Selon la théorie autrichienne
des cycles économiques, la baisse artificielle des taux d’intérêt par les banques
centrales entraîne une mauvaise allocation des ressources parce que les
entreprises se lancent dans divers projets importants qui – avant le rabais
des taux d’intérêt – n’auraient pas été considérés comme viables. Cette
mauvaise allocation de ressources est communément décrite comme une
croissance économique.
De manière générale, les
entrepreneurs ne réalisent leur erreur qu’une fois que les banques centrales –
qui ont été instrumentales dans la baisse des taux – reviennent sur leur
position, ce qui met fin à l’expansion de capital et laisse place à une
récession économique.
Nous pouvons déduire de la
théorie des cycles économiques que la baisse artificielle des taux d’intérêt
piège les entrepreneurs en les attirant vers des activités non viables qui ne
sont exposées pour ce qu’elles sont qu’une fois que les banques reviennent
sur leurs politiques de taux d’intérêt.
Selon les critiques de cette
théorie, il n’y a aucune raison pour laquelle les entrepreneurs se
laisseraient prendre encore et encore par une baisse artificielle des taux d’intérêt.
Les entrepreneurs sont en mesure
de tirer des leçons de leurs expériences, nous disent-ils, et de ne pas tomber
dans le piège d’une baisse artificielle des taux à plusieurs reprises.
Les attentes bien fondées des
entrepreneurs finissent par neutraliser le processus de croissance et de
récession déclenché par la baisse artificielle des taux d’intérêt.
Ainsi, nous dit-on, la théorie
autrichienne des cycles économiques ne permet pas d’expliquer le phénomène
moderne des cycles économiques. Selon un grand critique de cette théorie, Gordon
Tullock,
Nous pourrions penser que les
entrepreneurs puissent se laisser tromper une à deux fois par les cycles de
Rothbard et ne pas anticiper que la baisse des taux d’intérêt finira par être
renversée. Mais qu’ils ne le comprennent jamais me semble peu probable.
Habituellement, Rothbard et les autres Autrichiens estiment que les
entrepreneurs sont bien informés et capables de jugements réfléchis. Nous
pourrions au moins penser qu’un entrepreneur bien informé et intéressé par ce
qui concerne son entreprise lise Mises et Rothbard et, ainsi, anticipe les
actions du gouvernement.
Mises lui-même considérait
possible qu’à un certain moment, les entrepreneurs cessent de répondre aux
politiques monétaires laxistes des banques centrales pour empêcher l’apparition
d’un cycle de croissance et de récession. Voici ce qu’il a écrit en réponse à
Lachman (Economica,
août 1943) :
Il est possible qu’à l’avenir,
les entrepreneurs réagissent à l’expansion de crédit d’une autre manière que
par le passé. Il se pourrait qu’ils évitent d’utiliser l’argent facile qui
leur est rendu disponible pour élargir leurs opérations, parce qu’ils savent
que la conséquence inévitable en est une fin de la croissance. Certains
signes laissent supposer un tel changement. Mais il est encore trop tôt pour
en tirer une conclusion positive.
Les attentes futures ont-elles
de l’importance ?
Selon les critiques de la
théorie autrichienne, si les entrepreneurs anticipent que la baisse
artificielle des taux d’intérêt a des chances d’être suivie par un renversement
des taux d’intérêt à la hausse, alors ils choisissent de neutraliser l’apparition
de ce phénomène de cycle. Mais est-il vrai que les entrepreneurs agissent sur
ces attentes bien fondées ?
De plus, la clé des cycles
économiques n’est pas seulement le comportement des investisseurs en réponse
à la baisse artificielle des taux d’intérêt – après tout, les entrepreneurs
ajustent leurs activités en réponse à la demande des consommateurs. Nous
pourrions donc généraliser et suggérer que les attentes des individus au sein
d’une économie devraient pouvoir empêcher des cycles économiques de se
développer. Mais est-ce vrai ?
Prenons John, par exemple. En
conséquence des politiques laxistes employées par sa banque centrale, John
est en mesure de réduire les versements d’intérêts sur son prêt immobilier.
Pourquoi refuserait-il de le faire même en sachant que cette baisse des taux
mènera plus tard à un renversement de cycle ?
En tant qu’individu, John ne se
soucie que de son bien-être personnel. En versant moins d’intérêts sur sa
dette existante, John a augmenté son pouvoir d’achat. Il peut désormais de
permettre d’acheter des produits qu’il n’aurait pas pu s’offrir avant.
En conséquence des politiques
des banques centrales, la demande de John et des autres emprunteurs
hypothécaires en biens et services augmente. Il est nécessaire de se rappeler
ici que cela n’aurait pas pu se produire sans l’adoption de taux d’intérêt
artificiellement bas par une banque centrale).
Le travail d’un entrepreneur est
de répondre aux besoins futurs des consommateurs. Dès qu’il observe un déclin
des taux d’intérêt, il sait que la demande est sur le point de grimper.
Ainsi, il cherche à en tirer
profit en s’arrangeant de manière à satisfaire cette nouvelle demande.
Par exemple, si un bâtisseur
refuse de s’adapter à la hausse potentielle de la demande en maisons parce qu’il
croit que les politiques laxistes des banques centrales ne pourront pas
durer, il finit très rapidement pas être éliminé du marché.
Il est nécessaire pour lui de s’adapter
à la demande en maisons. De la même manière, les entrepreneurs de n’importe
quel autre secteur doivent répondre aux changements de la demande s’ils
veulent continuer de faire des affaires.
Un entrepreneur n’a que deux
options – participer à un secteur particulier, ou simplement ne pas le faire.
Une fois qu’il décide de participer à un secteur, il doit s’adapter à l’évolution
de la demande en biens et services sur ce secteur particulier, et ce peu
importe les causes de l’évolution de la demande.
Ne pas le faire le mènerait à la
ruine. Quelles que soient les attentes futures, une majorité des entreprises
se « font prendre » par les cycles économiques. Une hausse future
des taux d’intérêt fera baisser la demande en biens et services et imposera
des pressions sur les activités commerciales qui se seront développées alors
que les taux étaient artificiellement bas. Ainsi, une récession économique
émerge.
Nous pouvons en conclure que
même des attentes bien fondées ne peuvent pas empêcher les cycles de
croissance et de récession une fois que les banques centrales abandonnent
leur maintien des taux d’intérêt à la baisse. La seule manière de mettre fin
à la menace des cycles économiques est pour les banques centrales de cesser d’intervenir
sur les marchés financiers. Mais elles répondent toujours à une récession en
renversant leurs politiques, et donc en déclenchant le prochain cycle de
croissance et de récession.