Avec
l’annonce de son nouveau programme, la BCE est désormais
exposée en première ligne.
Dans
un premier temps, les marchés ont exprimé leur satisfaction de
la voir prendre sa part du fardeau financier, en annonçant être
prête sous condition à acheter de la dette sans limitation de
volume ni de temps, ainsi qu’en abaissant le niveau des garanties
demandées aux banques qui s’adressent à elle. Ce qui
revient à assumer financièrement une part grandissante du
risque de crédit ainsi que du risque d’éclatement de la
zone euro.
Mais
les problèmes ne vont pas manquer de réapparaitre
lorsqu’il va falloir agir, l’Espagne étant
l’occasion de l’épreuve du feu. Où placer le curseur
pour définir les conditionnalités que le gouvernement va devoir
s’engager à respecter pour entrer dans le dispositif et voir le
taux de sa dette à moyen terme stabilisée ? Ayant
retrouvé des marges de manœuvres grâce à la
détente observée sur le marchés, le gouvernement Rajoy est tenté de jouer la montre pour obtenir
qu’elles soient minimisées, estimant avoir déjà
pris l’essentiel des décisions qui s’imposaient.
À
l’inverse, le gouvernement allemand, qui dispose d’un droit de
véto au sein du FESF/MES, va se trouver sous la pression d’un
Bundestag devant approuver tout nouveau plan de sauvetage. Dans le
contexte allemand, le curseur ira au contraire dans le sens du durcissement.
Les conditions qui seront réservées à l’Espagne
exprimeront une tendance sur laquelle le gouvernement italien tente de peser,
lui qui veut éviter de s’engager dans cette logique
d’échec.
Cette
première épreuve accomplie, une seconde attendra la BCE. Que
décidera-t-elle si, après avoir stabilisé le taux de la
dette d’un pays par ses achats, celui-ci manque à ses
obligations, ce qui est aujourd’hui la règle
générale, sans exception ? Les stoppera-t-elle, comme Mario Draghi l’a annoncé, ou sera-t-elle
forcée de les poursuivre, étant donné les
conséquences d’un arrêt ? Ce pays ne bénéficiera-t-il
pas, à son tour, de l’aléa moral que les banques
connaissent si bien, qui savent qu’on ne les laissera pas tomber en
raison des conséquences de leur déconfiture ?
L’OCDE
vient de dresser le cadre dans lequel la BCE va devoir agir, et il
n’est pas favorable. « La récession européenne
ralentit l’économie mondiale », constate-t-elle dans un
nouveau rapport, pour en tirer les conséquences et réviser
à la baisse ses prévisions de croissance 2012 pour les pays du
G7, à l’exception du Japon dont l’État finance les
travaux de reconstruction en accroissant sa dette déjà
colossale. L’OCDE constate également
que la faiblesse économique enregistrée dans les pays «
périphériques » de l’Europe « est en train de
s’étendre aux principaux pays », dont la France et
l’Allemagne.
Est-ce
en raison de ces sombres prévisions que Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, vient de
déclarer que « le plus important » est dorénavant
« d’avoir des politiques de croissance qui permettent de
recréer des perspectives d’intégration des
marchés, des perspectives de sortie de crise » ? Las ! Il
n’a pas donné le mode d’emploi…
Que
pourra la BCE si l’économie européenne continue de suivre
une spirale descendante dont la pente sera accrue par la diminution des
recettes fiscales des États résultant de la récession
alors qu’elle tente de la redresser en stabilisant le coût de
leur dette ? Le sujet de la croissance va revenir sur le tapis, mais comment
passer de l’incantation à l’action ?
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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