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La
conférence annuelle des banquiers centraux du début du mois de
Jackson Hole, dans le paysage montagneux du
Wyoming, n’a pas eu toute la publicité qu’elle
mérite. En Europe, la faute en a été à
l’absence de Mario Draghi, occupé par
ailleurs. Elle a eu plus de retentissement aux Etats-Unis, où
l’on s’attend à nouveau à un geste de la Fed en
faveur de l’économie et du chômage, lors de sa prochaine
réunion des 12 et 13 septembre prochains. Sans savoir lequel, entre la
reprise des achats de titres (qui pourraient être immobiliers, vu
l’état sinistré persistant du marché) et
l’annonce du maintien de taux très accommodants pour une
plus longue période que prévu, car il n’est plus possible
de les baisser : ils sont quasiment à zéro.
L’efficacité et l’usage de ces deux principaux instruments
des banques centrales a fait question à Jackson Hole.
Une
interrogation a traversé les communications et les débats, que
l’ancien président de la Fed de Kansas City, Donald Kohn, a le plus simplement formulé
: « Qu’est ce qui retient l’économie, alors que nous
menons depuis si longtemps une politique monétaire si accommodante ?
». Adam Posen, membre du comité de
politique monétaire de la Banque d’Angleterre sur le
départ, l’a relayé sur ce même thème en
comparant les banques centrales à des vierges qui auraient peur
d’être souillées en intervenant. Les partisans d’une
intervention plus poussée des banques centrales étaient
à l’offensive, tandis que les participants plus proches des
milieux républicains appelaient les banquiers centraux à
« plus de modestie » à propos de leurs pouvoirs. Renvoyant
à la responsabilité qui est celle de l’État pour
préconiser coupes budgétaires et baisses des impôts afin
de favoriser la relance. Si le contexte et les acteurs sont
différents, le débat ne l’est pas tant aux
États-Unis et en Europe.
Ben
Bernanke s’est longuement penché sur
la persistance du chômage aux États-Unis, exprimant sa
préoccupation en raison de ses conséquences sur
l’économie. De nombreuses communications ont tenté
d’analyser les causes de l’absence de relance de
l’économie. Notamment en s’appuyant sur le
caractère structurel du chômage – qui fait débat
pour ceux qui ne veulent retenir comme explication à celui-ci que les effets
de la conjoncture – ou bien la poursuite de la crise de la dette
hypothécaire immobilière, qui n’en finit pas.
Les
débats ont aussi largement porté sur les leçons que la
Fed devrait tirer des défis que l’économie
américaine continue de rencontrer. L’idée débattue
serait d’annoncer et de poursuivre des objectifs d’inflation plus
élevés que son seuil classiquement fixé à 2%, une
variante étant d’adopter un objectif d’augmentation du PIB
nominal (qui inclut l’inflation par opposition au PIB réel, dont
elle est soustraite) et de ne pas s’en tenir à
l’évolution des prix. La proposition d’augmenter
l’objectif d’inflation n’est en réalité pas
nouvelle, déjà formulée sans être reprise par
l’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard.
Michael
Woodford, professeur à Columbia, a fait
observer que le seul bénéfice qui a jusqu’à
maintenant résulté de l’action de la Fed a
été de faire baisser les taux, sans plus de conséquence
sur l’économie. Ben Bernanke a
défendu sa politique en faisant remarquer qu’elle serait en plus
mauvais état si la Fed n’était pas intervenue. Mais c’est
Donald Kohn qui a été le plus
inattendu, en suggérant que « quelque chose de plus profond
était en cours ». Il s’est interrogé sur la
distribution des revenus entre le travail et le capital, ainsi que sur les
effets d’une politique de bas taux d’intérêt qui
facilite des dépenses immédiates devant être
remboursées dans le futur.
Ne
pouvant se résoudre à admettre que leurs instruments sont
inopérants, les banques centrales sont au bout de leurs
possibilités et ne peuvent que continuer à explorer l’art
du possible. Elles sont aussi en porte à faux, la tendance
étant d’engager de nouveaux programmes d’achats de titre.
Aux États-Unis, a-t-il été remarqué, cette
politique combat les tendances déflationnistes et contient la crise
économique, faute de susciter la relance. Mais le tracé de la
frontière entre politique monétaire et fiscale devient de plus
en plus flou au fur et à mesure que les banques centrales font assaut
de créativité pour tenter de débloquer la situation.
Cela ne fait que refléter l’impasse des stratégies de
désendettement, telle que poursuivie en Europe ou encore
cherchée aux États-Unis. Au Japon, elle continue
d’être balbutiante.
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