Pourquoi est-ce l’avènement des cryptomonnaies actuellement ? Certes, ces
devises hautement spéculatives intéressent les investisseurs
car leur rendement, depuis leur date de création, est énorme. Mais aussi et
surtout parce qu’il y a une véritable crise de confiance
dans les monnaies fiduciaires, improprement dites “de confiance”.
Qu’est-ce que la monnaie fiduciaire ?
Le mot latin fiducia signifie “confiance”, “assurance” ou “courage”.
Le dollar, qui est LA monnaie fiduciaire de notre monde moderne est donc basé
sur la confiance qu’on lui porte. La monnaie est un instrument de
paiement reconnu par les ménages, les entreprises et bien sûr
l’Etat.
En fait, toute monnaie est plus ou moins fiduciaire. Même l’or en son
temps fut subordonné au crédit qui lui était attribué. L’usage voulait que si
les autorités monétaires conféraient à une monnaie d’or un cours déconnecté
du prix du métal incorporé, on l’accusait alors d’être une monnaie fiduciaire.
A plus forte raison, la part demandée à la confiance grandit si la teneur en
or est réduite, si un métal commun est substitué au métal précieux, si la
monnaie est faite d’une matière sans valeur.
Il faut se tourner vers les Chinois pour voir apparaître les premières
monnaies fiduciaires. En l’an -140, l’empereur Wou-Ti émet des
pièces faites d’un alliage d’argent et d’étain auxquelles il assigne un cours
arbitraire : la pièce ovale vaut 300 jetons de cuivre, la pièce carrée 500 et
la pièce ronde 3000. Il imagine même des carrés de daim blanc et de soie,
marqués du sceau officiel, et leur donne cours pour 40000 pièces de cuivre.
Ces émissions ne coûtent rien au Trésor public et lui donnent de singulières
facilités. Comment ne serait-il pas tenté d’en abuser ?
De fait, la Chine en abuse, à plusieurs reprises, surtout à dater du jour
où elle sait fabriquer le papier : une belle invention, promise à un grand
avenir monétaire ! Au premier siècle de notre ère, les Chinois obtiennent
déjà de minces feuilles de pâte, d’abord avec une bouillie de déchets de
soie, puis avec les fibres du mûrier et du bambou. Ils possèdent aussi depuis
longtemps le secret des encres indélébiles, à base de noir de fumée. Ils
sauront bientôt mouler des idéogrammes dans l’argile, pour former des
caractères mobiles. Le papier, l’encre et l’imprimerie : voilà ce qui devait
détrôner l’or pendant plusieurs siècles. Les Chinois venaient d’inventer en
même temps le papier monnaie et son corollaire, l’inflation…
Voltaire avait une opinion très précise à propos de la monnaie fiduciaire
: “une monnaie papier, basée sur la seule confiance dans le gouvernement
qui l’imprime, finit toujours par retourner à sa valeur intrinsèque, c’est à
dire zéro.”
Le passé et le futur donnèrent systématiquement raison au philosophe. La
monnaie chinoise qui émerveillait tant Marco Polo ne dura qu’un temps, de
même que toutes les autres monnaies de ce type qui existèrent plus tard dans
le monde.
A l’échelle de l’histoire de la monnaie, le dollar est finalement encore jeune. Mais la confiance
n’est pas éternelle. Pourquoi en irait-il autrement d’une monnaie qui est
justement basée sur la confiance ?
Le problème de la monnaie fiduciaire est qu’elle n’a pas de valeur
intrinsèque. Elle est soutenue par la confiance que l’on peut porter
à une économie. Elle est soumise aux décisions (manipulations ?) des
gouvernements, à l’inflation. Comment constituer ses économies, son épargne avec
une monnaie dont la valeur peut se perdre en cours de route ? Surtout quand
on sait que la plupart des grands Etats sont en déficit, abyssal.
Peut-on encore faire confiance dans le dollar, l’euro, le yen et la livre
sterling ?
Depuis la fin de la convertibilité du dollar en or et l’instauration des changes
flottants (système dans lequel les devises s’ajustent entre elles)
en janvier 1976 avec les accords de la Jamaïque, les pays ont beaucoup de mal
à stabiliser le système monétaire international (source : Les-crises.fr).
Pour preuve, regardez la quantité dérisoire d’or que l’on
peut obtenir aujourd’hui avec 100$ depuis la première dévaluation du dollar
en 1934 :
Depuis que la monnaie n’est plus corrélée à l’or, elle est surtout
scripturale (électronique) et créée par les banques privées via
l’émission de crédits. Cette création “ex nihilo” qui ne repose que
sur des promesses de remboursement a pour effet de dévaluer la masse
monétaire grandissante.
Rendre la monnaie au peuple
De peur que leur monnaie leur échappe, les citoyens se tournent de plus en
plus vers de nouvelles monnaies.
Il y a plusieurs nouveaux “modèles monétaires” : ceux qui
complètent les devises existantes (qui ne remplissent plus leur rôle, ne
profitent pas à l’économie réelle et ne conservent pas la valeur), ceux qui
échappent à l’entremise des banques privées et enfin ceux qui tentent de se
relier à l’or d’une façon ou d’une autre, pour offrir une monnaie stable.
Les cryptomonnaies et les monnaies locales
sont les nouvelles monnaies démocratiques. Les monnaies locales peuvent être
créées à l’initiative de n’importe qui, à condition d’avoir un bon noyau
fondateur et un bon projet. L’A.I.S.E.S. a d’ailleurs publié un excellent guide pour la mise en oeuvre d’une monnaie locale
complémentaire.
Les monnaies open source vont encore plus loin dans le
processus démocratique. Grâce au système blockchain,
tout individu peut créer sa propre monnaie cryptographique. Ce qui est
révolutionnaire depuis la création du bitcoin en 2008, c’est que n’importe
qui peut créer une monnaie sans passer par une banque, sans gestion
centralisée. Les utilisateurs du réseau effectuent des transactions
regroupées par blocs (qui constituent au fur et à mesure une chaîne) qu’ils
valident démocratiquement via leurs ordinateurs.
Encore plus intéressantes, les initiatives qui tentent de remonétiser l’or
par des moyens technologiques modernes. On peut parler de VeraCash,
une monnaie d’échange adossée à l’or physique, ou du RMG, la première monnaie
électronique de la British Royal Mint adossée au métal jaune.