Voilà, le baccalauréat 2015 est fini. Cette année comme les années précédentes ne nous aura pas été épargné le florilège de petites bêtises des uns et des autres et quelques unes des perles les plus gratinées. Inévitablement, comme les années précédentes, une ou deux polémiques sur la difficulté des questions auront éclaté. À ce sujet, plusieurs tendances se dégagent nettement.
La première tendance avait été observée les années précédentes : avec la montée des réseaux sociaux, les adolescents ou jeunes adultes — disons adulescents pour faire court et assez représentatif — se ruent sur Twitter ou Facebook pour exprimer leur façon de penser. Et lorsqu’il s’agit de résumer en quelques mots leurs impressions après un examen, ces réseaux permettent de ventiler la frustration que certains ressentent à n’avoir pu exprimer dans le temps imparti, toujours trop court, toute la palette de savoirs qu’ils avaient à leur disposition. On les comprend : quoi de plus éreintant intellectuellement que de savoir 1000 choses et de n’en pouvoir exprimer que 100 sur d’étroites copies et de courts essais ?
Si l’on ajoute, en surcroît, des sujets palpitants et des questions excitantes d’opportunités, on comprend que certains élèves expriment sur les réseaux sociaux un désappointement particulièrement vif. Prenez la philosophie : Tocqueville, Cicéron ou Spinoza ont occasionné cette année quelques pages et des douzaines d’arguments bien sentis pour exprimer des réflexions philosophiques profondes. On ne s’étonnera donc pas de trouver une myriade d’apostrophes fines et cocasses sur Twitter.
Plus tard, lorsqu’il s’est agi de disserter en Français sur du Flaubert (« Madame Bovary », en l’occurrence), nos espiègles candidats-bacheliers s’en sont donné à cœur-joie et ont redoublé de ce petit humour potache montrant à la fois leur attachement à une langue française ciselée qu’à ce diplôme si difficile à avoir. Pas de doute : les épreuves leur ont permis de rechercher en eux-mêmes ces ressources cachées, cette volonté de perfection et cet amour du travail bien fait qu’on cultive maintenant dans toutes les strates de la société française :
Quant à Baudelaire, il n’a rien perdu pour attendre et s’il n’était déjà mort, il aurait probablement dû faire un passage par les urgences.
Aujourd'hui #BacFrancais vu comment #tocqueville a pris à la sortie de la philo, je n'aimerais pas être l'anus de Baudelaire à 12h #Bac2015
— Siamer Karina (@karinasiamer) June 19, 2015
L’autre tendance maintenant évidente et plus récente encore que ce carpet-bombing orthographico-grammatical sur Twitter, c’est la volonté d’en découdre avec les sujets eux-mêmes.
Pour nos petits chatons de terminale, le monde est subtilement vicieux de leur avoir ainsi fait croire qu’il y avait une distribution du diplôme en fin d’étude et que le seul fait de s’être levé tous les matins pour faire acte (souvent héroïque) de présence suffisait pour obtenir le précieux sésame vers les bancs de la fac où, mollement échoués, ils comptent sans doute étudier avec la même assiduité l’une ou l’autre matière amusante que la providence ou l’inattention aura placée là. Malencontreusement, le plan initial ne se déroule pas comme prévu et les sujets proposés montrent d’étonnante difficultés. On ne les avait pas prévenus : tout n’est pas simple dans la vie.
C’est là que les nouvelles technologies entre en jeu. Puissance des intertubes, magie des réseaux sociaux, force des Lolcats lorsqu’ils s’y mettent à plusieurs, l’élève de terminale, bousculé par tant d’injustice, va se jeter sur Change et Avaaz, sites de recueil de pétitions diverses, et faire parler la poudre numérique en essayant de rameuter un maximum de ses congénères. Les yeux encore embués de larmes de colère et de tristesse, le voilà qui écrit de poignants appels à l’aide, dans ses mots à lui, avec sa petite orthographe toute mimi d’adulescent pas fini, avec sa grammaire et sa ponctuation approximative apprise sur Twitter.
C’est assez croquignolet, et la multiplication de ce genre d’initiatives montre assez bien le côté délicieusement grégaire de ces rebelles de terminale. Les voilà en lutte contre les méchantes mathématiques qui étaient trop longues ou trop compleskes, et dont le barème doit absolument être revu pour – je cite – « assurer la réussite des candidats » (celle-ci étant apparemment contractuelle).
