‘La politique financière d’un
Etat-providence requiert que celui qui possède du capital n’ait
aucun moyen de se protéger’ – Alan Greenspan, 1966
Une étude
menée par Carmen Reinhart et Belen Sbancia, du Bureau
National des Recherches Economiques américain, décrit la
manière dont les gouvernements occidentaux d’après-guerre
ont transféré leurs dettes à leurs citoyens grâce
à une politique de répression financière,
c’est-à-dire en forçant les investisseurs et épargnants à
rembourser les dettes colossales de leur gouvernement en les contraignant
à investir dans leurs instruments dette, qu’ils le veuillent ou
non. Cette
répression financière semblant politiquement acceptable,
contrairement à la faillite, à l’hyperinflation ou
à l’augmentation des impôts, certains analystes pensent
que les gouvernements pourraient l’adopter massivement à nouveau
aujourd’hui
Les
caractéristiques particulières de la répression
financière peuvent varier, son schéma général est
toujours le même: utilisant son pouvoir pour violer les droits de
propriété privée, le gouvernement fait de
l’investisseur domestique une ‘audience captive’. Avec la
coopération de sa banque centrale, il mandate des taux
d’intérêts très faibles en parallèle
à un taux d’inflation élevé, ce qui lui permet de
créer des taux d’intérêts réels
négatifs. Ces derniers permettent à des transferts de richesse,
comme par exemple depuis les fonds de pension vers le gouvernement, lui
permettant ainsi de liquider une partie de sa dette. Dans la mesure où
cela fait des détenteurs d’obligations des ‘captifs’
du gouvernement, il n’existe plus aucune possibilité pour les
investisseurs de protéger leur patrimoine. S’ils tentaient de se
procurer des métaux précieux physiques, le gouvernement
viendrait à réduire ce type d’activité, voire à
l’abolir. D’une manière ou d’un autre, il
s’assurerait que ce soient bien ses ‘captifs’ qui paient
ses factures.
Quelques points
dignes d’être mentionnés :
Il est important de
noter qu’après la première guerre mondiale,
l’étalon or était toujours en vigueur dans de nombreux
pays, ce qui signifie que les politiques monétaires étaient
d’une certaine manière limitées par l’or.
L’inflation n’était donc pas disponible aux hommes
politiques de cette époque de la même manière
qu’elle ne l’a été depuis l’adoption du
système fiduciaire.
L’étalon-or
d’après-guerre n’était pas tout à fait
identique à l’étalon or classique, qui lui-même
était placé sous le contrôle du gouvernement. Il
n’en demeure pas moins que les détenteurs de billets de banque
imprimés par la Fed pouvaient, en théorie, les échanger
contre des pièces d’or jusqu’en 1933. La ‘politique
monétaire’ (l’inflation) était limitée par
l’or, ce qui est la raison pour laquelle les gouvernements s’en
sont débarrassés.
L’étalon
or des années 1920 permettait d’utiliser l’or,
intentionnellement ou non, en tant que protection financière si
l’économie s’effondrait. Comme l’écrit
l’économiste Joseph Salerno :
« La fin de l’ère libérale
classique en 1914 poussa les gouvernements et leurs banques centrales
à se retirer du système authentique de l’étalon
or. Si leurs ‘menottes dorées’ ne leur avaient pas
été retirées avant les années 1920, les banques
centrales n’auraient jamais été capables
d’augmenter la masse monétaire, et le cycle économique
ayant mené à la grande dépression n’aurait jamais
eu lieu ».
Le schéma de
réserve fractionnaire commença ensuite à se former
lorsque trop de personnes tentèrent de réclamer leur dû
simultanément. Leur attitude exposa au grand jour la fraude
représentée par le système bancaire, bien que seulement
très peu d’économistes ne l’aperçoivent de
cet œil. Ce n’est pas surprenant, n’oublions pas que la
plupart des économistes sont aujourd’hui employés par les
banques et les banques centrales.
Dans une autre
section du rapport, Reinhart et Sbrancia écrivent :
La suspension de la convertibilité en or née
par la première guerre mondiale et, plus généralement,
les restrictions d’échanges commerciaux entre pays, furent les
premiers coups portés à la globalisation du capital. Les
marchés de capitaux s’en remirent partiellement au cours des
années 1920, mais la grande dépression, suivie de la seconde
guerre mondiale, finirent de sceller le cercueil de la politique bancaire du
laisser faire.
Cela dit, le
système bancaire n’a jamais été basé sur
une politique de laisser faire. L’acte de la Réserve
Fédérale de 1933, ayant établi un cartel bancaire
soutenu par le gouvernement, mît fin à toute forme de
liberté dans le domaine bancaire. Comme nous pouvons le lire dans
Wikipédia, ‘Le laisser faire décrit un environnement dans
lequel les transactions entre partis privés sont exemptes de
l’intervention d’Etat, car
sa présence crée des distorsions sur le marché.
(Voir The Ethics of Money Production, p 170).
Remarquons que plus nous nous éloignons chaque jour un peu plus de
cette politique de laisser faire, plus elle est blâmée pour les
catastrophes résultant de l’interventionnisme.
Par ailleurs, les
auteurs y décrivent de manière détaillée la
manière dont les gouvernements ont, entre 1945 et 1980, utilisé
des schémas de répression monétaire pour rembourser
leurs dettes. Ces schémas sont opaques pour le public non averti, ce
qui les rend irrésistibles aux yeux des gouvernements
d’aujourd’hui.
Dans le cadre d’un régime
de répression financière, les banques représentent les
véhicules permettant au gouvernement d’obtenir davantage de
revenus indirects de ses citoyens en monopolisant le système
d’épargne et de paiement. Le gouvernement force les citoyens
à épargner auprès des banques en ne leur
délivrant que très peu d’options alternatives. Cela
permet au gouvernement de financer une partie de sa dette à un taux
très faible, la répression financière
constitue ainsi une forme de taxation. Les citoyens placent leur
argent auprès de banques, puisqu’ils n’ont aucune autre
alternative. Le gouvernement force ensuite les banques à utiliser
cette monnaie pour financer la dette publique.
C’est
une forme efficace de racket, similaire aux schémas de
monétisation de la dette employés par les banques centrales et
nous ayant menés au désastre dans lequel nous nous trouvons
aujourd’hui.
This
Time is Different : Eight Centuries of Financial Folly, Carmen Reinhart
et Kenneth Rogoff
|