Le
premier bulletin monétaire de la Banque Centrale Européenne
(BCE) pour l’année 2013 contient des statistiques très
informatives quant aux derniers développements de la masse monétaire.
Il serait fort instructif de commenter ces données à la lumière
de la théorie monétaire afin de porter un jugement informé
sur l’état de la politique monétaire de la BCE.
Apres
une période de forte croissance, qui a duré de 1999 à 2007,
la hausse de la masse monétaire en zone euro, mesurée par
l’agrégat M3, a fortement décliné entre 2007 et
2009, période à laquelle elle est devenue nulle. Depuis lors,
le taux de croissance annuel du stock de monnaie a repris sa hausse, pour
s’approcher des 4 pour cent à la fin de 2012. Ces développements
suggèrent trois enseignements majeurs. Premièrement, la quantité
de monnaie en zone euro ne s’est pas contracté depuis la crise financière.
C’est tout au plus son taux de croissance qui a fléchi. Deuxièmement,
la quantité de monnaie a recommencé à croitre durant les
trois dernières années. Troisièmement, cette croissance renouvelée
a l’air de s’accélérer. On peut en conclure que la
politique expansionniste de la BCE est en train de porter ses fruits.
Les
statistiques monétaires font état également de l’évolution
des contreparties de la création monétaire. Ces contreparties représentent
les actifs sur les bilans des institutions monétaires et financières
qui correspondent à l’évolution des passifs de ces
institutions, c’est-à-dire aux changements dans la masse monétaire.
L’évolution des contreparties nous renseigne donc sur la
manière dont la nouvelle monnaie a été créée,
et tout particulièrement sur ses principaux bénéficiaires.
Les
données indiquent que le crédit au secteur privé a
contribué négativement à la hausse de la masse monétaire.
En d’autres termes, la nouvelle monnaie n’a pas bénéficié
aux entrepreneurs privés. Du point de vue de l’analyse des
bilans, la contribution négative du crédit privé a
été compensée par une contraction presqu’identique
des passifs bancaires de long-terme, qui ne font pas partie de la masse monétaire.
Il s’ensuit que l’évolution du volume de la masse monétaire
suit de très près, et est principalement expliquée, par
les changements intervenus dans les autres contreparties.
Parmi
ces autres contreparties, de loin la plus importante a été les
crédits accordés aux gouvernements. En effet, ceux-ci ont cru
de presque 9 pour cent au troisième trimestre de 2012 par rapport au même
trimestre de 2011. Pour comparaison, le crédit privé a baissé
de 1 pour cent sur la même période.
Une
conclusion incontestable s’impose : la nouvelle monnaie créée
par les banques en zone euro a bénéficié aux gouvernements.
Elle a servi à financer leurs déficits persistants ainsi que la
hausse de leurs dettes. Cela en dit long sur les efforts affichés de
consolidation budgétaire et sur les résultats effectifs de la
politique de la BCE. Ce lien établi, il convient de se demander dans
quelle mesure la politique monétaire actuelle retarde la consolidation
budgétaire, et donc les reformes structurelles tant nécessaires
pour revenir à la stabilité des finances publiques et des
marchés financiers.
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