.
Alors comment cela est-il arrivé ?
Comment des objets sans aucune valeur intrinsèque sont-ils parvenus
à être acceptés en tant que monnaie ? Pour
répondre à cette question, il nous faut jeter un bref coup
d’œil à l’histoire.
Flash-back : Rome, 27 avant J.-C.
L’histoire
de l’inflation et de la dévaluation de la monnaie de Rome a
réellement commencé avec le successeur de César,
Auguste, mais au moins sa méthode n’était pas une
escroquerie prima facie.
Il ordonna simplement aux mines de surproduire de l’argent afin de
tenter de financer l’empire qui s’était beaucoup agrandi
sous César et lui-même.
Lorsque cette surproduction commença à produire des effets
inflationnistes, Auguste décida sagement de réduire
l’émission de pièces. Ce fut la dernière fois
qu’un empereur romain tenta de corriger honnêtement une erreur de
politique monétaire, à l’exception d’un bref moment
de rectitude monétaire sous Aurélien, environ 280 ans plus
tard.
Sous les successeurs d’Auguste, les choses commencèrent à
se détériorer rapidement. Claude, Caligula et Néron
engagèrent d’énormes dépenses qui
épuisèrent les finances de Rome. C’est Néron qui
le premier eut l’idée de dévaluer les pièces de
monnaie en réduisant leur taux d’argent, en 64 après
Jésus-Christ. Tout commença à aller mal à partir
de là.
Il faut remarquer que Marc-Antoine, aujourd’hui célèbre
jusqu’à Hollywood, finança également
l’armée qu’il utilisa pour combattre Octave, puis plus
tard Auguste, avec des pièces dévaluées. Ces
pièces restèrent en circulation pendant longtemps,
obéissant à la loi
de Gresham, selon laquelle « la mauvaise monnaie chasse la
bonne ».
Un spécimen de
l’Antonianus émis par Aurélien,
datant de 275 après J.-C., avec une proportion argent/cuivre de 1/20
En
274 après J.-C., Aurélien entama une réforme
monétaire bien intentionnée, qui fixa la teneur en argent et en
cuivre de la pièce la plus utilisée à
l’époque (l’Antonianus) à
1/20. Cependant, dès que cette réforme entre en vigueur, la
teneur en argent continua son inexorable déclin.
L’empereur
Dioclétien, le
contrôleur des prix
En
l’an 300 après J.-C., l’empereur Dioclétien
s’essaya à la réforme, cette fois en instituant un
contrôle des prix, une sottise répétée de
nombreuses fois par la suite, malgré les preuves irréfutable
que cela ne marche jamais (l’expérience malheureuse de Richard
Nixon étant l’exemple le plus récent).
Naturellement, ces contrôles des prix accélérèrent
la chute de Rome, car les biens commencèrent tout simplement à
disparaître du marché. Les marchands commencèrent
à cacher leurs biens plutôt que d’accepter le
décret les obligeants à vendre à perte. Ceci est bien
sûr la raison pour laquelle le contrôle des prix est toujours
voué à l’échec.
Une caractéristique récurrente de la longue histoire de la
dévaluation de la monnaie de Rome était un déficit
commercial chronique dû à la surconsommation. Cela vous est-il
vaguement familier ?
A
suivre…
Mish
GlobalEconomicAnalysis.blogspot.com
ish's Global Economic
Trend Analysis
Réflexions sur de débat de l’inflation
/déflation/stagnation et autres remarques sur l’or,
l’argent, les monnaies, les taux d’intérêts et les
politiques monétaires affectant les marchés mondiaux.
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