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« Le premier objectif d'une
politique monétaire doit être d'empêcher les gouvernements
de créer et l'inflation et les conditions qui encouragent les banques
à accroître le crédit. »
– Ludwig von
Mises
Les réserves
fractionnaires sous l'égide de l'étalon-or constituent un
système de prêt qui permet aux banques d'émettre plus de
reçus qu'il n'existe d'or en réserve. Ce système
émet donc des promesses de payer, c'est-à-dire des dettes
légales pour les banques, qui ne peuvent être remboursées
sur demande. Mises qualifiait ces reçus de « monnaie
de crédit » ou de « monnaie fiduciaire
».
Un reçu qui
vaut de l'or!
Dans un monde où les reçus légitimes (certificats) sont
identiques aux reçus illégitimes (monnaie fiduciaire), une
banque émettrice fait face à une opportunité et une
menace. L'opportunité est de recevoir quelque chose pour rien, soit un
paiement d'intérêt en échange d'une fausse réclamation
de monnaie métallique. La menace est que le crime soit
dévoilé et que les épargnants courent à leur
banque pour y retirer leur or.
Les banques ont souvent été prises en flagrant délit
d'avoir émis plus de dettes qu'elles ont d'actifs. Cependant, dans
notre monde merveilleux l'État légifère soit pour
empêcher les foules de se précipiter à leurs banques afin
d'y retirer leur propriété, soit pour sauvegarder les banques
frauduleuses afin d'éviter que la panique s'étende.
Depuis la création de la Banque d'Angleterre, en 1694, les politiques
gouvernementales ont pour objectif de soutirer l'or de leurs
propriétaires pour le transférer au cartel bancaire. Cette
pratique a été répétée décennie
après décennie. D'abord, l'or est échangé contre
des reçus, ensuite, plus de reçus sont émis qu'il n'y a
d'or en réserve. Lorsque les individus se précipitent à
leurs banques pour y retirer leur fric, la plupart du temps à
l'approche d'une guerre, le gouvernement légifère pour
permettre aux banques de ne pas avoir à remettre l'or à leurs
propriétaires.
La monnaie de crédit trouve son origine dans la suspension de la
convertibilité en or de tous les substituts, bien qu'il s'agisse plus
souvent de certificats et de billets bancaires. Cette suspension transforme
les promesses de payer immédiates en promesses de payer à une
date ultérieure. Bien qu'inacceptable cela n'est rien comparé
au décret qui empêche à jamais les gens de
récupérer leur argent, car cela ne constitue pas qu'une autre
promesse non tenue des politiciens, mais un bris de contrat, un vol. Cette
violation de propriété reste impunie, car elle est commise par
le gouvernement.
En plus d'avoir brisé leur contrat les gouvernements ont gardé
les biens volés à la maison mère du cartel, soit
à la banque centrale. La plupart des gouvernements du monde ont agi
ainsi. Ces événements se sont généralement
déroulés au début de la première guerre mondiale.
Les États-Unis ont pris plus de temps. En 1933, le président
Franklin Roosevelt a littéralement confisqué tout l'or
disponible servant de monnaie qui n'était pas dans les banques. Le 31
janvier 1934 Roosevelt décrétait le prix de l'or à 35$.
En 1971, le président Richard Nixon éliminait l'or comme
ancrage de la monnaie et demandait aux étrangers d'accorder leur confiance
au dollar américain comme réserve mondiale.
Les divers gouvernements du monde et leurs banques centrales ont donc
démonétisé l'or en le retirant progressivement de
l'économie. Il s'agit rien de moins que de la plus grande fraude financière
de l'histoire humaine. Tout a été fait de manière
officielle. Tous les systèmes monétaires basés sur une
monnaie métallique et gérés par les gouvernements ont
subi le même sort.
Lorsque les détenteurs de réclamations d'or pouvaient poursuivre
les banques qui refusaient d'honorer leurs contrats, le système
d'étalon-or limitait les tendances inflationnistes des banques
à réserves fractionnaires. Après la Grande Guerre,
banques commerciales et banques centrales en collusion avec les gouvernements
nationaux ont détruit ce système. Les banques centrales ont
gardé l'or en échange de la survie des banques
frauduleuses.
