Ceci est une reprise partielle d’un
article que j’ai écrit il y a deux ans. En effet, des questions concernant le
prix comptant de l’or et de l’argent et leur prix sur le marché à terme ont à
nouveau été soulevées récemment.
Demandez à un trader expérimenté ou
encore à un économiste qui a reçu le Prix Nobel ce qu’est le prix comptant de
l’or ou de l’argent, d’où il provient et qui le fixe, et ils vous répondront
tous qu’il représente l’état des transactions sur le marché physique, ou le
prix marché des quantités de métal actuellement disponibles à la livraison.
Voici
une réponse typique des 'experts' en ce domaine:
‘C’est
pourquoi le prix comptant de New York est différent de celui du fixing de
Londres. Le prix comptant change régulièrement, tout comme celui des actions,
et reflète le prix des quantités de métal disponibles à la livraison par
rapport à la demande’.
Vraiment ?
Malgré ce que vous pouvez penser ou ce
que vous pouvez avoir entendu auparavant, c’est tout à fait faux.
Il n’existe aux Etats-Unis aucun marché
suffisamment efficace et centralisé pour permettre l’établissement d’un prix
comptant pour le métal physique. Quels sont les numéros de téléphone de ces
régulateurs de marché, où sont publiés leur prix et relevés de
transactions ? Qui collecte ces informations et comment sont-elles
régulées ? Qui achète ou vend AUJOURD’HUI, avec livraison de métal
physique comme objectif premier ?
Il existe dans le monde quelques
marchés spécialisés dans la vente de métal physique, sur lesquels de réelles
transactions prennent place. Le plus célèbre de tous est le London Bullion
Market Association qui est une association fixant le prix de l’or deux fois
par jour et dont les membres se représentent eux-mêmes sans l’intervention
d’une autorité centrale.
Cependant, de nombreuses affirmations
laissent à penser que le LBMA est devenu un marché papier, sur lequel une
même barre d’or non-allouée peut être l’objet de nombreux contrats et sur
lequel les quantités de métal échangées chaque jour excèdent les quantités
physiques disponibles, un peu comme dans un système à réserve fractionnaire.
Il est souvent dit que l’effet de levier y est de 100 :1.
La raison pour laquelle les
transactions de métal physique sont aujourd’hui majoritairement concentrées à
Londres m’a récemment été expliquée par un revendeur de lingots : ‘Il en
est ainsi du fait de la confiscation de l’or dont ont été victimes les
citoyens des Etats-Unis en 1933. Lorsque cette confiscation eut lieu, les
échanges de métal physique aux Etats-Unis cessèrent complètement. Lorsque la
possession d’or y redevint légale, le 31 décembre 1974, les transactions de
métal physique s’étaient tant développées en dehors des Etats-Unis qu’il n’y
avait pas de réel intérêt à ce qu’elles soient réinstaurées à grande échelle
à l’intérieur des frontières du pays’.
Mais lorsque le fixing de Londres
s’achève et que le jour ouvrable se déplace avec le soleil, le marché de New
York ouvre ses portes et devient à son tour le mécanisme dominant de la
fixation des prix. Quand et comment le prix y est-il fixé ? Où est la
formation des cours ?
Je ne chercherai pas ici à répondre à
ces questions mais il existe de nombreux éléments crédibles qui peuvent
permettre de démontrer que les changements de prix déterminés par le guichet
de l’or de New York représentent bien souvent des mouvements à la baisse par
rapport à toutes les autres périodes de la journée et ce, au-delà de toute attente
statistique. Cette situation est si évidente qu’elle est devenue célèbre
auprès des traders chevronnés. Cela devrait représenter un signal d’alarme
pour les régulateurs de marché. Aucun marché honnête ne pourrait laisser
percevoir de telles anomalies sans qu’il n’y ait quelque chose qui cloche au
sein même de sa structure.
Le marché physique est, aux Etats-Unis,
extrêmement fragmenté entre de nombreux revendeurs qui, contrairement à
Londres, ne discutent pas de la fixation des prix entre eux. Ils ont bien
évidemment leurs ‘grossistes’, mais même ces grossistes sont plus nombreux
que ce que vous pouvez vous imaginer.
