Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Hier
critiquée de toute part, aujourd’hui très
courtisée, la BCE peut ne pas être totalement
mécontente : elle a été installée au centre
du dispositif de sauvetage permanent que les dirigeants européens ont
décidé de mettre sur pied lors de leur sommet de vendredi soir.
Jean-Claude
Trichet, son président, n’avait rien voulu lâcher à
Lisbonne jeudi, accentuant la crise faute d’un geste attendu par les
marchés. Affirmant qu’une implication de la BCE dans
l’achat de la dette souveraine européenne, dont la perspective
était envisagée par les analystes, n’avait pas
été discutée. Une manière de reconnaître
qu’il n’en serait pas nécessairement toujours ainsi, avait-il
été remarqué.
N’ayant
pas le choix, la BCE est donc sortie dès le lendemain de son Aventin,
en acceptant d’envisager, d’après Silvio Berlusconi,
l’achat direct de la dette souveraine des Etats membres de la zone
euro, en raison des circonstances exceptionnelles actuelles. La BCE
s’est dans l’immédiat formellement déclarée
prête à participer à un « mécanisme de
stabilisation » européen, et va vouloir très strictement
encadrer ses interventions. La Commission pourrait pour sa part
procéder par emprunt, déchargeant d’autant les Etats.
A
ce double titre, c’est l’amorce d’un tournant pour la zone
euro.
Le
sommet a donné mandat à la Commission de définir le
projet, une clause de style puisqu’une réunion des ministres des
finances européens a été convoquée dimanche, avec
obligation de résultat avant l’ouverture des marchés de
lundi matin. La BCE devrait de son côté clarifier ses
intentions.
« Compte
tenu des circonstances exceptionnelles, toutes les institutions de la zone
euro, le Conseil (l’organe des Etats de l’UE), la Commission
européenne, la Banque centrale européenne et tous les pays
membres se sont mis d’accord pour utiliser toute la gamme des
instruments disponibles pour garantir la stabilité de la zone
euro » explique le communiqué final du sommet.
Cette
décision n’est pas sans contrepartie concédée au
gouvernement allemand, qui s’obstine à rester – pour toute
politique économique – à l’idée qu’il
faut revenir dans les clous du pacte de stabilité, et même
agrémenter celui-ci de sanctions pour les rétifs ou les
incapables, qui ne manqueront pas. L’exigence de la rigueur va sortir
renforcée de la décision de ce sommet de créer ce plan
de sauvetage permanent. Ce qui augure d’une campagne d’opinion
dans toute l’Europe sur le thème « Il faut serrer les
boulons pour sauver l’euro » – assortie de batteries
de mesures qui vont être progressivement dévoilées
– rejoignant les campagnes menées depuis deux jours contre les
banques, la spéculation et les faiseurs de rumeurs. Voilà les
nouveaux éléments de langage.
Rien
n’a filtré, pour le moment, de la
téléconférence des « 7 » de cet
après-midi (heures européennes). A défaut, les propos
tenus par Jean-Claude Trichet dans un autre contexte et rapportés par
des diplomates peuvent l’éclairer. Il a
caractérisé la crise actuelle de systémique,
équivalent pour les financiers de l’alerte rouge des
météorologistes (dont les prévisions sont de bien
meilleure qualité). Il ne serait donc pas surprenant de penser
qu’il a été instamment demandé aux membres
européens du G7 (Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni, qui
siègent aux côtés du Canada, des Etats-Unis et du Japon)
d’éteindre au plus vite le feu chez eux. Eux aussi ont
été soumis à une obligation de résultats.
Durant
cette dernière journée, Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires
économiques n’avait pas hésité à comparer
la situation de la Grèce à la banqueroute de Lehman Brothers. De son
côté, Silvio Berlusconi décrétait
« l’état d’urgence » et Nicolas
Sarkozy la « mobilisation générale »,
tandis que Barack Obama parlait
de la nécessité d’une « réponse
forte ». L’un des dirigeants de la Fed, Charles Plosser (Fed de Philadelphia), avertissait enfin que
« la reprise économique des Etats-Unis pourrait être
retardée par une nouvelle agitation sur les marchés financiers ».
Les
rumeurs allaient par ailleurs bon train, tandis que les Bourses continuaient
de dévisser sous la pression de valeurs financières en forte
chute (certains titres, dont celui de la Société
Générale, s’effondrant), et que les taux obligataires des
pays menacés ne cessaient de se tendre. Des déclarations
apaisantes ayant été faites par Standard & Poor’s à propos de la notation du
Royaume-Uni, les regards se tournaient vers l’Italie, dont on se
souvenait qu’elle avait le privilège d’être,
après les Etats-Unis et le Japon, la troisième sur la liste des
pays les plus endettés. Avec pour conséquence une très
forte sensibilité à l’accroissement du taux auquel elle
doit refinancer sa dette. Le gouvernement venant d’ailleurs de revoir
ses prévisions d’augmentation de la dette, en raison selon son
propre aveu du poids accru de la charge des intérêts.
Du
côté des banques, les tensions sur le marché
interbancaire se poursuivaient, pénalisant y compris les banques dont
l’exposition au risque grec, ou bien portugais et espagnol, est faible
voire nulle. Les crises systémiques, cela se vérifiait,
s’infiltrent partout, comme l’eau lors des inondations.
Une
page faite de profondes incertitudes sur la capacité des gouvernements
européens à défendre de concert la zone euro est donc
tournée, le dos au mur. Cela laisse pendantes les autres inconnues.
« Il
doit être possible que les banques fassent faillite sans engendrer des
risques systémiques pour le secteur financier dans son
ensemble » ont ainsi écrit jeudi dernier Angela Merkel et Nicolas Sarkozy aux présidents du
Conseil européen et de la Commission, Herman Van Rompuy
et José Manuel Barroso. On aimerait savoir
comment. Des éclaircissements ne seraient pas davantage superflus
lorsque les deux signataires se prononcent en faveur de
« l’élargissement de la surveillance aux questions
structurelles et de compétitivité et aux
déséquilibres, et le renforcement de l’efficacité
des recommandations de politique économique de l’Union
européenne ».
Que
reste-t-il de concret dans leur lettre, une fois les grandes phrases
écartées? Même pas qu’ils sont prêts à
envisager «un renforcement de la surveillance budgétaire dans la
zone euro », incluant « des sanctions plus efficaces
pour les procédures de déficit public excessif et
renforçant la cohérence entre les procédures
budgétaires nationales et le pacte de stabilité et de
croissance », car chacun reste avec ses
arrière-pensées sur ce terrain.
Ce
seul maigre viatique ne mènerait de toute façon pas loin, tout
au plus à la dépression économique prolongée.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
pauljorion.com
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le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’
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Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix
dernières années dans le milieu bancaire américain en
tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ?
(La Découverte : 2007).
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