Au cours de ces quinze
derniers mois, du premier août 2014 au 27 novembre 2015, les réserves
internationales, telles qu’elles sont calculées par Bloomberg, ont chuté de
trois quarts de trillion de dollars (752 milliards de dollars), ou de 6,52%.
Elles ont atteint un record de 12,032 trillions de dollars le premier août
2014, et n’ont plus cessé de chuter depuis, jusqu’à atteindre 11,28 trillions
de dollars le 27 novembre 2015.
Les banques centrales
accumulent des réserves en achetant des obligations gouvernementales –
libellées en dollars, en euros, en livres ou en yens – lorsqu’elles
obtiennent de ces devises en conséquence d’un surplus des exportations sur
les importations. Tous les pays du monde cherchent à enregistrer de tels
surplus, parce que s’ils ne sont pas capables d’exporter plus qu’ils
n’importent, ils sont condamnés à dévaluer leur devise afin de rendre leurs
exportations plus intéressantes. Ils souffrent également d’un taux d’intérêt
plus élevé sur leurs emprunts, en conséquence de la menace de dévaluation.
Une hausse des taux d’intérêt exacerbe à son tour les flux sortants de
devises de réserve et rend la dévaluation d’autant plus nécessaire.
Le fait est que les pays qui
accumulent des réserves n’ont pas payé pour l’intégralité de leurs surplus
d’exportations. Conserver des réserves, c’est octroyer un crédit. La preuve
en est que les réserves détenues par les pays exportateurs sont des
obligations, c’est-à-dire des certificats d’endettement. Le 27 novembre 2015,
ces certificats d’endettement représentaient 11.280.000.000.000 dollars –
11,28 trillions de dollars. Ce chiffre représente ce que les exportateurs du
monde ont vendu aux pays qui ont émis des devises de réserve, et qui n’a pas
été payé depuis le 15 août 1971.
A l’heure actuelle, le système
qui est en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale opère à
l’envers. Les réserves diminuent, et une majorité de ces réserves sont
libellées en dollars. Les obligations gouvernementales accumulées en réserve
sont vendues. Dans le monde du commerce, une importante contraction a lieu
aujourd’hui.
Les pays exportateurs
n’obtiennent pas d’excès de financements (issus de leurs exportations
supérieures à leurs importations) avec lesquels acheter des obligations. Au
contraire, une fuite de capital à lieu depuis les pays exportateurs vers les
pays émetteurs de devises de réserve, et les banques centrales des pays
exportateurs vendent leurs réserves pour contribuer à cette fuite de capital.
Puisque 6,52% des réserves
totales ont été vendues sur le marché, nous pourrions nous attendre à ce que
la valeur des obligations ait baissé, et que leurs taux d’intérêt aient
grimpé. Si les taux d’intérêt n’ont pas augmenté, ce doit être en raison de
la générosité des acheteurs de ces obligations. Peut-être les entités qui
font preuve d’une telle générosité sont-elles les mêmes que celles qui
achètent ces obligations les premières, dont la Réserve fédérale ?
La Fed et la BCE ont eu la
possibilité confortable de faire baisser les taux d’intérêt et grimper la
valeur des obligations qu’elles vendent. Lorsque les taux des obligations de
long terme passent de 4 à 2%, la valeur de ces obligations tend à doubler.
Mais lorsque ce taux passe de 2 à 2,25%, la valeur des obligations s’effondre
brutalement. La Fed et la BCE doivent racheter les obligations vendues en cas
de crise de la liquidité, sans quoi l’univers des obligations s’effondrerait.
Le yuan chinois a récemment
été accepté par le FMI dans le cadre d’un panier de devises, et il devrait
bientôt se voir accordé le statut de réserve de devise. Si cela venait à se
produire, la Chine disposerait de sa propre devise de réserve, et aurait
besoin de maintenir bien moins d’obligations en dollars et en euros dans ses
réserves. La vente d’obligations internationales deviendrait plus importante
encore. La Fed et la BCE ont vendu des obligations à des prix plus élevés que
jamais et à des taux très bas, si bas qu’en Europe, elles ont un rendement
négatif. Elles devront bientôt développer un appétit pour les obligations,
parce que la Chine revendra une partie des siennes une fois que le yuan sera
devenu une devise de réserve. Et à mesure que la Chine liquidera une partie
de ses réserves, devinez ce que la Chine achètera avec les dollars et les
euros qu’elle recevra en échange de ses obligations ?
