1. Quelques points de vue sur l'économie politique.
. Henri Guitton.
En 1979, Henri Guitton, professeur de sciences économiques à l'université de
Paris I Sorbonne, concluait son livre intitulé De
l'imperfection en économie avec, en particulier, ses mots:
"Il s'agissait de savoir ce qu'était l'objet de l'économie politique.
La question reste actuelle, toujours la même, bien qu'elle s'exprime en
termes nouveaux.
Je me demande aujourd'hui si l'opposition que j'avais proposée entre
- 'l'économie politique à l'image des sciences physiques' et
- 'l'économie politique science de l'action humaine'
ne garde pas sa valeur, mais dans l'atmosphère renouvelée par l'épistémologie
contemporaine qui nous a permis de lever certaines ambiguïtés."
(Guitton, 1979, p.225)
Il était un des rares économistes de l'époque à ne pas mettre de
côté l'école de pensée économique autrichienne.
. Friedrich von Hayek.
Quarante ans plus tôt, Friedrich von Hayek avait
précisé le propos en écrivant que :
"Dans les sciences sociales, toutefois, la situation est exactement
l'inverse [des sciences naturelles].
D'une part, l'expérimentation est impossible : nous ne pouvons donc connaître
des règles définies dans le phénomène complexe comme dans les sciences
naturelles.
D'autre part, la situation de l'homme à mi-chemin entre les phénomènes
naturels et les phénomènes sociaux - dont il est l'effet en ce qui concerne
les premiers, et la cause, en ce qui concerne les seconds -prouve que les
faits essentiels de base dont nous avons besoin pour l'explication du
phénomène social participent de l'expérience commune et de la matière de nos
pensées.
Dans les sciences sociales, ce sont les éléments des phénomènes complexes qui
sont connus, sans aucune contestation possible [...]
Or l'existence de ces éléments est tellement plus certaine que l'existence
des règles quelconques dans le phénomène complexe auquel ils donnent
naissance, que ce sont eux qui constituent le vrai facteur empirique dans les
sciences sociales. [...]
dans les sciences sociales, [le processus de déduction] part
directement d'éléments empiriques connus et les utilise à la découverte des
règles dans les phénomènes complexes que l'observation directe ne peut
établir" (Hayek, 1939).
En d'autres termes, la démarche popperienne de la
vérification des "hypothèses" était vaine en matière d'économie
politique.
Malheureusement, l'étatisme croissant fera comme si elle n'était pas vaine et
lui donnera du "grain à moudre" (création de l'I.N.S.E.E. entre
autres en 1946).
. Ludwig von Mises.
Dix ans plus tard, pour sa part, Ludwig von Mises
considérait que la science économique avait pour domaine les phénomènes de
marché expliqués par les actes des êtres humains:
""[...] branche de la connaissance [...] pour étudier les
phénomènes de marché, c'est-à-dire la détermination des rapports d'échange
mutuel entre les biens et services négociés dans les marchés, leur origine
dans l'action humaine et leurs effets sur l'action ultérieure".
[…] branch of knowledge […] to investigate the market phenomena,
that is, the determination of the mutual exchange ratios of the goods and
services negociated on markets, their origin in
human action and their effects upon later action". (Mises, 1949, p.232)
Malgré cela, l'économie dominante se développera à partir de l'hypothèse de
l'équilibre (macro) économique général appuyée de diverses techniques
quantitatives (en particulier, l'économétrie).
. Lois d'offre et de demande.
Aujourd'hui, on dira encore, à l'occasion, que les lois d'offre et de demande
de marchandises, "vieilles" notions de théorie économique
consensuelles, présentent l'intérêt d'être situées à mi-chemin entre la
notion d'action humaine, i.e. l'action économique de vous et moi,
et la notion d'équilibre des marchés - dénommée curieusement
"valeur" par beaucoup, à commencer par Gérard Debreu (cf. le
livre)-.
On peut dire tout autant qu'elles sont les conséquences logiques de l'action
humaine ou qu'elles se déduisent de l'équilibre économique.
