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Quand les zombies l'emportent

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Published : December 21st, 2010
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Category : Editorials

 

 

 

 

Paul Krugman titre sa dernière chronique dans le New York Times « When Zombies Win » (Quand les zombies l’emportent). Il la débute ainsi : « Quand les historiens étudieront les années 2008-2010, ils seront interloqués par l’étrange victoire que les idées fausses y auront remporté. Les fondamentalistes du marché libre, qui ont eu tort sur tout, dominant la scène politique plus fortement que jamais. »

 

La question mérite en effet d’être posée. Est-il possible que le système financier, qui a implosé et dont la crise se poursuit sans être maîtrisée, puisse continuer à parader en prétendant retomber sur ses pieds ? De quelles nouvelles promesses désastreuses sera-t-il dans ce cas capable ? Toutes les hypothèses, après tout, doivent être posées, même les pires.

 

Si l’on considère les Etats-Unis et l’Europe, des chemins opposés y sont pour l’instant empruntés, selon le rôle qu’y jouent ou non les banques centrales. La Fed et la Bank of England utilisent généreusement la planche à billet, tandis que la BCE s’y emploie plus modérément en s’en défendant maladroitement. Le déficit public américain ne cesse de croître, tandis que les Européens prétendent le freiner brutalement sans attendre.

 

Mais les choses changent du tout au tout, si l’on adopte un autre critère de comparaison. Dans les deux cas, on assiste en effet à un rétrécissement du rôle de l’Etat, des organismes sociaux et des administrations publiques ; conséquence d’allégements fiscaux – voie privilégiée des Américains – de restrictions budgétaires ou de diminutions des prestations sociales. Ouvrant en Europe grande la porte pour de nouvelles intrusions du privé dans des domaines où il n’intervenait que de manière relativement limitée. Paradoxalement, la crise lui donne l’occasion d’élargir son champ d’action.

 

Si cette tendance devait se confirmer, on assisterait à une extension du rôle du marché financier, à qui il serait confié de nouvelles responsabilités, alors qu’il a sans conteste failli. Qui plus est, sans qu’il soit encadré par de strictes mesures de régulation, afin de si possible éviter que cette situation ne se renouvelle. Comme si aucune leçon n’était tirée des événements et que la poursuite de ces turpitudes allait de soi.

 

Cela accentuerait alors encore plus les déséquilibres déjà bien engagés dans les sociétés développées. Additionnant aux effets de l’émergence de nouvelles puissances industrielles et commerciales ceux d’une inégalité sociale accrue, dans un contexte où la machine à faire de la dette ne pourra plus remplir le même rôle afin de la rendre moins douloureuse.

 

Si l’on se tourne du côté des mégabanques, comment prévoient-elles de s’adapter à la nouvelle donne, continuant de bénéficier pour une longue période de liquidités à bas prix mises à leur disposition par les banques centrales ? Conscient d’une chute prévisible et inévitable de leur ROE (return on equity, retour sur investissement), elles tentent de limiter les dégâts en se raccrochant aux branches, actives sur tous les fronts. Elles poursuivent leur résistance acharnée à l’adoption de mesures de régulations financières contraignantes, réorientent une partie de leur activité vers les nouveaux marchés émergents et cherchent à réduire leurs coûts, notamment grâce à l’utilisation de nouvelles technologies.

 

Rien ne sera plus tout à fait comme avant. Dans les pays développés il faut exploiter d’autres gisements et, chez les émergents, s’implanter localement de manière plus solide face à des banques locales imposantes et protégées par les Etats qui y défendent des intérêts. Les mégabanques se préparent à jouer pour les grandes entreprises de ces pays le rôle qu’elles ont joué dans les années 70, en aidant les entreprises occidentales à devenir des multinationales. Ainsi qu’à développer des marchés financiers encore embryonnaires, afin d’ouvrir des salles de jeu à l’identique de celles où les mises sont désormais restreintes.

 

Mais il est illusoire de relancer le marché de la titrisation et de retrouver un marché de la dette identique, ainsi que de retrouver les mêmes effets de levier faramineux, que la réglementation de Bâle III va restreindre. Bien que plus ou moins encadrés dans des chambres de compensation, les produits dérivés ne seront plus aussi profitables. L’interdiction aux Etats-Unis du proprietary investment, le trading sur fonds propres des banques, va également peser sur leurs résultats.

 

Tout additionné, les retours sur investissement atteignant 20 à 25% seront désormais hors de portée, les investisseurs devant se contenter de 10 à 15 % maximum, pour les banques les plus profitables, d’aux environs de 10% pour la catégorie au dessous, et encore moins pour les autres. Il devrait en découler une course à la dimension et une nouvelle vague de concentrations bancaires.

 

Réparer la machine financière est un travail de longue haleine. Ce ne sera pas à l’identique et va se faire au détriment des économies des pays développés, délaissées, accentuant une nouvelle donne mondiale déjà bien engagée. Voilà le mauvais tour que le capitalisme financier prépare, à total contre sens.

 

Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

 

 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

 

 

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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