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Qu'est-ce que la justice? Y en
a-t-il une seule? S'il y en a plus qu'une, sont-elles compatibles? Si les
diverses conceptions de la justice sont conciliables, alors il n'y en a
qu'une, du moins il n'y en a qu'une qui soit universelle. Sans la justice,
l'homme est assujetti au plus fort, voire menacé d'extinction. Elle
est nécessaire à son épanouissement.
L'universalité de la justice
Les hommes se battent pour la
justice, mais si ce combat est physique plutôt qu'intellectuel comment
être sûr qu'elle règne? Une justice imposée
s'apparente davantage à l'oppression qu'à la raison. La
coercition peut être admise dans le cadre d'une sanction pénale,
c'est-à-dire comme réponse à l'injustice, mais elle ne
saurait constituer un objectif. Dire que la coercition ou l'agression est un
but, c'est prétendre que l'injustice est l'état naturel et
permanent de l'homme. Or cela n'a aucun fondement scientifique.
La justice
découle autant de la raison que de la morale, car elle est à la
fois intérêt et devoir. Elle est universelle dans la mesure
où elle s'en tient à la non-agression, c'est-à-dire
qu'elle répond à l'intérêt de chacun. Par
là, elle reconnaît d'emblée une égalité
entre les hommes, si ce n'est qu'en tant qu'ils sont d'une même
espèce. Elle est à la base de toute morale, mais n'en constitue
pas la totalité. Toute morale commence par la justice, mais aucune,
sauf l'éthique libérale, ne s'en tient à cette
prescription.
Lorsqu'on parle de
morale ou d'éthique, on renvoie à des normes de conduite, des
vertus. Imposer sa conception des vertus au détriment de la justice,
c'est trahir à la fois celles-ci et celle-là. Compassion,
charité, courage, générosité, et cetera,
ne s'imposent qu'à soi-même, jamais à autrui. La justice
aussi ne s'impose qu'à soi-même, mais son caractère
intellectuel lui confère une universalité qu'on ne peut
attribuer aux autres vertus.
L'homme est
doué de raison et agit d'après elle. Il reconnaît en
autrui la même faculté, par conséquent une liberté
d'agir qu'il respecte tant qu'il perçoit une
réciprocité. Ce n'est pas une garantie, car il est d'abord un
être de désir. Néanmoins, c'est dans son
intérêt.
Politique et justice
La justice est d'essence morale. La
politiser n'amène rien de plus. Au contraire, c'est en assurer la
perversion. En effet, il est impossible à l'État de rendre
justice selon le principe de non-agression, car il doit nécessairement
nous soutirer des impôts pour la rendre. Les tenants d'un État
minimal prétendent qu'il s'agit d'une « coercition
raisonnable », mais cette justification ouvre la porte aux
étatistes de tout acabit qui considèrent qu'il est aussi
légitime de l'utiliser à d'autres fins.
L'utilitarisme, soit la
prétention d'exercer pareille coercition ou de troquer un
« petit mal » pour un « grand
bien », est aujourd'hui considéré « morale
d'État ». Pour le libéral cependant, troquer un
« petit mal » pour un « grand
bien » n'est acceptable qu'à la condition qu'il s'agisse
d'une décision qui ne concerne que l'homme qui la prend, ou ses
représentants directs (parent, tuteur, etc.). Par contre, ce troc est
inacceptable lorsque établi par l'entremise de la taxation et de
l'imposition, car alors il s'agit de choix imposés à une partie
de la population, voire à la majorité.
D'une «
agression raisonnable », il ne peut advenir qu'une « justice
approximative ». Aujourd'hui, les tenants de l'étatisme
(démocrates, utilitaristes, socialistes, environnementalistes, etc.)
ne se préoccupent plus tant de savoir s'ils corrigent une injustice
que d'améliorer des situations particulières au moyen de la
coercition. La justice est déviée, le vol et la fraude
banalisés. On s'est endormi sur le lit de l'idéologie. Il
n'existe pas de « morale d'État », car
l'État n'est que coercition.
L'État n'est
pas conçu pour servir, même pas la justice. Les services rendus
par les fonctionnaires de l'État, à l'instar des salaires
qu'ils reçoivent, sont établis par la taxation et l'imposition
plutôt que par des prix déterminés librement. Par
conséquent, une allocation adéquate des ressources est
impossible. Le gouvernement est appelé à taxer davantage ou
à réduire ses services. Pendant ce temps, l'innovation est
réduite. Il s'agit d'un cercle vicieux.
Seule une plus grande
liberté peut venir à bout de ces problèmes. Trop de gens
pensent que l'échange volontaire ne saurait satisfaire les besoins de
chacun, mais c'est cet échange qui permet à l'homme de se
nourrir, se vêtir, se loger, s'enrichir et de faire vivre le gouvernement,
ceux qui y travaillent et en bénéficient.
Pour le
libéral, la justice est possible sans le politique. La justice se
fonde au carrefour de la raison et de la morale. Elle est dans
l'intérêt de l'homme et en ce sens nécessaire. La justice
s'en tient à la non-agression, tandis que la morale commence par elle.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
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