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Lorsque la crise financière a débuté aux
États-Unis en 2007, les commentateurs étatistes ont
jubilé: Ah!, regardez, le capitalisme est encore en crise dans le pays
du capitalisme, un pays gouverné de surcroît depuis des
années par un président de droite qui a tout
déréglementé. C'est la preuve de l'échec total du
néolibéralisme!
Il a fallu répéter et répéter encore que
les États-Unis, loin d'être un paradis du laisser-faire, ont une
économie excessivement réglementée, en particulier dans
le secteur financier, que l'État a grossi au lieu de diminuer sous Bush,
et que c'est l'interventionnisme débridé de la Fed et du
gouvernement américain dans le secteur de l'immobilier qui ont
provoqué la crise et non un capitalisme débridé.
Lorsque les
inflationnistes keynésiens ont été rejoints par les inflationnistes friedmaniens
dans leur appui aux plans de relance gigantesques, au sauvetage des banques
et aux injections massives de nouvel argent dans l'économie, les
commentateurs étatistes ont encore une fois jubilé: Ah!,
regardez, mêmes les Chicago boys, ces libertariens
extrémistes, ces néolibéraux purs et durs, admettent que
leur doctrine a failli et que l'État doit intervenir pour sauver leur
beau système capitaliste. C'est la preuve que les libertariens
ne sont que des opportunistes incohérents qui appuient l'État
lorsque ça fait leur affaire!
Il a fallu expliquer
que les friedmaniens sont en fait des socialistes
monétaires, des supporters de la Fed, de sa monnaie de papier et de
ses politiques inflationnistes, et non des libertariens
cohérents, même s'ils défendent le libre marché
dans d'autres domaines. Seuls les partisans de l'école autrichienne
sont des antiétatistes cohérents. Et
les autrichiens avaient justement prévu cette crise bien des
années d'avance.
Ces critiques ne
surviennent évidemment jamais dans le sens inverse. Devant
l'effondrement de l'économie grecque par exemple, les étatistes
n'ont pas conclu à l'échec des politiques interventionnistes.
Ils s'accrochent uniquement à des exemples de supposés
échecs du libre marché parce qu'ils n'ont aucun argument
sérieux à apporter à l'appui de leurs superstitions
étatistes
Le
cas de l'Irlande
Ces
dernières semaines, c'est le cas de l'Irlande qui fait jubiler les
illettrés économiques étatistes (voir par exemple
« Ces économistes québécois qui
vantaient l'Irlande »): Ah!, regardez, le tigre celte
était encensé il y a quelques années comme un
modèle de libre marché et d'État minimal, et
voilà que l'économie de ce pays s'effondre et doit être
rescapée par l'Union européenne et le FMI à coups de
milliards. Voyez ces économistes naïfs qui le montraient en
exemple il n'y a pas si longtemps. C'est la preuve ultime que le libre
marché et la réduction excessive des impôts mènent
à la faillite!
Cette fois encore, les
étatistes se trompent de cible. Comme dans toute analyse d'un
phénomène complexe où s'entrecroisent des tendances
contradictoires, il faut distinguer ce qui, dans le cas de l'Irlande, va dans
le sens du libre marché de ce qui va dans le sens de
l'étatisme, ce qui a bien fonctionné de ce qui a mal fonctionné.
Il est indéniable
que certains aspects du modèle irlandais ont très bien
fonctionné jusqu'à récemment. L'Irlande jusqu'au milieu
des années 1980 était l'un des pays les plus pauvres d'Europe.
Deux décennies plus tard, il était devenu l'un des plus riches
après une période de croissance spectaculaire. Alors que
l'Irlande exportait sa population aux quatre coins du monde depuis des
siècles, elle accueillait pour la première fois des
expatriés et des descendants d'expatriés irlandais.
Les politiques irlandaises
ont misé, pendant toutes ces années, sur une croissance
modérée des dépenses de l'État, l'ouverture aux
marchés et aux investissements étrangers, notamment par un
impôt comparativement très modeste sur les
bénéfices des entreprises de 12,5%. (Ce taux est la
moitié de ce qu'il est au Canada aujourd'hui après plusieurs
années de baisse, et plus de la moitié de ce qu'il est aux
États-Unis et dans la plupart des pays européens. C'est encore
trop élevé évidemment, le taux idéal étant de zéro,
mais c'est un avantage comparatif considérable.)
Sur la question
cruciale de la taille de l'État, la conclusion de la Note de l'Institut économique de
Montréal sur le miracle celte publiée en 2000 donne les
chiffres essentiels:
Ce pays a vu sa part des dépenses publiques dans le PIB passer
de 28 % en 1960 à 52,3 % en 1986. Mais voilà que la situation
se renverse au cours des années 1987-96 alors que les dépenses
chutent de 52,3 % en 1986 à 37,7 % en 1996, soit une baisse de 14,6
points. Or entre 1960 et 1977, période où les dépenses
de l'État montaient de 28 % à 43,7 % du PIB, la croissance
réelle du PIB de l'Irlande était de 4,3 %. Ce taux baissait
à 3,4 % au cours des années 1977-86, période pendant
laquelle la part du gouvernement grimpait à 52,3 % du PIB. Au cours de
la récente décennie d'amaigrissement de l'État, le taux
de croissance annuelle du PIB réel de l'Irlande passait à 5,4
%. La croissance économique augmentait donc en Irlande à mesure
que ses dépenses publiques diminuaient.
Pourquoi donc une économie sur cette si belle lancée a-t-elle
frappé un mur? Tout d'abord, ce qui était assez prévisible,
la richesse récente du pays a poussé le gouvernement à
recommencer à grossir, à taxer, à dépenser et
à intervenir davantage dans l'économie.
La
déliquescence de l'économie irlandaise est déjà
évidente depuis quelques années. Un article publié il y a un an et demi sur Mises.org (« Celtic Kitten: The Failure of Intervention in
Ireland ») soulignait que
« With the advent of the Celtic Tiger, Ireland's economy has grown
at an exponential rate. Unfortunately, this has precipitated an unprecedented
degree of government involvement in the economic and social sphere. (...) The
Irish economy rests on the precipice of devastation. Government
interventionism has left Ireland with little room to manoeuvre
in this difficult economic climate. The answer to Ireland's economic woes is
not further government intervention in the economy, but a return to economic
liberalism, small government, and sound monetary policy. »
La recette des années 1986-2006 a donc
été en partie abandonnée ces dernières
années et il était prévisible que le tigre celte se
transforme en minet celte.
A
suivre
Martin Masse
Le Québécois Libre
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