Le prix comptant de l'or et de l'argent
n'est rien de plus que le calcul de la valeur actuelle nette, basé sur le
prix des contrats à termes du mois suivant.
Je n'ai pas été en mesure d'obtenir la
formule spécifique utilisée par les fournisseurs de cotations tels que Kitco.
Je n’essaie pas de dire qu’ils font mal les choses, je tente simplement de
déterminer s’ils font effectivement les choses correctement.
Le
prix comptant est calculé à partir du prix des contrats à terme, de la même
manière que le ‘juste prix’ est dérivé d’un indice de prix tel que le SP, qui
est essentiellement un calcul de VAN.
FORMULE PERMETTANT DE DETERMINER LE JUSTE PRIX
JP = C
[1+(i-d)t/360]
JP= Juste prix des contrats à
terme
C= indice des prix au
comptant
i= taux d’intérêt (exprimé en
tant que rendement du marché monétaire)
d= dividende (exprimé en tant
que rendement du marché monétaire)
t= nombre de jours séparant le prix comptant actuel à la date
d’échéance du contrat à terme.
Tout
comme pour les calculs de valeur actuelle nette, nous utilisons le coût de la
monnaie pour déterminer l’évolution réelle du prix entre la date d’échéance
d’un contrat à terme et le moment présent. Pour le cas de l’or, il n’y a pas
de dividende mais un cours à terme, et un calcul correct devrait inclure ce
coût d’opportunité.
Etant
donné que le coût de la monnaie, où taux d’intérêt à long terme est de zéro,
la prime offerte par le contrat à terme par rapport au prix comptant est
dérisoire. Dans la mesure où la manière de déterminer le prix comptant n’est
pas rendue publique, je ne peux rien en dire de plus.
Ce
qu’il est important de retenir est que le prix au comptant est ajusté au prix
des contrats à terme à un mois par quelque forme de calcul. Plutôt que
d’avoir un marché physique fixant le prix des métaux précieux, la
quasi-totalité des transactions de métal physique déterminent un ‘prix au
comptant’ dérivé d’un marché papier qui n’est pas basé sur les quantités de
métal physique disponibles à la livraison.
De
plus, les marchés à terme autorisent explicitement les transactions en
liquide dans le cas où les quantités de métal désirées ne sont pas
disponibles. En réalité, la grande majorité des transactions se fait sous la
forme d’argent liquide et ne représentent rien de plus que des paris sur les
produits dérivés et des couvertures commerciales liées à d’autres matières
premières ou taux d’intérêts.
Je n’accuse quiconque d’entreprendre des opérations
illégales ou incorrectes. J’essaie juste d’expliquer en quoi le manque d’un
marché physique robuste rend ce système inefficace.
Il
semble quelque peu ironique que le fournisseur de cotation le plus populaire
fasse actuellement l’objet de poursuites concernant une tentative de fraude
envers le gouvernement du Canada. Ses clients sont cependant forcés de garder
confiance dans le prix qu’il fixe, dans la mesure où il n’existe aucun moyen
de savoir comment ce dernier est calculé. Son cas a peut-être été clos, je
n’en sais pas plus à ce sujet. Il n’en est pas moins que cette situation
reste ironique.
Le
prix comptant de l’or et de l’argent est sujet à de nombreuses manipulations.
Il relève donc du devoir de la CFTC de prêter attention à toute activité de
fixation des prix sur les marchés à terme, particulièrement aux contrats à
terme à un mois qui influencent directement le prix auquel est menée la grande
majorité des transactions de métal précieux aux Etats-Unis.
Je
suis surpris qu’aucun entrepreneur n’ait encore eu l’idée de consolider le
marché du métal physique en le rendant plus transparent et en en faisant un
réel centre de fixation des prix plutôt que d’utiliser le marché des matières
premières sur lequel les positions d’ampleur illimitée, les effets de levier,
les règlements en liquide comme alternative aux pénuries, les réserves
non-allouées et la loi du silence, sont autorisés.
Nous
avons récemment pu assister à un scandale concernant un courtier de Wall
Street qui a vendu du métal physique à l’un de ses clients, et lui a même
fait payer des frais de stockage, sans jamais avoir lui-même possédé cet or.
