La
débâcle des taux négatifs
Au Japon, en zone euro, au
Danemark, en Suède et en Suisse, où les banques centrales, dans leur sagesse infinie,
ont imposé des taux d’intérêt négatifs et renforcé leurs programmes d’achat
d’obligations, les prix des obligations ont flambé au point que de nombreuses
obligations gouvernementales et d’entreprise s’échangent maintenant avec des
rendements négatifs. Compte tenu de ces niveaux de liquidité et des emprunts
devenus virtuellement gratuits pour les entreprises, les marchés boursiers de
ces pays devraient flamber. C’est du moins ce qui était espéré.
Hélas, ils ont été
écrasés : presque tous les indices boursiers des pays qui ont employé
des taux négatifs sont maintenant dans un marché baissier.
Les indices boursiers
américains sont les chemises les plus propres dans le panier à linge sale,
avec un S&P 500 ayant perdu 3%, et un Dow à la baisse de 3,7% depuis
leurs records de mai 2015. Le Nasdaq a perdu 8,3% depuis son pic de juillet
2015.
Mais le plus petit Russell
2000 a perdu 11,6% depuis son record de juin 2016. Les petites
capitalisations ont tendance à flamber à la hausse. Mais lorsque le carburant
commence à manquer, elles chutent tout aussi brutalement. Elles ont tendance
à devancer les plus grosses capitalisations à la hausse, mais aussi à la
baisse.
Le ratio cours/bénéfice mobile
sur douze mois du Russell 2000 est de zéro, comme l’a expliqué le Wall Street
Journal. Malgré des prévisions à l’eau de rose qui montrent des revenus
futurs fictionnels « ajustés », les rendements de ces douze
derniers mois ont soit été si minuscules que le ratio cours/bénéfice devrait
être proche de l’infini, soit négatifs, auquel cas le ratio est négatif. D’où
le « zéro » miséricordieux.
Le ratio cours/bénéfice mobile
sur douze mois du S&P 500 est de 23,9, contre 22,8 il y a un an. Sa
médiane historique est de 14,6 !
Parlons également des
introductions en bourse. L’indice américain des introductions en bourse de
Renaissance Capital (actuellement à 205,8) a perdu 23,7% depuis son record
d’avril 2005, et fait donc partie de l’élite des indices du marché baissier.
Le 31 décembre 2015, l’indice
a terminé la journée à 225,4, un niveau qui n’a pas été revu depuis. Le 11
février, il a terminé la journée à 171, soit 22% de moins sur un an. Puis il
est reparti à la hausse, simplement pour redescendre le 8 juin. Il a depuis
perdu 5%.
Cet indice suit les plus
grosses actions américaines récemment introduites en bourse, qui sont au
nombre de 64. Il impose un plafond de 10% aux plus grosses sociétés, comme
Alibaba. Les actions demeurent dans l’indice pendant deux ans après leur
introduction en bourse. Voici les cinq plus gros composants de l’indice par
poids : Alibaba (9,9%) ; Synchrony Financial (8,5%) ; Citizens Financial
Group, entreprise dérivée de Royal Bank of Scotland (7,8%) ; Mobileye,
une société israélienne de voitures sans chauffeur (4,8%) ; et JD.com,
une société d’e-commerce chinoise (4,3%).
Voici une version mise à jour
de notre pisteur de marché baissier. Les cinq indices américains qui y
figurent sont en bleu. Le S&P, le Dow et le Nasdaq occupent les trois
positions les plus élevées – ils sont les chemises les moins sales du panier
à linge du monde. L’indice des introductions en bourse est dans un marché
baissier, au milieu des indices des payx qui ont adopté des taux
négatifs :
Un indice est en marché
baissier lorsqu’il perd 20% depuis le record à la hausse de son cycle. Ce
record à la hausse est un concept assez vague, et des décisions arbitraires
sont nécessaires : le RTSI russe en dollars fluctue en zigzags depuis
son record de 2011, qui est utilisé en tant que record de cycle dans le
graphique ci-dessus. En revanche, pour le Nikkei, qui a atteint un pic en
1989 et a depuis perdu plus de 60%, nous utilisons le record de juin 2015.
Petite chose concernant les
devises ; les indices boursiers mesurés dans une devise locale qui a
perdu une majorité de sa valeur, comme le peso argentin, ne valent rien.
Lorsqu’une devise perd 40% de son pouvoir d’achat en un an, une hausse de 25%
d’un indice boursier n’est intéressante que sur le papier. En réalité, il
s’agit d’un déclin dévastateur. Nous avons donc exclu les pays dont les
devises se sont effondrées. Nous avons en revanche inclus le RTSI russe en
dollars.
Dans un rebondissement
fascinant, et une preuve du caractère désespéré de la situation des taux
d’intérêt négatifs, les banques centrales ne parlent quasiment plus des
performances désastreuses de leurs marchés boursiers respectifs, bien qu’à
l’origine, la hausse des valeurs de marché et la création d’un « effet
de richesse » en parallèle à une redirection des investisseurs vers des
actifs plus risqués était présentée comme l’objectif ultime de la BCE et de
la Banque du Japon.
Maintenant que les
investisseurs ont suivi les conseils des banques centrales et trouvé refuge
face aux taux négatifs et à l’assouplissement quantitatif dans les actifs à
risque, les actions ont plongé, et ces investisseurs ont tout perdu. Dans le
même temps, les banques centrales ont avoué qu’elles laisseraient les actions
plonger. Quelle importance…
Elles ont avoué qu’elles ne
pouvaient pas soutenir les actions si les spéculateurs ne croient pas en leur
message. Et les spéculateurs ont justement cessé d’y croire au printemps
dernier. Pour l’heure, ils se concentrent sur la manipulation du marché des
obligations et des autres classes d’actifs, comme l’immobilier, qui dépendent
de capital virtuellement gratuit. Et les actions, pour eux, sont devenues une
cause perdue. Les investisseurs naïfs, comme les épargnants avant eux, sont
livrés à eux-mêmes dans leur misère.
Aux Etats-Unis, les rendements
des bons du Trésor à dix ans ont atteint leur niveau le plus bas depuis le
mois de novembre 2012, après que la Fed s’est tue face aux performances
décevantes du marché de l’emploi, à la chute des exportations et des
investissements, et aux craintes relatives à Brexit. Elle s’est contentée de
dire que « la croissance de l’activité économique semble avoir gagné du
terrain ». Vraiment ? Lisez ceci : OK,
I Get it, the US is a Service Economy, but this Looks Terrible