Le système monétaire basé sur l'étalon-or a
d'abord été nationalisé puis aboli. Les banques
centrales peuvent dévaluer ainsi plus facilement la dette
gouvernementale en imprimant constamment des billets. Cette inflation se fait
sur le dos de tous les payeurs de taxes, mais particulièrement aux
frais des investisseurs d'obligations gouvernementales. Voilà
l'évolution de la banque centrale de 1694 à nos jours.
La seule différence, mais elle est de taille, entre le système
des réserves fractionnaires ancré sur l'étalon-or et le
même système sans contrepartie métallique est que ce
dernier n'a aucune contrainte de profit et de production. Il faut se rappeler
que plus l'offre de monnaie est grande plus il y a inflation, redistribution
de richesse et cycles économiques prononcés. La monnaie n'est
en effet ni un bien de consommation ni un bien de production.
Une des raisons principales qui expliquent que les gens ne questionnent pas
trop ce système est qu'ils ont été leurrés par un
avantage que leur octroient les banques. Dans un système où les
réserves sont pleines et entières, pour qu'un individu puisse
emprunter, un épargnant doit d'abord sacrifier l'usage qu'il pourrait
faire de son argent durant une période quelconque. C'est comme si on
généralisait les dépôts à terme. S'il n'y a
pas de déposant, il ne peut y avoir d'emprunteur. Au contraire, dans
un système à réserves fractionnaires l'épargnant
n'a rien à sacrifier puisqu'il peut retirer son argent en tout temps.
Si les banques vous offrent cette possibilité ce n'est pas parce
qu'elles sont généreuses, mais parce qu'elles prêtent
plus de réclamations qu'elles ont de monnaie en dépôt.
Cependant, ne les blâmez pas, ce sont les gouvernements qui ont
légalisé et amplifié la procédure.
Les tenants des réserves fractionnaires dénoncent
l'étalon-or à cause de l'impossibilité d'accroître
le crédit à volonté. Au contraire, pour les tenants de
l'étalon-or, cette raison n'est pas un vice mais une vertu du
système. Dans l'un comme dans l'autre système les banques
peuvent continuer à jouer leur rôle d'intermédiaire entre
prêteurs et emprunteurs. Cependant, seul le second évite la
redistribution massive de richesse et les cycles économiques.
Cycles économiques?
Un cycle économique réfère à un intervalle de
temps pendant lequel une séquence d'événements,
récurrents et successifs, est complétée. On parle
généralement de périodes d'expansion et de contraction
économiques. La plupart des gens y compris les économistes
considèrent que les récessions et ce qui les
caractérisent (hausse du chômage, des faillites, etc.) sont dues
au mauvais fonctionnement du marché. Ils se trompent.
Lorsqu'on parle de récession on évoque une mauvaise allocation
des ressources. Dans une économie libre, l'allocation des ressources
varie selon nos préférences. Préférez-vous consommer
aujourd'hui ou plus tard? Préférez-vous des biens
présents ou des biens futurs? Autrement dit, désirez-vous
consommer ou investir dans des biens de production? Les choix que vous faites
correspondent à vos préférences temporelles et celles-ci
forment la base du taux d'intérêt. Par conséquent, le
taux d'intérêt ne peut être confiné à des
questions d'ordre monétaire.
Le taux
d'intérêt est indissociable à la théorie
monétaire sans en être l'apanage. Puisque les
préférences forment la base du taux d'intérêt
– Mises parle de taux d'intérêt originaire –
celui-ci est donc fondamentalement le résultat d'appréciations
subjectives et par conséquent ne peut être mesuré
objectivement. Dire que les manitous des banques centrales réduisent
ou augmentent le taux d'intérêt est donc absurde. En manipulant
le taux d'intérêt officiel (qui se répercute sur les taux
du marché), ils essaient d'influencer vos choix, vos
préférences. Tous ce qu'ils réussissent à
produire, ce sont de mauvais investissements en particulier et un plus grand
endettement en général. À l'instar de leur
contrôle sur la production de monnaie leurs manipulations du taux
d'intérêt engendrent également une redistribution des
richesses dont ils ne peuvent prédire qui en seront les
bénéficiaires.
