Le crédit
d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
(CICE) est en vigueur depuis plus d’un mois maintenant, ravivant les
tensions entre hôpitaux publics et privés. Sans surprise, les
défenseurs de l’hôpital public se sentent trahis par le gouvernement
socialiste, soupçonné de relancer, sous une autre forme, la
convergence tarifaire à laquelle avait mis fin le projet de loi de
financement de la sécurité sociale le 30 octobre 2012.
Jusque
là, rien
d'étonnant. Ce qui est surprenant en revanche, ce sont les arguments
avancés. Les hôpitaux publics dénoncent une
« distorsion de la concurrence ». En allégeant
de 500 millions d’euros, selon la Fédération hospitalière
de France (FHF), le fardeau fiscal pesant sur les cliniques comme sur
l'ensemble des entreprises payant l'impôt sur les
sociétés ou sur le revenu, le CICE aurait pour effet
d’aggraver les difficultés du public en soutenant le
privé.
Il y a bien une
distorsion de la concurrence. Mais en faveur des hôpitaux publics, non
des cliniques. En tant qu’entités administratives sous
l’égide de la sécurité sociale, les
établissements publics de santé sont en effet mal placés
pour défendre la concurrence pure et parfaite, le propre du
financement public étant de « corriger » le
marché, donc de fausser la concurrence entre les agents
économiques.
Les
hôpitaux publics sont par ailleurs clairement avantagés car ils
captent presque 99% de la dotation MIGAC (missions
d’intérêt général et d’aide à
la contractualisation) attribuée chaque année au secteur
hospitalier, soit 8,563 milliards d’euros en 2012. Ne nous y trompons
pas : c’est bien aux hôpitaux publics, non aux
hôpitaux privés, que l’État fait un cadeau.
Il faut également
prendre en compte la baisse des tarifs du privé qui pourrait venir
« compenser » les effets du CICE en creusant un peu
plus l’écart tarifaire avec les hôpitaux. Si cette baisse
était de 3% comme le demande la FHF, un tiers des cliniques se
retrouveraient en grande difficulté, certaines même faisant
faillite.
En effet, de
manière tout à fait paradoxale, la
« neutralisation » du crédit d'impôt en
précéderait les effets : la baisse des tarifs
s'effectuerait dès 2013, tandis que les bénéfices du
crédit d'impôt ne se feraient pas sentir avant juin 2014... Un
timing habile, qui assurerait à l'État suffisamment de recettes
fiscales pour rentrer dans son budget 2013 tout en mettant
les cliniques en difficulté, comme l’espèrent les
hôpitaux publics.
Car ne
l'oublions pas : le crédit d'impôt n’a rien
d’un « cadeau fiscal ». Au contraire, le CICE
confirme la tutelle de l'État sur la richesse créée par
les entreprises. Contrairement à ce que prétendent les
députés de la majorité socialiste, ce n’est pas le
gouvernement qui fait un « chèque en blanc » aux
entreprises. Ce sont les entreprises qui prêtent gratuitement leur
argent au gouvernement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle,
aujourd’hui comme hier, Bercy aime mieux
« rendre » l'argent que de ne l'avoir jamais
prélevé (en allégeant les charges par exemple…).
Si le
gouvernement compense le crédit d’impôt par une baisse
tarifaire, on pourra même dire que cet emprunt est financé par
le prêteur lui-même. Tout se passera alors comme si les cliniques
devaient payer pour avoir osé prêter gratuitement de l'argent
– et avec le sourire.
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