Mais, grande différence entre l'un et l'autre, l'équilibre économique est un
résultat hypothétique de la théorie économique imaginé par des savants alors
que l'action de vous et moi est une action évidente, une réalité qu'on
ne peut qu'imaginer déboucher sur un résultat d'"équilibre
économique".
2. La chose.
Comme résultat de l'action humaine autre que l'équilibre économique supposé,
on peut distinguer d'abord la chose.
La chose que tout un chacun peut discerner dans la réalité et utiliser
est décomposable en deux grandes catégories:
- l'objet matériel, tangible ou corporel, et
- le service, objet incorporel.
Selon les uns, l'objet matériel est essentiel, selon d'autres, c'est le
service qui l'est, selon des troisièmes, il existe une relation entre objet
matériel et service à ne pas mettre de côté.
. Produits et facteurs de production.
Selon des quatrièmes, produites ou productibles, les choses ne doivent pas
cacher les facteurs de production connues sous les trois grandes catégories
suivantes :
- le travail, de type "service",
- le capital, de type "objet" ou "service",
- la matière première, de type "objet" le plus souvent.
Toutes ces choses sont rassemblées par les savants de la théorie économique
dans des concepts mathématiques, soit dans ce qui est dénommé la
"fonction de production", soit, en relation avec un seul produit,
dans ce qui est dénommé la "fonction de coût de production".
La fonction de production donne lieu aux notions de productivités marginale
et moyenne d'un facteur de production, la fonction de coût de production aux
notions de coûts marginal et moyen du produit.
. La relation service-objet.
A l'extrême, on peut faire procéder le service d'un objet et considérer qu'il
est fruit de ce dernier.
C'est l'idée que les services sont des résultats d'objets qui, à coup sûr,
ont été découverts par des personnes juridiques physiques (cf. ce texte de
février 2014 intitulé Le
service, donnée économique première).
On peut aussi considérer, faute de connaissance, qu'il y a des services qui
ne sont pas résultats d'objet.
Dans ce cas, le "service", c'est, par exemple, le travail de
chacun (référence prise par Gérard
Debreu en 1960 dans le livre évoqué ci-dessus intitulé Théorie
de la valeur):
"Le premier exemple d'un service économique est le travail humain.
Sa description est celle de la tâche accomplie" (Debreu, 1960, 2.4.).
La réalité est que le "service" représente tout acte de l'être
humain, de la personne juridique physique qu'elle est, de son patrimoine.
Les "services" procèdent d'"objets ou choses" que les
gens y découvrent quand les services ne sont pas échangés en tant que tels,
indépendamment de ce dont ils procèdent.
Malheureusement, le travail que Debreu a fait intervenir tenait donc, non
seulement dans le résultat de l'acte et non pas dans l'acte de la personne,
mais encore dans le résultat accompli, ex post, et non pas dans
l'acte ex ante.
__________
1) Soit dit en passant, rappelons que l’alternative « ex post »-« ex
ante », souvent laissée de côté par les économistes, procède d’Aristote,
comme l’avait souligné Gilles Deleuze en 1988 :
« Enfin nous pressentons que l’antécédence, ce qu’Aristote appelait déjà
l’avant et l’après, bien qu’il n’y ait pas ici d’ordre du temps, est une
notion compliquée :
les définissants ou les raisons doivent précéder le défini, puisqu’ils en
déterminent la possibilité, mais c’est seulement suivant la « puissance », et
non pas selon l’acte, qui supposerait au contraire l’antécédence du défini.
D’où justement l’inclusion réciproque, et l’absence de tout rapport de temps
» (Deleuze,
1988, pp. 57-58)
En conséquence, l’alternative « ex post- ex ante » est
indépendante de la prise en considération, ou non, du temps ou de la durée.
G. Myrdal et E. Lindahl l'ont remise à l’ordre du jour économique dans la
décennie 1930, en conséquence des travaux de Knut Wicksell (cf. Uhr, 1960, p.313, Sandelin, 2013, p.188).
______________
En relation avec l'acte d'échange qu'il peut choisir de mener, le service
devient pour l'individu "service d'échange","ex
post" ou "ex ante".
