Des montgolfières s’écrasent
peut-être au Texas, mais la semaine dernière à Philadelphie, Sainte Hillary,
drapée du voile blanc du privilège, s’est propulsée au travers du plus haut
des plafonds de verre, soulevée par de puissantes bourrasques de saccharine.
Femme exemplaire… bonne mère… combattante pour les droits des proscrits de l’arc-en-ciel
et des martyrs du genre de notre république tourmentée par la patriarchie ;
elle a promis à la fois continuité et changement aux foules crédules, alors
même que l’Histoire la faisait balancer au-dessus des fosses bouillonnantes d’allégations,
de suspicion et de méfiance qui, ces dernier mois, sont venus la hanter.
Les caméras se sont attardées
sur le visage du pauvre Bernie, assis juste au-dessus des masses en délire,
les sourcils froncés, les bras croisés et le front plissé sous ses boucles corinthiennes,
souffrant peut-être d’une indigestion de roulés au bœuf et fromage. Il a
défendu Sainte Hillary avec autant de passion qu’un marchand de fruits de la Septième
Avenue, pour baisser les bras et abandonner le parti démocrate le lendemain –
un message lourd de signification pour ceux qui y croiraient encore.
Une autre publication d’emails a
failli ruiner la fête, ayant révélé cette fois-ci les leviers poussés et les
ficelles tirées par la responsable des Conventions nationales du parti
démocrate, Debbie Wasserman - des actions en violation de la charte d’équité
procédurale du parti. Elle a été critiquée un bref instant, avant que le pays
tout entier n’oublie l’affaire pour se concentrer uniquement sur l’ascension
de Madame C’est-Mon-Tour. Tout le pays, sauf Trump, qui a demandé aux Russes de
se pencher sur les quelques 20.000 emails manquants sur le fameux serveur d’Hillary.
La blague est passée au-dessus de la tête de tout le monde, médias inclus :
dans quel état se trouvent les agences de renseignements américaines si elles
ne peuvent même pas mettre la main sur quelque chose que la Russie n’a eu
aucun problème à trouver ? Et pourquoi personne ne s’est encore posé
cette question ?
Julian Assange a ensuite fait son
apparition, à la Jacob Marley, pour annoncer aux sbires d’Hillary qu’il
dispose encore de portefeuilles pleins de documents intéressants, et qu’il
prendra tout son temps pour choisir le moment opportun pour les publier. Je
suppose qu’Hillary ne souhaite rien de plus que de pouvoir envoyer une équipe
de la Marine se débarrasser du pirate informatique qui se cache encore dans l’ambassade
de l’Equateur à Londres. Il sera drôle d’attendre de le voir agir, et de
compter de combien de Xanax Hillary aura besoin d’ici là. La cérémonie de son
couronnement ne lui a offert qu’un soulagement temporaire face aux fantômes
et aux revenants de ses méfaits passés.
Reste maintenant à déterminer si
Trump est devenu un agent de la Russie. Notez que cette information nous parvient
tout droit du bureau néoconservateur de l’Agitprop. Une guerre non-officielle
est menée par les partis américains, qui s’occupent à diaboliser la Russie
depuis le début du mandat présidentiel actuel. Mais tous les Américains ne
sont pas si facilement bernés. Ceux qui ont une connaissance ne serait-ce que
minime de l’Histoire savent par exemple que la Crimée a presque
continuellement été une province de la Crimée des centaines d’années durant –
à l’exception de la courte période qui a fait suite à la décision arrosée de
Nikita Khrouchtchev d’offrir la Crimée à l’Ukraine autrefois soviétique dans
un élan de sentimentalité, et dans l’idée que le pays demeurerait à jamais la
propriété de la Grande Russie. Notez également que depuis que la Russie a annexé
la Crimée en 2014 (la région étant son seul port d’eau tempérée et une
station navale majeure) même le parti américain de la guerre n’a pas été
capable d’argumenter de manière crédible en faveur d’un conflit. Alors il s’est
contenté d’injures : Poutine le voleur, Poutine le pire gangster que le
monde ait jamais porté… C’est exactement le genre de politique étrangère qu’Hillary
apportera autour du bureau ovale.
Non pas que Donald Trump offre
une alternative cohérente. Certains suspectent encore qu’il n’a aucune idée
de la manière dont fonctionne le monde. Pour lui, tout n’est question que de
mots forts. Sans oublier qu’il s’est déjà mis dans l’embarras en disant du
mal d’un héros de l’armée américaine qui se trouve avoir été de confession
musulmane. Trump, pour des raisons pratiques, est tel en enfant. Il n’est pas
difficile d’élaborer un argument raisonnable contre son ascension au pouvoir.
C’est ainsi que commence le
grand désastre de 2016 : Godzilla contre Rodan le reptile volant.
Lequel des deux survivra pour détruire complètement les restes sclérosés de
notre nation ? La bonne nouvelle, c’est que les électeurs se tournent aujourd’hui
en masse vers les candidats des troisième et quatrième partis du pays :
Gary Johnson (parti Libertaire) et Jill Stein (les Verts). Peut-être ces deux
candidats relativement sains d’esprit récolteront-ils suffisamment de voix
pour participer aux Grands débats. Voilà qui devrait être amusant.