Vous n’en rêviez pas ? Vous n’en aviez pas besoin ? Vous en aurez quand même. Alors que les rats quittent le pédalo, le capitaine s’est lancé dans un nouvel exercice de chaises aussi musicales que celles du Titanic au soir du 14 avril 1912 : Hollande a remanié son gouvernement.
Il faut dire qu’il n’avait pas le choix.
Laurent Fabius, son ministre le plus responsable du gouvernement (mais le moins coupable aussi), a posé sa démission en lorgnant de façon appuyée la présidence du Conseil Constitutionnel qui permettra à la République française d’étendre encore un peu plus la définition déjà fort élastique du mot « irréprochable ». Il laisse derrière lui un ministère presque neuf, très peu servi. On lui accordera d’avoir su habilement utiliser le levier médiatique, même si au contraire d’Aristote, il n’aura pas su soulever grand monde avec, et ne parvenir à déplacer qu’une poignée de chefs d’États et de gouvernement sur la promesse trop facile d’un bon gueuleton à Paris à l’occasion d’une COP21 remarquable par sa nullité.
Son départ laisse donc essentiellement un emplacement protocolaire vide, que le président Hollande se devait de combler, sauf à dissiper l’illusion d’utilité de ses commis ministériels.
Par opportunisme, il a sans doute jugé aussi utile de modifier ça et là quelques autres maroquins histoire de donner un peu de corps à un gouvernement qui n’était déjà plus que l’ombre de lui-même. C’est probablement pour ça qu’on voit arriver quelques nouveaux poids lourds dans ce qui se veut, évidemment, un gouvernement de combat pour lutter contre le chômage, les inégalités, le terrorisme, les pesticides, le scorbut et accessoirement la montée du Front National (mais pas trop, il faut que le président se ménage un second tour favorable à l’élection de 2017, pardi).
L’essentiel de ces ces poids lourds est constitué par Jean-Marc Ayrault et Emmanuelle Cosse. Le premier, venu sans son combi Volkswagen, se retrouve en numéro 2, aux Affaires Étrangères, sous les ordres de Manuel Valls, qui fut jadis son ministre de l’Intérieur. La seconde intègre avec un plaisir non dissimulé (et même tweeté) ce nouveau gouvernement en position de ministre du Logement et de l’Habitat durable, l’habitat jetable ayant probablement été frappé d’anathème.
Enfin, notons la disparition rapide et sans chichis de Fleur Pellerin, remplacée par une autre donzelle sans intérêt et à la compétence sans aucun doute aussi pointue qu’un microscope à effet tunnel. La France sait être large avec celles et ceux qui ont su fréquenter les bonnes personnes au bon moment, je présume.
On avouera que tout ceci ne manque pas de sel.
Placer en second ministre un ancien premier, c’est à la fois une bonne dose de cynisme et une forme de moquage de visage particulièrement affûté.
Cela montre très bien la soif de pouvoir qui anime les politiciens, qui sont prêts à avaler absolument toutes les couleuvres pour se retrouver, une fois encore, dans les feux de l’actualité, à faire le beau devant les caméras, à disposer d’une once de pouvoir et de privilèges. Oh, qu’elle doit être douce, la mamelle républicaine, pour qu’on n’hésite pas à la téter tant que c’est possible, fut-ce au prix d’un rang moindre !
Mais surtout, c’est un beau pied de nez aux Français eux-mêmes. Après presque deux ans d’une démonstration limpide, implacable mais pas du tout mémorable de sa nullité chimiquement pure en tant que premier ministre, Ayrault revient donc occuper un nouveau poste ministériel, probablement pour le récompenser de la superbe performance qu’il a accomplie. Il a prouvé, par l’exemple, n’être à la hauteur de rien du tout, ni au plan national, ni au plan international, pendant 1 an et 10 mois, en vertu de quoi, on le retrouve quelques temps plus tard à un poste qui nécessitera un peu plus qu’une bonne maîtrise de l’Allemand. Soyons clair : il n’y a absolument rien à attendre de cet individu-ci à ce poste-là et Hollande ne fait que replacer un bon copain proche de la gamelle. C’est parfaitement pathétique.
