Pour venir compléter une année d’attentes
déconcertées, une autre idée impensable fait peu à peu entendre parler d’elle :
Eirexit commence à gagner en popularité, comme l’explique l’Irish Times :
L'Irlande
pourrait-elle à son tour quitter l'Union européenne ?
Jusqu’il y a très récemment, la
simple notion d’une sortie de l’Irlande de l’Union européenne était si
absurde et marginale qu’elle n’était jamais mentionnée sérieusement dans les
débats publics.
Mais voilà que l’idée fait
parler d’elle, apportée sur l’avant de la scène par une combinaison Brexit –
Apple – attaque imminente de l’Union européenne contre la vache sacrée de l’Irlande
qu’est l’impôt des sociétés – et maintenant, Trump.
Eirexit a récemment gagné en
popularité. Quelques personnages publics ont commencé à remettre en question
l’appartenance de l’Irlande à l’Union européenne. Certains s’opposent à toute
notion d’Europe fédérale ou de super-état européen.
D’autres pensent qu’Eirexit, si
les circonstances venaient à changer, deviendrait rapidement inévitable. Et
le public pourrait être plus ouvert à cette idée que le pensent les
politiciens.
Au cours de ces 55 dernières
années, une personne a fait entendre sa voix et n’a jamais cessé de clamer
son opposition à l’Union européenne.
En octobre 1961, Anthony Coughan
est rentré en Irlande pour enseigner au Trinity College, à Dublin.
Un mois plus tard, il est devenu
l’un des sept signataires – aux côtés de Noël Browne et du futur TD travailliste
Barry Desmond – d’une lettre écrite à l’Irish Times en opposition à la demande
d’adhésion de l’Irlande à la Communauté économique européenne. L’idée a, à l’époque,
été ignorée par les cercles politiques.
« Il est une folie suprême
que d’appartenir à la zone euro sans le Royaume-Uni, a-t-il dit. Il était une
erreur pour nous de nous y joindre. Je ne vois aucune raison de rester dans l’Union
européenne si le Royaume-Uni en sort. »
Un argument de gauche
Le TD du parti socialiste, Paul
Murphy, est du même avis. Il ne s’agit pas d’un problème imminent, mais si un
référendum devait être tenu, il défendrait l’idée d’une sortie.
« L’Union européenne a
défendu l’austérité et des politiques néolibérales, ainsi que des gouvernements
de droite qui ne font rien pour les citoyens ordinaires. »
L’analyse des insuffisances de l’Union
européenne menée par Sinn Féin en vient aux mêmes conclusions que Murphy. Le
MEP Matt Carthy mentionne quant à lui le traitement fait des pays de la
périphérie européenne tels que la Grèce par l’Union, le Partenariat
transatlantique de commerce et d’investissement, et ce qu’il appelle des
institutions anti-démocratiques.
Son parti souhaite en revanche que
l’Irlande demeure dans l’Union. « Selon nous, nous avons besoin de
réformes au sein de l’Union européenne plutôt que d’une sortie de l’Irlande, »
a expliqué Carthy.
Super-état
Ceux qui se trouvent plus à
droite s’inquiètent de l’émergence d’un super-état européen et des répercussions
que cela pourrait avoir sur la souveraineté de l’Irlande.
L’ancien chef démocrate
progressiste, le Sénateur Michael McDowell, est sceptique, bien qu’il
souhaite rester dans l’Union.
Il dit croire en une Union
européenne confédérée, et non une union fédérale. Il s’oppose entièrement à l’idée
de super-état d’Europe.
Son ancien conseiller, Cormac
Lucey, éditorialiste pour le Sunday Times, pense qu’Eirexit est une option à
considérer, notamment parce que le plus gros des échanges commerciaux de l’Irlande
se fait avec les pays anglophones du monde, et non avec l’Union européenne.
Les plus petits partis tels que
Direct Democracy Ireland ont établi des plateformes en faveur d’Eirexit sur
les médias sociaux.
