Vous
rappelez-vous des « tests » de résistance
bancaire réalisées au cours de l’été
dernier ? Ils s’étaient avérés être un
simple « coup d’épée » dans
l’eau. En laissant de côté
l’éventualité de la faillite d’un État,
comme nous le soulignions
à l’époque, ils n’ont bien sûr rassuré
personne. L’Autorité bancaire européenne (European Banking Authority ou EBA) a voulu en remettre une couche en
évaluant notamment cette fois l’impact de l’exposition des
banques européennes aux dettes souveraines. Cette nouvelle tentative
de rassurer les investisseurs risque cependant d’échouer une
nouvelle fois dans la mesure où elle est toujours
« à côte de la plaque » pour
évaluer la (non)solidité du système bancaire.
Soulignons
tout d’abord que l’EBA a publié une première
estimation de cette exposition des banques, le 26 octobre dernier. Or, cette
estimation était basées sur les
données des bilans des banques communiquées au mois de juin
2011. Elle faisait alors apparaître un besoin de refinancement pour
l’ensemble des banques de plus de 106 milliards d’euros pour
faire face à la crise de la dette souveraine.
De nouveaux
résultats –avec des données plus récentes datant
de fin septembre – devaient être publiés courant novembre.
Or, la publication de ces résultats a été
reportée, ce qui n’est évidemment pas de nature à
inspirer confiance aux investisseurs, alors que tel était pourtant
l’objectif ultime visé par toute cette opération.
Ce n’est
pas tout. Si le travail de l’EBA a finalement été publié
le 8 décembre dernier, montrant des besoins de refinancement à
114,7 milliards d’euros, soit à la hausse de plus de 7,7%, ces
résultats manquent toujours la cible, notamment pour deux raisons
majeures.
D’une
part, la situation depuis fin septembre a considérablement
évolué, avec la forte remontée des taux
d’intérêt sur la dette souveraine. Rappelons que toute
remontée des taux correspond à une baisse du prix des
obligations qui se trouvent dans les actifs des bilans bancaires. Or,
s’il fallait un « buffer » en capitaux propres de
plus de 106 milliards d’euros pour faire face à la baisse de
leurs prix fin septembre, on peut imaginer la décote qu’il
faudra appliquer aux actifs des banques fin novembre, quand les taux se
trouvent à des niveaux largement plus élevés (voir
tableau ci-dessous).
Augmentation des taux
d’intérêt sur les obligations à 10 ans de certains
États de la zone euro
Pays
|
Taux au 30
septembre 2011
|
Taux au 30
novembre 2011*
|
Augmentation
|
Allemagne
|
1.89%
|
2.32%
|
+22.9%
|
Autriche
|
2.68%
|
3.61%
|
+34.7%
|
Belgique
|
3.65%
|
5.29%
|
+44.9%
|
Espagne
|
5.14%
|
6.43%
|
+25.1%
|
Finlande
|
2.34%
|
2.90%
|
+23.8%
|
France
|
2.60%
|
3.49%
|
+34.2%
|
Irlande
|
7.64%
|
7.74%
|
+1.3%
|
Italie
|
5.54%
|
7.35%
|
+32.7%
|
Pays-Bas
|
2.29%
|
2.67%
|
+16.6%
|
Portugal
|
10.93%
|
13.63%
|
+24.7%
|
Grèce
|
22.69%
|
31.53%
|
+39.0%
|
Source :
Bloomberg ; calculs de l’auteur.
*Il
s’agit du taux en ouverture de séance.
D’autre
part, si la défaillance d’État n’a pas
été testée l’été dernier lors des
« tests de résistance », elle ne l’a
toujours pas été dans le cadre de la nouvelle évaluation
(en ce sens, celle-ci ne correspond pas à proprement parler à
de nouveaux « tests »). Or, cet élément
est au cœur des préoccupations des investisseurs qui craignent
que plusieurs États membres ne fassent défaut.
Moddy’s a d’ailleurs rappelé
que « la probabilité de défaillances multiples
d'États de la zone euro n’est plus
négligeable » et que plusieurs membres pourraient donc
quitter la monnaie unique. De même, des analystes de Crédit
Suisse estiment
– dans une étude intitulée The Last Days of the Euro
(« Les derniers jours de l’euro ») – que
d’ici mi-janvier des décisions politiques exceptionnelles–
à l’image du dernier accord de Bruxelles sur le sauvetage de
l’euro et le projet de révision des traités –
devaient être prises pour « éviter la fermeture
progressive du marché de la dette souveraine en zone euro,
accompagnée potentiellement de paniques bancaires, y compris à
l’égard des banques
les plus solides ».
Même
quand la situation semble aussi critique, l’EBA continue donc à
« faire l’autruche » avec des
« scénarii » macroéconomiques et des
données déconnectés de la réalité. Cela ne
risque pas de tromper les investisseurs et n’est certainement pas la
meilleure façon de restaurer leur confiance.
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