Pour l’égérie écocommuniste biosyntonisée, si farce il y a, c’est bien au dépens d’elle qu’elle se joue. Les Français n’arrivent qu’en second dans le rôle de dindons. Le premier rôle, c’est bien Emmanuelle Cosse qui le tient puisqu’elle devra maintenant vivre avec l’affichage maintenant évident (et impossible à cacher) de sa totale duplicité. On se souviendra sans mal qu’elle n’a pas arrêté, pendant toutes les années précédentes du mandat de Hollande, de tirer à boulets rouges sur le président et l’action de ses précédents gouvernements en matière d’écologie (et pas seulement).
On se souviendra notamment de ses tweets plus ou moins inspirés lorsqu’elle juge l’action de ceux qui deviendront ses collègues demain matin :
Les gouvernements Ayrault puis Valls n’ont pas un bon bilan écologiste
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) April 4, 2015
ou encore
49-3: aveu de faiblesse, déni de démocratie, arme anti-parlement d'une VeRep a bout de souffle. Un passage en force inacceptable #LoiMacron
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) February 17, 2015
Voilà qui promet des petites joutes verbales intéressantes dans la cour de l’Élysée pendant la photo de classe. D’autant que ses positions, notamment concernant le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, n’ont guère varié : elle est résolument contre.
Cher @manuelvalls, refaire une sortie sur #nddl n'est ni pragmatique ni responsable. C'est un projet dépassé, un gâchis d'argent public.
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) December 17, 2014
… En revanche, pour venir bosser pour Hollande, l’écologiste n’a guère hésité et se trouve même honorée de rejoindre cette troupe de baltringues. On peut s’interroger au passage sur le fait que, peut-être Hollande, facétieux et blagueur comme on le connaît, a-t-il jugé nécessaire de rapprocher un peu Ayrault (tout à fait favorable à ce projet) de Cosse pour qu’ils puissent discuter directement de leurs petits désaccords ? Allez savoir.
Et pendant que Cosse frétille d’allégresse, ne boudons pas notre plaisir en découvrant cette perle de polésie du petit Jean-Christophe C., élève de maternelle à l’école Pablo Neruda de Fouilly-sur-Yvette, qui commentait le remaniement du haut de ses 8 ans d’âge mental :
Un gouvernement arc-en-ciel prenant en compte les sensibilités de la gauche et des écologistes. Élargissement de l'assise gouvernementale.
— Jean-Chr. Cambadélis (@jccambadelis) February 11, 2016
Et il est vrai qu’on a effectivement toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans ce gouvernement de licornes qui pètent des paillettes si fort que les problèmes du pays se dissipent doucement dans des nuages colorés de bonheur sucré ! Je ne sais pas ce qu’ils servent à la cantoche de l’école de Jean-Chrichri, mais ça dépote. Pour récompenser le petit poète, voici une petite vignette.
Une fois la poussière médiatique retombée, que restera-t-il de ce remaniement ? Rien. Comme pour les précédents, le jeu de chaises musicales n’a pas permis de placer la moindre compétence opérationnelle à des postes importants. Hollande, fidèle à son habitude, a distribué quelques hochets. Encore une fois, l’évident mépris des priorités (économiques, sociales) du pays vole à la figure des Français. Encore une fois, les bricolages apparaissent pour ce qu’ils sont : un simple positionnement de petits copains dans différents fromages républicains.
La fracture entre cette troupe effectivement bigarrée, véritable « arc-en-ciel » de politiciens imbibés de bracassitude poussée, et le peuple qui paye pour leurs frasques est à ce point visible qu’elle est devenue habituelle et que pas un journaliste ne relève l’absolue nullité en terme d’impact que va avoir ce remaniement.
Dans le même temps, les bourses dévissent doucement. Les credit default swap sur la Deutsche Bank, qui a vu son action plonger de plusieurs dizaines de pourcent depuis le début de l’année, grimpent en flèche. Le marché de l’or, très manifestement manipulé, part en sucette avec plusieurs gros acteurs qui décident de quitter le London Metal Exchange… Tout indique une grande fébrilité des marchés, et une économie qui refuse de redémarrer.
Avec un tel « nouveau » gouvernement, une telle conjoncture… Ce pays est foutu.
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