Keith Redmond, conseiller du
parti irlandais Renua et membre du groupe de réflexion de droite baptisé
Hibernia Forum, a expliqué que si l’Union européenne cherchait à développer
un super-état européen ou introduisait des taxes sur le commerce avec le Royaume-Uni,
il se présenterait lui-même en faveur d’Eirexit.
Coughan s’est montré cohérent
tout au long de sa carrière, et pense que l’Union européenne n’a jusqu’à
présent pas bénéficié à l’Irlande dans son ensemble, mais simplement à
quelques gros joueurs.
Il se souvient de la célèbre
remarque de Charles de Gaulle : « L’Europe, c’est la France et l’Allemagne,
le reste n’est que passementerie ».
Impensable, ou tout à
fait possible ?
Je ne vois pas ce qu’une sortie
de l’Irlande de l’Union européenne a de si improbable. C’est même la première
chose qui m’est venue à l’esprit après le référendum sur Brexit.
L’Irish Times note qu’Eirexit
gagne en popularité au sein de plusieurs groupes, et se demande s’il s’agit d’une
« collection de voix périphériques et disparates ou du reflet du mécontentement
de la population face à Bruxelles et ses dirigeants politiques ».
Inutile de dire que nous avons
déjà la réponse à cette question. Regardez Brexit. La gauche était supposée
voter en faveur de l’Union européenne. Mais seules les grandes villes
libérales l’ont fait.
Regardez les Etats-Unis. La
classe ouvrière, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, a voté pour Trump.
Ignorance politique
Le MEP Matt Carthy pense que la priorité
de l’Irlande est « fondamentalement d’aider les citoyens du Nord à
rester dans l’Union européenne. Nous ne pouvons pas imaginer un monde dans
lequel une partie de l’île opère au sein de l’Union européenne alors que l’autre
en est exclue ».
L’Irlande du Nord, en tant que
membre du Royaume-Uni, ne restera pas dans l’Union européenne.
Ainsi, si Carthy ne peut
vraiment pas « imaginer un monde dans lequel une partie de l’île opère
au sein de l’Union européenne alors que l’autre en est exclue, » ce qu’il
veut réellement dire, c’est qu’Eirexit nous attend au tournant.
La réaction de l’Union
européenne
La réaction de l’Union
européenne à Brexit a été un mélange de punitions, de menaces, et un appel à
une Europe plus unifiée.
Les paternalistes de Bruxelles
ont été furieux après que le Royaume-Uni a répondu en réduisant l’impôt des sociétés.
Ils veulent que l’Irlande se plie à ses demandes, et feront tout pour l’en
convaincre.
Jean-Claude Volcker a décrété, à
tort, que Brexit représentait un appel à une « Europe plus forte »,
équipée de sa propre armée. Son objectif indéniable est de créer un
super-état européen.
Et qu’en est-il du commerce ?
Plus gros partenaires d’exportation
de l’Irlande
- Etats-Unis
($28,5 milliards)
- Royaume-Uni
($19,2 milliards)
- Belgique-Luxembourg
($18,2 milliards)
- Allemagne
($10,8 milliards)
- France ($7,98
milliards)
Plus gros partenaires d’importation
de l’Irlande
- Royaume-Uni
($24,3 milliards)
- Etats-Unis
($7,45 milliards)
- Allemagne
($6,35 milliards)
- Chine ($4,15
milliards)
- Hollande
($4,14 milliards)
Chiffres tirés de MIT.EDU
Ireland Profile
L’Irlande aurait plus à perdre
en termes d’exportations, mais elle dispose d’une carte joker : la politique commune sur la pêche.
Les bureaucrates irlandais
pourront garder la tête dans le sable et continuer d’ignorer ces questions,
mais les citoyens de leur pays y trouveront rapidement des réponses.
Eirexit ne sera qu’une question
de temps.