On le sait,
Barack Obama n’a pas eu une politique particulièrement favorable
aux hauts revenus. Durant son premier mandat, il aura ainsi tenté de
rehausser les impôts des plus aisés, rencontrant une certaine opposition
des Républicains sur ce thème…
Cet
été, il a adressé une nouvelle pique aux
Américains les plus fortunés en leur rappelant
qu’ils devaient leur succès aux infrastructures
gouvernementales, telles que l’éducation, les routes et les
ponts.
Doit-on
s’étonner que ces infrastructures, partiellement ou totalement
monopolistiques, produisent quelque résultat au regard du coût
qu’elles engendrent ? Des entreprises privées,
gestionnaires desdites infrastructures, auraient-elles été
nécessairement moins efficaces ? C’est
l’éternel débat qui agite la science économique.
Nous y reviendrons à la fin de l’article.
Par ailleurs,
Obama, dans la droite lignée d’Al
Gore, ajoutait ceci : « Internet ne s’est pas
inventé tout seul. La recherche publique a créé
Internet, pour que toutes les entreprises puissent gagner de l’argent
grâce à lui. ». Cette phrase a fait office de
« bombe médiatique » mais elle n’a fait
que populariser un débat lancinant, qui existe depuis plusieurs
années : le gouvernement a-t-il significativement permis
l’essor d’Internet ?
La
réponse qu’on peut y apporter est extrêmement
nuancée. Il est vrai que le Département de la Défense
américain a cherché à s’appuyer sur un
réseau sécurisé et, à ce
titre, a entrepris des recherches en la matière. L’ARPANET,
à savoir un réseau à transfert de paquets, y a
été développé à la fin des années
1960. La Guerre froide avait démultiplié ces besoins. Le
gouvernement américain a donc probablement donné une impulsion
à ce projet.
Néanmoins,
comme le rappelle l’ancien éditeur du Wall Street
Journal, Gordon Crovitz, le secteur public a surtout
suscité l’émergence des protocoles TCP/IP qui ont ensuite
assez rapidement périclité. Ces réseaux-ci sont sans
aucun rapport avec l’Internet que nous connaissons aujourd’hui. Crovitz attribue l’essentiel du mérite de la
création de l’Internet à l’entreprise Xerox qui a
accouché du standard Ethernet.
Pour
Crovitz, le gouvernement n’a eu aucun apport
significatif dans l’apparition d’Internet. Pire encore, les
bureaucrates auraient même « enquiquiné »
les chercheurs au point de retarder les avancées en la matière.
Quant
à l’ARPANET, ce ne serait pas un authentique Internet si on
croit Robert Taylor, un des responsables dudit projet (même si, de
l’autre côté, il émet des doutes quant à la
capacité des firmes à innover dans ce secteur).
La
thèse de Crovitz a été attaquée de toutes parts. Peut-être
assénait-il quelque chose de dérangeant. Ou peut-être
aussi que certains chercheurs craignaient de ne plus obtenir de subventions
publiques s’ils suivaient la thèse
« explosive » de Crovitz…
D’autres
auteurs l’ont néanmoins défendu. C’est notamment le
cas de Harry
McCracken, envoyé spécial de TIME.
McCracken estime que l’impulsion
gouvernementale n’aurait pas empêché les personnes
privées de se substituer aux pouvoirs publics si ces derniers
n’avaient pas été à l’origine de la
création d’Internet. Il rappelle que, surtout dans le domaine
informatique, ce sont des sociétés privées qui sont
à l’origine des grandes innovations. Et, en effet, ce point est
difficilement sujet à débat.
Enfin, plus
globalement, nous tirerons profit de la lecture d’un récent article
de Gabriel Gimenez-Roche consacré au
problème du calcul économique. L’auteur rappelle, en
effet, que la recherche du profit est un élément
déterminant pour la réalisation d’un projet
économiquement rentable.
Or, il est
rare que les pouvoirs publics mènent à bien ce type de projets.
En effet, les hommes de l’État ne sont pas directement
intéressés par la bonne gestion budgétaire puisque ce
n’est pas leur argent mais celui des contribuables qui est en jeu.
Il est donc
peu probable que les institutions publiques eussent pu mener le projet
« Internet » du début à la fin en le
rendant rapidement rentable.
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