Une majorité des réserves
internationales est libellée en dollars, comme je l’ai déjà expliqué. Lorsque
ces obligations en dollar seront vendues, elles seront vendues contre des
dollars pour satisfaire la fuite de capital, et l’achat de dollars en fera
grimper la valeur. En seulement quelques années, depuis environ 71 contre un
panier de devises, le dollar est passé à 100 aujourd’hui, ce qui a augmenté
de 41% le fardeau porté par les débiteurs (les pays exportateurs) qui doivent
des dollars. Ce poids ne fait qu’exacerber le besoin de se débarrasser de la
dette en dollar et stimule la fuite de capital.
Ce dont nous sommes témoins
aujourd’hui est la contraction de l’activité économique autour du monde, qui
ne fait que se renforcer. Les réserves internationales sont vendues dans une
tentative désespérée d’obtenir de la liquidité. La contraction a
originellement été générée par le ralentissement des économies émettrices de
devises de réserve : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Europe et le
Japon.
Il est évident que la Chine
ait des projets dont elle ne nous fasse pas part, puisque nous pouvons
évidemment voir qu’elle achète des quantités importantes d’or. Les Etats-Unis
continuent dans le même temps d’en faire baisser le prix, comme si le dollar
pouvait demeurer la devise suprême jusqu’à la fin des temps.
Les Chinois continuent
d’accumuler de l’or sans rien dire. Mais nous pouvons deviner ce qu’ils
pensent : « Les Etats-Unis sont embourbés dans un problème qui leur
sera fatal. Ne les provoquons pas. Ils se détruiront eux-mêmes ».
Un monde qui souffre de problèmes
économiques accrus n’est pas un monde qui sera dans la position de continuer
de respecter les traités de régulation commerciale, et encore moins les rêves
que sont des actions coordonnées face aux changements climatiques.
Ce qui nous attend est une situation
où chaque pays prendra des mesures désespérées pour s’assurer un minimum de
stabilité interne. Les traités seront ignorés ou jetés par les fenêtres. Les
dévaluations prolifèreront tout autour du monde et certains pays se
déclareront en banqueroute. Le sérieux de la crise rendra ces évènements
inévitables. L’Inde vient tout juste de refuser de se plier aux demandes de
l’Organisation mondiale du commerce, qui voudrait que les gouvernements
n’accordent pas de subventions aux secteurs de leur économie. Mais l’Inde n’a
pas d’autre choix que de subventionner son agriculture, parce qu’elle a une
population d’un milliard d’habitants et que 67% de ses habitants dépendent de
la disponibilité de produits alimentaires peu chers pour pouvoir survivre.
Les règles internationales étatiques qui émanent pour la plupart des
Etats-Unis et visent à diriger le monde finiront par être abandonnées.
Et lorsque la situation
deviendra désespérée, la Chine, avec sa population d’1,3 milliard
d’habitants, prendra des mesures peu orthodoxes. La pression démographique
poussera le gouvernement chinois à cesser d’adhérer aux conventions
internationales. Il fera de son mieux pour donner de l’espoir à sa
population, composée principalement d’hommes et de femmes intelligents.
La Chine annoncera ensuite au
monde : « Nous vendrons peu cher. Très peu cher, pour très peu
d’or. Et nous paierons ce que nous achèterons en or, très peu d’or, mais de
l’or. Si vous voulez nous acheter quoi que ce soit, vous devrez payer en or.
Qu’auriez-vous d’autre à nous offrir ? Si vous avez quelque chose que
nous voulons, nous paierons en or. Que le reste du monde fasse ce qui lui
chante. »
Les nations du monde plieront
sous la crise qui s’abat sur nous. La Chine sortira de cette crise en
établissant ses propres règles. Ces règles, ce sera l’or. Le reste du monde
ne pourra que suivre.