Il n’y a
encore pas si longtemps, je ne savais rien de cette substance chimique
qu’on appelle le Bisphénol A. N’étant pas chimiste
mais économiste, j’ignorais tout de ce composé pourtant
utilisé dans un nombre incalculable de produits de la vie courante, en
particulier dans les biberons en plastique que les mères donnent
à leur nourrisson. Jeune maman, je n’ai pas pu passer à
côté de la mention « sans BPA » sur les
biberons et j’ai ainsi découvert un sujet aussi passionnant que
préoccupant. Il illustre la tendance prononcée des
dernières années à trancher dans le vif des innovations
à coup de précautions pas très avisées qui
pourraient bel et bien nous faire courir davantage de risques à terme.
Car ce que
nous raconte le BPA, c’est une histoire longue de plus de 50 ans
à la recherche de substances capables non seulement de donner de la
rigidité et de la solidité aux matières plastiques mais aussi
de nous protéger d’intoxications alimentaires dues à
l’Escherichia coli (E. Coli) ou à la toxine botulique. Certains
se rappelleront qu’en 2011 plus d’une quarantaine de personnes
avaient trouvé la mort en Europe des suites d’une intoxication
alimentaire à l’E. Coli.
L’épidémie avait commencé en Allemagne et
causé plus de 3000 cas d’intoxication.
Si ces
événements restent heureusement fort rares, c’est
qu’il existe toutes sortes de mesures et de produits pour assurer la
sécurité sanitaire de la filière agro-alimentaire. Or,
le BPA en est un élément important puisqu’il permet
– depuis plusieurs décennies – de fabriquer des vernis qui
isolent le contenu (nos cocas et autres tomates concassées) de leur
contenant (cannettes et boîtes de conserve). Il évite plus
précisément que ces produits, particulièrement acides,
ne produisent une réaction chimique avec le métal des
boîtes et n’entraînent la production
d’éléments indésirables pour la santé.
Voilà une information qui méritait d’être connue.
Et pourtant, elle
n’a pas fait couler beaucoup d’encre par rapport aux quelques
rares études publiées au cours des dernières
années qui font mention d’une corrélation possible entre
présence du BPA et diverses maladies comme le diabète de type
2, les problèmes cardio-vasculaires, certains cancers, etc.
Face à
ces quelques études alarmistes se dresse un nombre très
important d’autres études qui concluent inlassablement à
l’innocuité du BPA – en l’état des
connaissances actuelles et des conditions d’utilisation. Encore très
récemment, deux nouvelles études montraient que le lien de
cause à effet entre BPA et maladies était peu logique et
que les expériences sur les rats qui permettent de fonder la croyance
de ce lien, les
exposent à des niveaux des milliers de fois plus
élevés que ceux auxquels nous sommes nous-mêmes
exposés.
C’est
sans doute pour cette raison que les autorités sanitaires dans le
monde entier continuent à en autoriser l’usage du fait de ses
bénéfices et que les pouvoirs publics suivent ces
recommandations partout, … sauf en France. En effet, la France est le
premier pays du monde à avoir décidé au début de
l’année 2013 d’en interdire l’usage dans tous les
contenants alimentaires destinés aux enfants et aux femmes enceintes.
Puis, à partir de 2015, il le sera de tous les autres contenants
alimentaires : cannettes, boîtes de conserves, couvercles, etc.
Il est vrai
que la France est aussi le seul pays du monde à avoir inscrit le
principe de précaution dans sa constitution et à une cause son
effet : les applications du principe sont de plus en plus nombreuses, y
compris dans des cas comme celui-ci où il paraît pourtant
évident que face au risque certain de possibles intoxications
alimentaires mortelles, le risque incertain et seulement possible de maladies
à long terme ne fait pas le poids.
Hé bien
si car en matière de précaution, la rationalité des
débats disparait face au chiffon rouge de la peur du risque et du
scandale brandi par des groupes bien organisés et relayé par
des pouvoirs publics incapables de lui résister.
Jacques Attali
n’écrivait-il pas dans l’Express
en 2007 que ce principe tel qu’il a été
rédigé dans la constitution « conduira
nécessairement les fonctionnaires, à qui on ne peut pas
demander de connaître l’ensemble des recherches scientifiques,
à faire obstacle, pour se protéger, à toute recherche ou
toute innovation lorsqu’ils percevront le moindre risque. »
La publication
de quelques études, qui ne font pourtant pas La Science en la
matière et ne peuvent, à ce stade, balayer d’une main
l’utilisation relativement sécurisée de cette substance
pendant de longues années, a suffi pour faire pencher la balance vers
l’application du principe. Son pendant est que nous allons maintenant
devoir utiliser des substituts (BPS et autres substances) à propos
desquelles des doutes émergent déjà et pour lesquelles
nous n’avons pas le même recul.
L’histoire
du BPA est donc riche d’enseignements : le risque zéro
n’existe pas ; un produit présente toujours des avantages
et des inconvénients et il y a un réel danger à ne voir
que les risques de celui-ci car tous les autres produits en ont et pourraient
donc être interdits.
Au final, on a
perdu de vue que le problème à résoudre est notamment
celui des intoxications alimentaires et que l’interdiction du BPA
n’offrait aucune solution durable. Le principe de précaution se
mord donc la queue et nous laisse impuissant face aux problèmes de la
vie de tous les jours.
Voir
l’étude sur le BPA de l’Institut économique Molinari http://www.institutmolinari.org/IMG/pdf/note1012_fr.pdf
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