Entrepreneurs,
craignez pour votre portefeuille. Le climat de haine et de suspicion
entretenu depuis quelques mois en Belgique et en France prend une tournure de
plus en plus inquiétante. Quelques petits exemples.
Les
dernières sorties de campagne de Nicolas Sarkozy (la taxation punitive
des exilés fiscaux) et de François Hollande (75% de taux
d’imposition marginal sur les revenus supérieurs à 1
million d’euros) ne sont que la partie émergée d’un
inquiétant iceberg. Celui d’une guerre menée au nom de
l’idéologie contre les entrepreneurs et les indépendants.
Les exemples
de ce climat détestable abondent en Belgique depuis la prise de fonction
du nouveau gouvernement, et en particulier de John Crombez,
secrétaire d’État à la lutte contre la fraude
fiscale.
La nouvelle Inquisition
Ce dernier
tient en effet à instaurer une nouvelle Inquisition dont le credo
est : « tout entrepreneur, tout indépendant est un
fraudeur ». Sa dernière invention : la suppression
du délai de prescription en matière de fraude fiscale.
Attention, on ne parle pas de fraudeurs avérés, juste de gens
accusés – et donc logiquement pas encore jugés –
par le fisc. Autrement dit, cette brillante idée jette aux orties
quelques-uns des principes qui fondent un État de droit. En fait, ce
sont carrément les droits de l’homme qui sont foulés aux
pieds. Un contribuable, même soupçonné de fraude, est en
effet un justiciable comme un autre. Or, tout justiciable a
droit à un procès juste et équitable. Et
l’équité impose entre autres de ne pas permettre que
quelqu’un qui a été accusé ne dispose
d’aucun « délai raisonnable » pour
être jugé.
Comme le fait
remarquer un avocat
« le droit, et la Justice
qui doit dire le droit, ont en effet pour fonction essentielle la paix
sociale et, à cette fin, ils ne peuvent tolérer qu’une
situation qui emporte des effets juridiques puisse demeurer
indéfiniment ouverte et faire sans fin l’objet de discussions ou
de litiges, à peine de mettre
en péril la sécurité juridique, indispensable à
la stabilité sociale. À défaut de telles
règles, les droits et les obligations de chacun seraient
affectés d’une incertitude qui ne serait pas sans
conséquence sur leur existence même ainsi que sur leur contenu. ».
Les seuls crimes imprescriptibles sont les crimes contre
l’humanité. Quel message envoie la Belgique en hissant la fraude
fiscale à ce rang ? Est-ce là faire preuve de sens de la
mesure ?
Méconnaître la vie
économique
Dernier
exemple en date, une proposition de
loi déposée au Parlement belge par un groupe de parlementaires
écologistes flamands (actuellement dans l’opposition). Ici aussi, méconnaissance de la
vie économique, parti pris idéologique et discrimination
à l’égard des entrepreneurs prennent le pas sur le sens
de la mesure, et pire, sur l’égalité des citoyens devant
la loi.
La lecture des
« développements » (page 3 du document)
s’avère particulièrement édifiante.
D’entrée de jeu, les politiciens entrent
délibérément dans le cliché
« indépendant = salaud de riche ». Voici en
effet la première phrase du texte :
« En cette période
d’efforts budgétaires qui affectent lourdement la population,
nous ne pouvons plus tolérer que les citoyens les plus fortunés
déclarent des dépenses privées en tant que frais
professionnels. »
L’entrepreneur
et l’indépendant sont donc immédiatement
catégorisés : ils font partie des « citoyens
les plus fortunés ». Manifestement, les auteurs de la
proposition de loi n’ont pas lu le dernier rapport
de la Fondation Roi Baudouin, qui relève que 15% des
indépendants vivent depuis au moins six ans sous le seuil de
pauvreté. Certains n’arrivent même plus à
s’acquitter de leurs cotisations
sociales. En l’occurrence, peu d’indépendants dans le
pays peuvent s’enorgueillir de ramener autant à la maison
Un peu plus
loin, les parlementaires s’insurgent contre le fait – je cite
– que le fisc n’est pas
compétent pour juger de l’opportunité des frais
professionnels, citant pour preuve l’imprécision de
l’article 49 du Code des Impôts sur le Revenu (CIR 92) qui
définit les frais professionnels comme les frais que le contribuable a
faits ou supportés en vue d’acquérir ou de conserver des
revenus imposables.
C’est
tout à fait exact et c’est fort heureux : le rôle du
contrôleur du fisc n’est pas de s’immiscer dans la gestion
d’une entreprise pour décider de l’opportunité
d’engager telle ou telle dépense. Evidemment, l’exemple
cité à l’appui est propre à susciter l’ire
du citoyen lambda : la qualification payée à un club de
golf de « dépense professionnelle ». Loin de moi
l’idée de défendre les golfeurs, mais il ne me semble pas
que la pratique soit systématique. Mon comptable m’a par exemple
découragé de faire de même. Et pourtant. Je ne pratique
pas le golf, mais bien le krav-maga. Et les contacts noués au sein de
mon club m’ont déjà rapporté un chiffre
d’affaires largement supérieur aux cotisations déboursées
ces deux dernières années. Tout comme les cocktails payants
organisés par la Chambre de Commerce de Bruxelles.
Nos
parlementaires méconnaissent un principe de base de la vie des petites
entreprises : ce sont les relations, et non la publicité, qui
sont sources de nouvelles affaires. La multiplication des contacts informels
est donc une nécessité vitale : plus l’entrepreneur
a de l’entregent, plus il rencontrera de clients potentiels. Les
dépenses de socialisation sont donc effectivement professionnelles.
Doit-on leur reprocher de passer une partie de leurs loisirs à
chercher à agrandir leur clientèle ? Nos parlementaires
n’hésitent pourtant pas à balayer cette
réalité d’un revers de la main, la qualifiant de « prétexte
risible ». Bien sûr, les frais de restaurant sont
également dans leur collimateur. Je ne me prétends pas
représentatif des indépendants, mais un regard rapide sur mon
portefeuille actuel de clients par origine du contact donne ceci :
-
ancien
camarade de promotion, affaire nouée autour d’un repas
prétendument informel mais destiné à nous jauger
mutuellement ;
-
conjoint
d’une connaissance, rencontré lors d’un
événement informel de networking ;
-
connaissances
rencontrées ou présentées par des amis au hasard des
interactions sociales ;
-
e-mail
de prospection ;
-
article
sur mon blog professionnel ;
-
sous-traitant
devenu à son tour mon client ;
-
recommandations
et bouche-à-oreille.
Dans la
moitié des cas, je suis entré en contact avec de futurs clients
lors d’événements non professionnels, ou j’ai
été mis en contact avec eux par des amis communs par le biais
d’activités de socialisation.
La suite de la
proposition de loi est du même acabit. Elle introduit même une
discrimination, interdisant à l’entreprise de déduire les
frais liés à la formation de ses dirigeants mais
l’autorisant à le faire pour ses salariés.
Bien
sûr, émanant de parlementaires de l’opposition, cette
proposition a peu de chances d’aboutir. Il n’empêche :
elle participe à la création d’un climat
délétère qui, à la longue, découragera
encore davantage l’entreprenariat. Or, les PME sont les principales
créatrices de richesse et d’emplois dans les économies
développées. L’aveuglement idéologique de leurs
dirigeants va-t-il pousser nos pays vers le chaos ?
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