La
création à Paris de l’ESMA
(Agence Européenne pour la Sécurité des Marchés),
a été l’occasion pour le commissaire européen au
Marché intérieur Michel Barnier de préciser ses
intentions à l’égard des agences de notation.
Relativisant l’importance des notes en les assimilant à un avis
parmi d’autres, il a également souligné l’urgence
de mettre les principales agences « sous supervision
européenne », afin de maitriser les effets induits par la
dégradation des notes sur les marchés obligataires.
Les
intentions du commissaire français sont certainement les meilleures,
mais il est permis de douter de l’efficacité de telles mesures.
En effet, en appréciant le risque de solvabilité des
différents acteurs du marché, les agences de notation
fournissent aux investisseurs des informations essentielles qui leur
permettent d’orienter leurs choix et de déterminer les taux
d’intérêts auxquels ils vont accepter de prêter leur
argent.
Interdire
aux agences de dégrader la note d’un pays en difficulté
pour espérer éviter sa banqueroute revient à croire
qu’il suffit de casser le thermomètre pour faire baisser la
température. Ce n’est pas la mauvaise note qui crée le
déficit et la dépendance aux marchés, c’est
l’endettement structurel et l’accumulation des déficits. Il
ne faut donc pas se tromper de cible et bien traiter le problème et
non l’outil qui le mesure.
Il
est évidement possible d’améliorer le système de
notation pour essayer d’éviter les surprises (dont le souvenir
le plus récent est le naufrage des subprimes).
Mais se pose un problème logique : Ceux qui dénoncent
à juste titre les conflits d’intérêt dus à
la présence dans les conseils d’administration des agences de présidents
de sociétés notées par ces mêmes agences
n’ont pas l’air de trouver gênant de demander à ce
que les États participent à leur propre notation.
Au-delà
de l’absurdité logique, se pose la question de la nature
même du secteur de la notation, qui souffre en réalité aujourd’hui
d’une trop grande rigidité réglementaire et d’un
manque de concurrence. Un assouplissement du cadre et une multiplication des
acteurs limiteraient les possibilités d’entente et auraient
plutôt tendance à neutraliser les conflits
d’intérêt (lire sur le sujet le remarquable article
de Guillaume Vuillemey).
Concernant
le problème de l’endettement lui-même, il faut commencer
par balayer l’hypothèse de l’augmentation des
prélèvements, qui est tout à fait fantaisiste dans la
situation de surcharge fiscale très bien détaillée dans
la dernière
note de l’Institut Economique Molinari.
La
seule solution est donc bien une baisse notoire de la dépense
publique. À titre indicatif, si l’État français veut
équilibrer ses comptes, il faut qu’il réduise ses dépenses
de 47% (calcul sur la base du budget
2010). Il ne peut donc s’agir du rabotage de quelques niches, ou
d’un non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, trois ou dix,
mais d’une reconsidération globale des missions de
l’État, qui passera sans doute par l’abandon de pans
entiers de son emprise actuelle.
En
attendant, il est assez savoureux d’assister à ce renversement
de situation, dans lequel les marchés supposément
rappelés à l’ordre par les États en 2009, rappellent
aujourd’hui aux États que l’on ne peut pas faire
n’importe quoi et s’endetter n’importe comment, en mettant
la dette sous un tapis sous lequel il n’y a
désespérément plus de place.
Renaud Dozoul
|