Le petit pays de Belgique –
qui a été mon terrain de chasse favori pendant trois ans – avec son PIB de
494 milliards de dollars, un pays qu’il est possible pour une personne en bonne
santé de traverser à vélo en une seule journée, un pays qui a fait le chagrin
de certains pour s’en être sorti si bien pendant quelques années sans aucun
gouvernement national, commence à accumuler de véritables montagnes
d’obligations américaines.
Selon des données publiées par
le Département du
trésor américain, la Belgique aurait ajouté 30,9 milliards de dollars à
ses réserves au mois de février dernier, portant ses réserves à 341,2 milliards
de dollars, ou 70% de son PIB.
Voilà qui place le lopin de
terre aux quelques 11 millions d’habitants en troisième position, derrière la
Chine (1,27 trillion de dollars) et l’usine à imprimer qu’est devenu le Japon
(1,21 trillion de dollars), les deuxième et troisième plus grosses économies
du monde.
Depuis le mois d’août 2013,
alors que la Belgique possédait déjà 166,8 milliards de dollars d’obligations
américaines, ses réserves ont augmenté de 105% ! Pourquoi ce rebond
soudain ?
Que diable se passe-t-il en
Belgique ?
Le pays bénéficie d’un secteur
d’exportation vibrant – je m’imagine en un rien de temps ses chocolats
succulents, ses bières addictives et ses autres produits. Mais les ventes de
produits belges contre des dollars ont-elles pu se multiplier ainsi sans
raison ? Non. Rien ne se passe très rapidement en Belgique. Ne serait-ce
que soumettre une demande majeure à la bureaucratie demande une patience
surhumaine, une finesse admirable et énormément d’argent. Non, cela n’a
définitivement rien à voir avec la véritable économie de la Belgique.
Voilà qui nous laisse face à
une autre option: la Belgique est devenue un centre financier pour les
obligations achetées par d’autres pays, ou peut-être est-elle devenue un
point de transit.
Sur la même période, depuis
août 2013, le Luxembourg, qui est un centre financier très opaque, a vu ses
réserves d’obligations décliner pour passer de 143,8 milliards de dollars à
136,8 milliards de dollars. L’Irlande, ou l’Amérique des corporations
enregistre son argent pour éviter de payer des taxes aux Etats-Unis, a aussi
enregistré une diminution de ses réserves d’obligations depuis 120 jusqu’à
111,4 milliards de dollars.
Pourquoi la Belgique ? Il
est impossible d’en être certain pour le moment. Mais voici quelques
possibilités…
La première est Euroclear, qui détient 24,2 trillions d’euros d’actifs.
Ses clients incluent plus de 2.000 dépositaires locaux et internationaux, des
courtiers, des banques centrales, des banques d’investissement et des
organisations supranationales dans plus de 90 pays. La valeur totale des
valeurs mobilières de ses transactions annuelles excède les 570 trillions de
dollars. Comme la société le
dit : « Tous les six ans, nous nous occupons de transactions
équivalentes au PIB de l’Union européenne ».
Ses bureaux se trouvent en
Belgique. Il se pourrait très bien qu’un gouvernement ait eu recours à Euroclear pour déplacer ses obligations hors de la portée
des Etats-Unis. Euroclear a en effet expliqué au Financial
Times que la quantité d’obligations qu’elle détient a « énormément
augmenté » ces derniers mois.
Et il y a pour ainsi dire un
suspect. Le registre du Trésor des Etats-Unis Major Foreign Holders of Treasuries montre que les réserves de la Russie
s’élevaient à 126,2 milliards de dollars à la fin du mois de février, soit
23,5% de moins qu’en 2013. C’est une baisse importante. Le président Vladimir
Poutine en a clairement eu assez. Graduellement, et avec grande attention, il
a diversifié les réserves étrangères de son pays. La Banque centrale russe
vend des dollars pour supporter le rouble. Mais ces mouvements n’expliquent
pas la volatilité d’un autre registre, celui des bons de la Réserve fédérale
détenus pour des gouvernements étrangers et des comptes internationaux.
Alors que la dette nationale
des Etats-Unis atteint plus d’un trillion de dollars par an, les nations
étrangères sont ses plus gros acheteurs d’obligations. Le registre de comptes
internationaux de la Fed a atteint un record de 3,02 trillions de dollars le
18 décembre dernier après avoir gagné 150% en seulement six ans. Et puis il a
chuté après une semaine avant de 104,5 milliards de dollars la semaine du 5
mai pour atteindre 2,855 trillions de dollars – simplement pour que ces
obligations réapparaissent quelques semaines plus tard, laissant derrière
elles un aperçu de volatilité.
Ce mystère – ces montagnes
d’obligations qui disparaissent pour réapparaître soudainement – n’a pas été
résolu. En mai, lorsque les données du Treasury
International Capital (TIC) System pour le mois de mars seront publiées, nous
en apprendrons peut-être plus. Tout ce que nous savons pour le moment est que
quelqu’un a pris peur et a déplacé des obligations depuis la Fed vers une
autre entité.
Cette autre entité pourrait
être Euroclear, qui en tant que dépositaire, et
sous son propre nom, aurait pu les transférer vers la Fed. Maintenant
qu’elles ne portent plus le nom de la Russie, le gouvernement américain aura
plus de difficultés à les geler dans le cadre des sanctions imposées suite
aux évènements en Ukraine – il ne pourrait à vrai dire même pas menacer de le
faire.
Voilà qui pose un problème
plus large : si les détenteurs d’obligations américaines comme la Russie
sont agressés par le gouvernement américain ou par le Congrès, que doivent
penser les Chinois ? Et que feront-ils ?
Ils ont déjà pris des mesures:
le mot dollar n’a même pas été prononcé lorsque la Bundesbank a signé son
accord avec la Banque populaire de Chine. Le président Xi Jinping
et la chancelière Angela Merkel se sont exprimés. Tout le monde sait de quoi
il s’agissait. Personne n’a rien dit. Lisez
ceci : Dollar Hegemony Under Attack By
Export-Superpowers Germany and China