Plus généralement, dans cette perspective de l'action de la personne, de vous
et moi, la chose est un panier de services que la personne juridique parvient
à créer - on est alors "ex ante" -.
Selon Frédéric Bastiat:
"Quand le service consiste à céder une chose matérielle, rien n'empêche
de dire, par métonymie, que c'est cette chose qui vaut.
Mais il ne faut pas perdre de vue que c'est là un trope qui attribue aux
choses mêmes la valeur des services dont elles sont l'occasion"
(Bastiat, 1850, p. 192)
On regrettera que Bastiat ne distinguât pas le service, ni de l'acte de la
personne juridique physique qui s'y adonnait, ni du patrimoine.
. Le temps.
Souvent, le "service" n'est autre en économie politique que
l'analogue du "temps" en sciences physiques: le service est à vous
et moi ce que le temps est à la nature.
Mais personne ne saurait lui enlever son côté "ex ante" ou
son côté "ex post".
Dire que "toute action lui 'prend du temps'" n'est qu'une façon de
ne pas parler de la donnée économique essentielle qu'est le coût
d'opportunité de l'acte mené par la personne et une façon de contribuer à
donner un prétendu rôle économique au temps, ce qui ne veut rien dire en science
économique, au lieu d'envisager le service qu'est toute action de la
personne.
Pour faire comprendre ce qu'on dit, on croit utile d'évoquer le premier, le
temps, mais pour faire "bien" comprendre, il serait mieux de
développer le second, le coût du service.
Reste que parler de "temps", donnée de la nature, en économie
politique est une absurdité.
Le "temps" est à bannir comme variable économique explicative ou
expliquée.
Et si les économistes ne savent pas prévoir ou situer les raisonnements
qu'ils tiennent par rapport au temps, il y a une bonne raison, à savoir la
raison précédente.
Le "temps" en question des économistes qui s'y attachent rappelle
davantage la planification tant recherchée par certains.
Et il est tout aussi absurde que la planification.
L'argument du rôle du "temps" en économie politique découle, en
fait, de la transposition aveugle d'une considération des sciences physiques
dans le domaine.
Mais la transposition ne tient pas et devrait être abandonnée.
. Temps et service.
Il est vain de faire intervenir le temps, la durée ou encore des intermèdes
dans l'économie politique.
Ces éléments n'ont pas de raison d'être sauf à considérer que les êtres
pensants que sont les humains ne sont que des objets dénués de volonté et à
se réfugier derrière de prétendues comptabilités nationales qu'on croît
mesurer une totalité (cf. ci-dessous) .
Chaque action humaine cache un ou plusieurs services futurs d'une ou
plusieurs personnes juridiques et il convient de les cerner.
Soit dit en passant, quand le coût du service n'est pas pris pour le temps,
c'est la monnaie qui peut se voir recevoir son rôle ou sa fonction, ce qui
n'est pas mieux.
Toutes proportions gardées, à la différence de la rose de François de
Malherbe (1555-1628), la monnaie est autant le service "espace de la
durée 'matin'" que celui de "l'espace 'instant'" ou celui de
l'"espace d'un ou plusieurs intermèdes" mis en oeuvre
par telle ou telle personne juridique.
. Le "service": acte de la personne ou résultat de
l'acte?
Comme l'écrivait Frédéric
Bastiat dans la première moitié du XIXè siècle:
"Les services s'échangent contre des services"
et non pas, comme l'avait écrit Jean
Baptiste Say quelques décennies plus tôt:
"Les produits s'échangent contre des produits".
En d'autres termes, comparée à la démarche de Say, la démarche de Bastiat
présente l'originalité de mettre l'accent sur les conséquences d'une partie
des choses fabriquées qu'était ce qu'on dénommait les "produits"
chez Say, à savoir les "services", et, par conséquent,
d'universaliser la notion de "service", les "produits"
dont les "services" procédaient et qui sont cachés, n'en étant qu'un
aspect.