L'homme agit au présent et préfère
généralement consommer maintenant que de reporter sa
consommation à plus tard. Il s'abstient aujourd'hui dans l'espoir d'obtenir
des biens futurs de plus grande valeur. Il escompte ainsi non seulement
l'argent mais tous les biens à venir. On parle d'un escompte ou d'un
taux d'intérêt « objectif » lorsqu'on
réfère au marché, car il varie de moins en moins lorsque
tous les vendeurs et tous les acheteurs en arrivent à une entente.
Néanmoins, il y a toujours une gamme de taux d'intérêt,
car on doit y ajouter les composantes risque et inflation qui varient selon
le projet et la production de monnaie.
Dans un système à réserves pleines et entières il
est pratiquement impossible de manipuler le taux d'intérêt, car
la quantité d'argent est presque fixe. Ainsi, le banquier doit
chercher à faire correspondre crédit et dette (prêteur et
emprunteur) à la fois en terme de magnitude et de durée. Au
contraire, dans un système à réserves fractionnaires
où l'argent coule à flots il est facile de manipuler le taux
d'intérêt pour influencer les gens.
Ainsi, les gens qui ont une forte propension à consommer escomptent
beaucoup l'avenir et par conséquent ont un « taux originaire
» élevé. Au contraire, ceux qui épargnent
beaucoup escomptent peu l'avenir, c'est-à-dire qu'ils
préfèrent retarder leur consommation.
Voilà qu'arrive l'homme de l'État, le maître
manipulateur. Il baisse le taux directeur, soit le taux
d'intérêt décrété par la banque centrale,
car il veut que vous dépensiez pour « relancer »
l'économie qu'il croit contrôler. Il ne se préoccupe pas
de savoir si vous allez consommer ou investir: pourvu que le PIB monte,
à ses yeux, c'est bon signe.
À ce taux réduit, le coût du crédit diminue, et
plusieurs investisseurs se disent qu'il sera rentable d'investir dans de
nouveaux projets qui répondront à une consommation future
accrue. Ils achètent des biens de production qui subissent une
pression à la hausse de leurs prix; du moins, ces investissements
augmentent la valeur marchande des entreprises qui fabriquent ces biens. Les
manufacturiers sont alors en pleine croissance. Celle-ci sera toutefois de
courte durée car la production est due, du moins en partie, à
une perception faussée des entrepreneurs qui aurait été
différente sans l'intervention de la banque centrale sur le taux
d'intérêt. Dans un marché libre, des taux
d'intérêt plus bas signifient qu'il existe au sein de la
population une propension plus grande à épargner et à
reporter à plus tard leur consommation de certains biens. Mais lorsque
les taux sont artificiellement réduits, cette information est
erronée
Les travailleurs des secteurs ayant profité des investissements se
sont enrichis et consomment maintenant davantage, ce qui a pour effet de
hausser les prix des biens de consommation en demande. Lorsque les banques
ont baissé le taux d'emprunt certains n'ont pas envisagé
investir, mais plutôt consommer davantage à crédit. Ces
actions combinées aux autres haussent les prix des biens de
consommation, y compris les maisons. Or, cette consommation accrue plus
tôt que prévue par les producteurs dérange leurs plans.
Ainsi, plusieurs des projets demeurent inachevés. L'équipement
laissé en plan devra être utilisé à d'autres fins
ou vendu à perte. Les prix de ces biens et entreprises subissent alors
une énorme pression à la baisse.
Avant que la situation s'améliore elle s'empire. N'oublions pas que
ces manipulations du taux d'intérêt sont accompagnées
d'une augmentation du crédit par les banques. De sorte que lorsque la
contraction survient le taux d'intérêt doit augmenter plus que
le niveau où il était avant l'expansion de crédit, car
les prix des biens ont augmentés et investir est devenu plus
risqué. Plus les apprentis sorciers des banques centrales retiennent
le taux d'intérêt à un niveau plus bas qu'il le serait
sans leurs interventions et qu'ils poursuivent l'expansion de crédit,
plus la valeur de la monnaie fondra comme neige au soleil. Alors le taux
d'intérêt sur les prêts (taux du marché) variera
proportionnellement de façon inverse, c'est-à-dire qu'il
augmentera très rapidement.