Sans parler de cette affaire concernant des courtiers parvenus à dérober l’or
et l’argent de leurs clients sans le moindre effort et sans la moindre
réaction de la part de la banque bullion susceptible d’avoir reçu ce métal.
Dans
la mesure où le marché à terme fixe le prix national pour des transactions au
détail qui n’ont en soi rien à voir avec le marché à terme, il est nécessaire
d’imposer des régulations en termes de spéculation sur le court terme,
d’établir des limitations en termes de position et d’effet de levier, et de
mettre en place une comptabilité des quantités de métal disponibles à la
livraison.
Les
marchés de métaux précieux sont de très petite taille comparés au FOREX et
aux marchés d’actifs financiers et sont, de ce fait, les plus vulnérables.
Plus le
marché à terme sera efficace et honnête, plus les marchés physiques seront
rigoureux.
Qu’en
est-il donc de l’argument qui veut qu’une fixation inefficace des prix
entraîne des pénuries artificielles que les transactions physiques finissent
par contrebalancer ?
Les
participants aux marchés à terme sont incapables de faire face à une mauvaise
fixation des prix dans la mesure où cette dernière est établie sur le marché
papier et que ce dernier ne permet pas d’arbitrage efficace. Les lois de ces
marchés imposent des régulations en termes de livraison de métal physique,
favorisant les échanges de monnaie papier et permettant aux positions à
découvert d’être équivalentes à plusieurs fois les réserves de métal physique
disponibles. La CFTC a ainsi démontré sa remarquable incapacité et l’on
pourrait même dire non-volonté, à réguler les marchés, ce qui est un
véritable scandale.
Un
acheteur motivé possédant les quantités de monnaie nécessaires pourrait
ouvertement s’accaparer ce marché, puisque tout ce qu’il aurait à faire
serait d’acheter contre lui-même et d’entraîner un défaut à régler en
liquide. Il tenterait donc ainsi de s’accaparer le marché ce qui devrait être
sévèrement puni.
Vous
vous demandez certainement pourquoi certaines personnes sont intéressées à s’engager
sur un tel marché, en dehors de celles qui cherchent à obtenir livraison de
leur métal pour des raisons industrielles. En réalité, seules très peu de
personnes s’y engagent, excepté pour ce qui concerne l’achat de métal
physique au détail.
D’un
point de vue purement économique, si j’étais sur le point d’établir un
mécanisme permettant à la fois la fixation des prix et la fraude, je ne
pourrais pas imaginer mieux que celui qui existe aujourd’hui pour le dollar,
si ce n’est que j’y ajouterais peut-être un système monopolistique opaque et
indépendant, tel que celui permettant à la Fed et à ses banques de créer de
la monnaie à partir de rien.
Les
producteurs et acheteurs au détail sont à la merci de ceux qui contrôlent les
marchés papiers, c’est-à-dire d’un petit nombre de banques bullion et de
hedge funds. Cela ne nous dit cependant rien de l’influence des banques
centrales sur les prix.
Une
réforme est généralement très lente à voir le jour lorsqu’un tel statu quo
naît de ce type d’arrangement financier. Les théories économiques indiquent
que des sous-investissements et des pénuries en découleront, et que si la
fixation artificielle des prix ne finissait pas par être abandonnée, ces
pénuries pourraient déboucher sur un effondrement du marché voire même un
défaut à grande échelle.
Nous
avons pu observer une situation similaire lorsqu’Enron était responsable de
la fixation des prix de l’énergie aux Etats-Unis. Ce qu’il se produira sur
les marchés des métaux précieux n’en sera que plus perturbateur.
De jour en jour, un défaut devient de plus en plus
évident, dans la mesure où les régulateurs refusent de promouvoir l’honnêteté
et la justesse des prix. Lorsque vous voyez les banques bullion supplier le
gouvernement de leur venir en aide, souvenez-vous que leurs problèmes ne sont
en rien les résultats d’interventions divines mais d’un abus des marchés et
du public dans un but purement personnel ne favorisant que très peu de
personnes au détriment du plus grand nombre.
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