On les retrouve (pas les mêmes, mais presque), toujours avec cette même orthographe hésitante d’un CM2 mal assuré, appelant à – je cite encore – « un soulèvement général de tous les sti2d de France pour plus de tolérance à l’égard de » leur barème, lui aussi trop bousculant.
On les identifiera aussi sans mal derrière une autre pétition, sobrement intitulée « Le Carnage » qui, en quelques phrases au lyrisme assez mal maîtrisé (mais rigolote, rendons-lui ça), réclame – je cite toujours – « un ajustement du barème de l’épreuve de physique chimie ».
On pourra enfin mesurer leur audience avec la maintenant célèbre Pétition Contre La Question M, qui a été reprise un peu partout dans les médias, mi-consternés, mi-goguenards devant l’aplomb phénoménal dont font preuve les vibrants têtards de terminale, absolument incapables d’aligner trois mots d’anglais malgré un temps considérable à ingurgiter des séries américaines ou anglaise et mater Youporn en V.O. Il n’était pas prévu que le vocabulaire anglais puisse aussi être choisi dans la littérature et pas sur une jaquette de jeux vidéos…
Méchant barème, méchante notation, vilaine épreuve, affreux bac !
Ces deux tendances, marquées, provoquent cependant deux problèmes.
D’une part, les petits couinements pathétiques de quelques élèves un peu trop impressionnables démontrent, année après année, l’effondrement du niveau du bac et de celui des exigences pour l’obtenir, tant du côté des élèves que du côté de l’institution qui continue de se battre pour la chimère débile et délétère des 80% et plus de diplômés en fin de cycle. Moyennant quoi, il n’est plus rare de trouver des bacheliers sachant à peine lire et écrire, à tel point que les universités ont, depuis quelques années, organisé des sessions de rattrapage lecture et orthographe pour amener enfin leurs étudiants à un niveau jadis normal d’élèves de 6ème (et non, ce n’est pas une exagération, malheureusement).
D’autre part, dégainer de la pétition et poster ses atermoiements sur Twitter à la moindre contrariété, en plus d’agacer assez prodigieusement les aînés des générations précédentes qui ont eu, eux, un tantinet plus de challenge à passer le fameux cap, cela dénote à la fois d’une incapacité problématique à encaisser l’échec ou la difficulté (ce n’est pas exactement ce qu’on voudrait retenir d’eux, je pense) et cela médiatise très inutilement leur propre médiocrité. Il y a quelques années, là où quelques personnes – au plus – pouffaient de messages rebelles truffés de fautes rapidement graphés sur un mur blanc, de nos jours, avec un tweet idiot, tout le monde peut mesurer l’inculture et le niveau abyssal de certains de nos rejetons.
Pire : les tweets et les pétitions étant sur internet, le reste de la planète peut même s’en payer une tranche à bon compte, ce que n’ont pas manqué nos voisins d’Outre-Manche, jamais en retard d’une bonne rigolade à nos dépens. Dit autrement : oui, chers enfants, avec vos stupides pétitions de semi-habiles, vous passez pour des bouffons. Sur le plan marketing, est-ce bien pensé ? Est-ce très malin de montrer à tout le monde que votre diplôme ne vaut pas un cachou ? Est-ce vraiment finaud d’afficher ainsi à tous vos futurs employeurs potentiels la médiocrité dans laquelle vous vous vautrez avec un plaisir évident ?
Et le pire dans tout ça est que cela diminue d’autant la valeur des efforts de ceux qui auront, justement, obtenu le diplôme. Ces jérémiades ridicules rejaillissent négativement sur toute la génération concernée, alors qu’elle n’avait vraiment pas besoin de ça, partant avec le handicap violent d’une méthode de lecture catastrophique, d’exigences en matière d’orthographe, de calcul, de raisonnement, de culture générale si basses que quasiment, tout reste à faire même après plusieurs années d’études supérieures.
Il y a décidément quelque chose d’inquiétant à voir une petite frange de notre jeunesse se bercer à ce point d’illusions, imaginer un diplôme dû et le brailler si fort que, comble de misère, les autorités finissent par les croire, quitte à entraîner tout le monde par le fond. Ayant perdu toute échelle des efforts à fournir, tout repère dans les actions à mener et celles tactiquement désastreuses, n’ayant jamais été habitués à encaisser l’échec et s’en servir pour apprendre, cette belle tranche de population laisse présager du meilleur.
Continuez ainsi, mes amis. De toute façon, le pays est foutu.
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