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Quelle est la pertinence de la stérilisation des achats d'obligations par l'Eurosystème?

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Published : November 02nd, 2012
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A l'occasion de la mise en place de son nouveau programme d'achat d'obligations, baptisé Transactions monétaires directes (Outright Monetary Transactions), l'Eurosystème rappele qu'il continuera de stériliser les liquidités ainsi créés. Qu'entend-on par cette stérilisation des liquidités? D'un point de vue économique, n'y-t-il pas des conséquences particulières à souligner? Enfin, quelle est l'importance de cette stérilisation?

Techniquement, l'Eurosystème conduit des opérations hebdomadaires de retrait de liquidités pour un montant identique à ses achats d'obligations. Ces opérations amènent les banques commerciales à déposer pour la semaine les liquidités fournies par l'Eurosystème en échange des titres financiers vendus. Par conséquent, ces liquidités ne seront accessibles aux banques, que ce soit pour l'achat d'autres actifs ou pour l'octroi de crédits, qu'à la fin de la semaine. Les liquidités sont alors dites stérilisées. La stérilisation continuera aussi longtemps que l'Eurosystème reconduit les opérations de retrait de liquidités. Dernièrement, les dépôts hebdomadaires des banques se sont élevés à quelques 209,5 milliards d'euros.

Cette stérilisation, dont nul ne peut nier l'efficacité opérationnelle, est réalisée afin d'empêcher les conséquences inflationnistes des achats d'obligations. Si la finalité économique de la stérilisation est claire, son efficacité l'est beaucoup moins. En fait, deux arguments au moins suggèrent que la stérilisation n'élimine pas l'impact inflationniste des achats d'obligations.

Premièrement, les achats d'obligations sont financés par une création de monnaie nouvelle, initialement mise à la disposition des banques, mais in fine transférée aux émetteurs mêmes des titres financiers. En effet, les préférences des banques commerciales en matière de détention d'obligations ne sont pas déterminées par les achats d'actifs financiers par l'Eurosystème. Toutes choses égales par ailleurs, la demande de l'Eurosystème vient s'ajouter à la demande existante de titres financiers, ce qui résulte en plus d'actifs émis.

La nouvelle monnaie créée, dont la liquidité bancaire accrue et stérilisée n'est que la partie visible, transite à travers toute l'économie. Elle est d'abord dépensée par les émetteurs des actifs, en l'occurrence les gouvernements de la zone euro. Ceux-ci la dépensent au titre de leurs nombreux programmes de sécurité sociale, d'éducation nationale, de santé publique, de soutien des chômeurs, etc. Les bénéficiaires des dépenses publiques disposent alors de plus de monnaie qu'autrement, qu'ils dépensent à leur tour.

Au fil des vagues de dépenses successives, les prix des biens et services augmentent, mais pas dans les mêmes proportions ni au même moment. Ceci conduit à une redistribution de revenu des derniers récipiendaires de la nouvelle monnaie vers ses premiers utilisateurs. L'inflation, et la division qu'elle provoque de la société en gagnants et perdants, est donc bien une des conséquences des achats d'obligations par l'Eurosystème.

Deuxièmement, ces effets de redistribution ne se limitent ni aux seuls utilisateurs de la nouvelle monnaie, ni aux banques qui participent au programme de l'Eurosystème. En augmentant la demande d'obligations d'États, l'Eurosystème soutient les prix de ceux-ci. C'est bien ce qui est à l'origine même des effets de redistribution déjà mentionnés. Seulement, les prix, dits de marché, des obligations sont utilisés pour l'évaluation de ces mêmes titres, ainsi que de titres qui y sont liés, dits dérivés, détenus par tous les autres agents économiques (compagnies d'assurance, fonds de pension, autres banques, etc.). Les bilans d'autres agents économiques s'en voient accrus et font alors état d'une richesse nette artificiellement gonflée par les opérations de l'Eurosystème. L'impact de ces effets de richesse sur la structure de production et de consommation de l'économie est difficile à détailler, mais il est bien réel.

En conclusion, la stérilisation par l'Eurosystème ne peut que prévenir la multiplication de la nouvelle monnaie par le système bancaire. En effet, puisque les banques modernes n'ont à détenir que des réserves fractionnaires, tout apport de liquidités nouvelles, à moins d'être stérilisée, peut conduire à une expansion multiple des crédits aux ménages et aux sociétés. Néanmoins, la stérilisation ne peut prévenir ni la création de monnaie nouvelle par l'Eurosystème, ni les effets de redistribution que celle-ci implique.

Mais si la stérilisation n'est efficace qu'au niveau de la multiplication de la monnaie par les banques commerciales, tout l'argumentaire érigé par l'Eurosystème s'effondre. En effet, le montant des opérations traditionnelles, qui ne sont pas stérilisées, est si élevé que les banques disposent d'assez de liquidités dites excédentaires (presque 700 milliards d'euros) pour entamer une expansion du crédit. De fait, et au vu des chiffres, la stérilisation des liquidités générées par les achats d'obligations est totalement sans importance, même en ce qui concerne le domaine déjà bien restreint de son efficacité limitée.

 

 

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