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En voilà une question qui est bonne ! Et c’est
France Stratégie qui se la pose, c’est dire si c’est du
sérieux.
France
Stratégie est le dernier avatar du Commissariat
général au Plan (CGP), vous savez le
« machin » créé en 1946 par le
général de Gaulle, avec Jean Monnet à sa tête,
pour planifier l’économie française. En 2006, le CGP est
transformé en Centre d’analyse stratégique (CAS), puis,
en 2013, en Commissariat général à la stratégie
et à la prospective (CGSP), plus couramment appelé France
Stratégie.
Voilà donc que le nouveau « machin »
s’intéresse aux dépenses publiques
élevées. Plus précisément, il a mené une
étude, à partir des dépenses publiques réparties
par grands postes, cherchant « à identifier, à
l’aide de comparaisons internationales, les postes pour lesquels les
dépenses sont plus élevées [en France] que dans les
autres pays pour un niveau de performance équivalent ou
supérieur – dans ce cadre, la performance est
appréciée par des indicateurs de résultats. »
L’étude rappelle d’abord que les administrations
publiques françaises – État, collectivités
territoriales et administrations de sécurité sociale –
dépensent chaque année l’équivalent de 54 %
du PIB (hors intérêts de la dette). La France se trouve ainsi
classée au troisième rang des pays européens les plus
dépensiers, derrière le Danemark et la Finlande. La
Suède, longtemps paradis rêvé des socialistes
français, est en cinquième position. L’Allemagne est
à 42 % du PIB (12 points de moins) et en 18ème
position. La moyenne de la zone euro est à 47 % du PIB (7 points
de moins). Comme le disent Céline Mareuge et
Catherine Merckling, rédactrices de
l’étude, « dans un contexte d’ajustement
budgétaire, ces écarts sont considérés comme une
source potentielle d’économies. »
L’étude de France Stratégie compare les trois
principaux postes de dépenses publiques en France et dans trois autres
pays :
-
protection sociale : 24,4 % du PIB en
France ; 21,4 % en Suède ; 19,4 % en
Allemagne ; 17,9 % au Royaume-Uni ; 20,6 % en moyenne
dans la zone euro ;
-
santé : 8,3 % du PIB en
France ; 7,1 % en Suède ; 7 % en Allemagne ;
7,9 % au Royaume-Uni ; 7,4 % dans la zone euro ;
-
enseignement : 6,1 % du PIB en
France ; 6,8 % en Suède ; 4,3 % en
Allemagne ; 6 % au Royaume-Uni ; 5 % dans la zone euro.
Pour chacun de ces trois postes, les dépenses publiques
françaises sont au-dessus de la moyenne de la zone euro, et au-dessus
de celles des trois pays choisis. Il n’y a que pour
l’enseignement que la Suède dépense, en pourcentage,
davantage que la France.
Ces écarts de dépenses peuvent être
attribués, selon les auteurs, à plusieurs types de
facteurs : des différences objectives de situation (comme les
facteurs démographiques), des préférences collectives
(niveau de protection ou de transferts, par exemple), des différences
dans l’efficience de la dépense. C’est sur ce dernier
point que l’étude de France Stratégie se concentre.
En matière de protection sociale, la France dépense
largement plus que la zone euro pour la vieillesse (13,8 % du PIB et
56 % du budget de la protection sociale). Pour mesurer la performance de
ces dépenses, les auteurs de l’étude ont choisi des
indicateurs en rapport avec les « trois objectifs
affichés de la politique de retraite : assurer aux
retraités un revenu de remplacement en rapport avec les revenus
perçus durant leurs dernières périodes
d’activité, réduire la pauvreté parmi les plus de
65 ans et limiter les inégalités ».
Au final, la France est, parmi les grands pays, celui qui a le plus
mauvais rapport dépenses-efficience. « À
performances égales, la Suède a par exemple des dépenses
relatives en vieillesse très inférieures à celles de la
France. » Les Pays-Bas, avec des dépenses relatives moitié
moins élevées ont un taux d’efficience supérieur
au nôtre.
Pour l’enseignement, la situation n’est pas meilleure.
L’étude met l’accent sur l’enseignement secondaire
et retient comme indicateurs le taux de décrochage scolaire, les taux
d’élèves diplômés du secondaire et les
scores Pisa.
L’on remarque que l’Allemagne réalise un
très bon score. Mais les performances de la Suède, du
Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l’Irlande, du Danemark sont
également supérieures à celles de la France.
Enfin, en ce qui concerne la santé, les auteurs ont choisi
l’Euro Health Consumer
Index comme indicateur.
Là encore, le système de santé français
apparaît « coûteux, performant mais peu
efficient. »
Sur chacun des trois postes de dépenses choisis, la
Suède a de meilleurs résultats en termes d’efficience.
En janvier 2013, Philippe Aghion, professeur
d’économie à Harvard, signait une tribune dans Le
Monde, avec Bénédicte Berner, une de ses
collègues. Pour les auteurs, la France de 2013 fait penser à la
Suède des années 1990. « À cette
époque, écrivent-ils, la Suède se caractérise par
une dette publique élevée (proche de 85 % du PIB), un
chômage élevé, une production en stagnation et une grogne
de la part des artistes (on se souvient des réactions d'Ingmar Bergman et d'Astrid Lindgren contre le
système fiscal) et des entrepreneurs (notamment avec l'exil d'Ingvar Kamprad, fondateur
d'Ikea). En réaction à la crise des années 1990-1991,
les Suédois agissent sur deux fronts. Le premier est celui de la
fiscalité : la réforme de 1991 donne naissance à un
nouveau système fiscal plus simple et plus incitatif qu'auparavant. Le
second est celui de la dépense publique : la Suède s'engage
dans une réforme radicale de l'État pour améliorer
l'efficacité de ses interventions. Ces deux piliers sont en effet
reliés, car, en l'absence d'un plan crédible de
réduction des dépenses publiques, il ne peut y avoir de baisse
crédible de la charge fiscale dans le moyen terme, et donc de
changement de comportement de la part des investisseurs. Résultat : la
Suède est devenue l'un des pays développés les plus
performants, avec un taux de croissance annuel de plus de 3 % en moyenne sur
les trois dernières années, et des finances publiques
rééquilibrées ».
Plus loin, Aghion et Berner précisent
que « les effectifs dans le secteur public [suédois] sont
ainsi passés de 1,7 million employés dans les années
1990 à environ 1,3 million aujourd'hui, tandis que l’emploi dans
le secteur privé est passé de 2,8 millions à 3,25
millions. Dans le même temps, les dépenses d'assurance-maladie
n'ont augmenté que d'un point de PIB entre 1990 et 2011, alors qu'en
France elles ont augmenté de près de quatre points. La
Suède a réussi à maîtriser la hausse du coût
de la santé notamment en décentralisant le système de
soins. Enfin, la mise en place d'un mécanisme par points en 1994 a
permis à la Suède de garantir l'équilibre de son
système de retraites depuis lors. »
CQFD !
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