La récession est le processus du marché par lequel les prix
retournent à des niveaux qui reflètent les
préférences réelles des gens. Ce n'est pas la
récession qui les appauvrit, mais l'expansion économique due
aux manipulations monétaires des sorciers souvent encouragées,
malheureusement, par les syndicats et simples consommateurs.
En somme, le cycle économique n'est pas dû au libre
marché, mais au système bancaire. Cependant, avant d'accuser
les banquiers qui gèrent en partie ce système il faudrait
accuser les politiciens qui l'ont mis en place. Ce sont eux qui fabriquent la
fausse monnaie. Ce sont eux qui ont retiré puis confisqué les
véritables monnaies qu'étaient l'or et l'argent
métallique. Ce sont eux qui ne respectent pas leur contrat. Ce sont
eux qui protègent les banques de la faillite en taxant plutôt
les payeurs de taxes. Ce sont leurs manipulations qui accentuent les cycles
économiques, lesquels réduisent la liberté de tous et la
richesse de plusieurs.
Même si les politiciens sont les principaux coupables de la mise en
place de ce système, plusieurs autres en sont complices. En premier
lieu, les économistes et autres analystes financiers qui accusent le
marché et particulièrement les entrepreneurs d'être
coupables d'imperfections et de défaillances, tout en étant
incapables d'identifier la moindre faute commise par le gouvernement. Il est
vrai que plusieurs y travaillent... Que certains entrepreneurs soient avares
et malfaisants est une chose, que le mal soit érigé en
système en est une autre. L'incapacité d'établir cette
différence distingue celui qui fait de la science de celui qui fait de
la démagogie.
L'effondrement de la
monnaie fiduciaire
« Ce serait une
erreur de croire que l'organisation moderne de l'échange peut
continuer ainsi. Elle porte en elle le germe de sa propre destruction; le
développement de la monnaie fiduciaire doit nécessairement
mener à son effondrement. » (The Theory of Money
and Credit, p. 409, traduction libre) Mises écrivait ces mots en
1912. Je crains qu'ils ne se concrétisent dans un avenir
rapproché. L'Argentine, le pays le plus riche d'Amérique du Sud
il y a 50 ans, en est aujourd'hui au troc. Si le château de carte
construit par la Fed s'effondre et entraîne d'autres monnaies
importantes dans sa chute, c'est une réduction draconienne de la
division du travail à l'échelle mondiale qui risque de
s'ensuivre.
En attendant un système bancaire entièrement libre de toute
intervention gouvernementale Mises faisait les recommandations suivantes:
cesser de créer de la monnaie, et donc abolir la banque centrale et
laisser les banques ayant octroyé trop de crédit faire
faillite. Ce qui implique, d'une part, l'abolition de l'assurance
dépôt, qui ne fait qu'inciter les banques à prêter
plus d'argent qu'elles n'en possèdent en réalité et,
d'autre part, permettre aux gens de retirer leur argent des banques en tout
temps, c'est-à-dire de respecter leur propriété. Ensuite
ou en parallèle on devrait retourner à l'étalon-or, du
moins à une monnaie métallique, sans que le gouvernement se
mêle de près ou de loin des questions de monnaie.
Le système monétaire, à l'instar des autres divisions
d'une économie de marché, fait partie d'un système qui
s'ajuste et se règle par lui-même. Cela se fait par l'entremise
des « sanctions » que sont les profits et pertes. La
monnaie a été générée par le marché
et elle s'ajuste par lui. La monnaie et le système bancaire ne sont
pas indépendants du marché, ils en sont une extension. Le
gouvernement doit donc débarrasser le plancher.
* Il s'agit d'un
résumé personnalisé des 4e, 5e et 6e parties de Mises on
Money de Gary North. La citation en épigraphe est une
traduction libre de Human Action p. 224.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire
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