Plus que la démarche de Say, celle de Bastiat a été, sinon détruite, au moins
mise de côté par la suite,
d'une part, par l'accent premier donné au "capital", facteur de
production - on a aussi mis de côté, dans ce cas, les services que les gens pouvaient
trouver à la chose - et,
d'autre part, par l'idéologie des socialistes du type de ce qui est
inventé par Alternatives économiques, le 22 janvier 2010, à propos
de la "loi de Say".
3. La marchandise.
Résultat de l'action humaine autre que l'équilibre économique supposé et la
chose, il y a encore la marchandise.
La marchandise est une chose particularisée par le savant ou le commun des
mortels.
Elle est objet ou service, échangé ou échangeable.
Quand les choses sont échangeables ou échangées, une façon de s'exprimer
en économie politique est en effet de dire que les choses en question
sont des marchandises à défaut de dire qu'elles sont échangeables.
On n'y insiste pas, on le devrait pourtant.
Ou bien, d'emblée, on a inversé la démarche précédente.
Dans ce cas, à partir de la marchandise, qu'on fait plus ou moins
"tomber du ciel", on dit que celle-là a deux catégories possibles,
à savoir l'objet ou le service, et on se fait fort de leur donner une valeur
"bien" ou "mal" (cf. ci-dessous)...
Le service mené étant par nature échangeable, il est une action humaine
et son résultat est une marchandise.
. Service marchand et service non marchand.
La marchandise est aussi considérée par certains, statisticiens ou
économistes, service marchand ou service non marchand.
En vérité, il n'y a pas des services marchands et des services non marchands
malgré ce que pérorent certains.
Parler d'un service marchand est un pléonasme, parler d'un service non
marchand est un oxymore (cf. texte de juin 2014 cité).
Le "service marchand" est un pléonasme - tout service effectué
était une action nécessairement marchande - tandis que le "service non
marchand" - cette "obscure clarté..." - est un oxymore dont,
soit n'ont que faire les socialistes qui l'emploient, soit ils essaient d'en
tirer des fruits qui ne pourront qu'être vénéneux.
Ex post, des services ont été échangés (et ont caché des coûts et
des profits attendus avec incertitude antérieurement) et d'autres ne l'ont
pas été (et ont caché des coûts en définitive trop élevés).
Les services non échangés ne sauraient être pris pour des services non
marchands, sauf volonté de détruire la connaissance, par ceux qui s'expriment
ainsi.
Il suffit seulement de reconnaître que les services n'ont pas été échangés
pour des raisons de capacité juridique, technique ou économique.
D'un jour à l'autre, cela pourra changer.
Ou bien, alors, par "non marchand", on entend, sans le dire,
"réglementé", mais on joue, dans ce cas, sur les mots.
Les "services non marchands" sont des services réglementés que le
législateur a décidé de mettre en oeuvre et a
rendus obligatoires ou interdits aux gens.
Soit.
Mais rien ne justifie le "jeu de mots".
. Marchandises ex post ou
ex ante.
Par nature, et car ils ne sauraient être gérés, d'une façon ou d'une autre,
par le "temps" ... qui n'existe pas en théorie économique, les
"services" sont révélés par les "savants" quand ils sont
échangés ou présentés comme "marchands", bref quand ils sont
marchandises.
Et l'observateur est amené à dire que des marchandises qu'il a observées ont
été échangées - ex post - par les gens à des prix en monnaie (cf.
ci-dessous).
Il peut aussi dire qu'il s'attend à ce qu'ils soient échangés à l'avenir - ex
ante - sans prendre position sur les prix en monnaie, mais sur le coût
ou le profit attendu avec incertitude.
A ses yeux, ils sont échangeables (sous entendus
"ex ante").
Sur cette base, à chacun d'imaginer l'avenir des services et des objet
ou choses échangeables.
. Vente (ou offre) et achat (ou demande).
Toute personne juridique physique est cause des services de la réalité
économique à quoi elle s'adonne:
- soit elle fabrique des services et tente de les vendre - et tout cela
lui "prend du temps" -,
- soit elle les demande à autrui pour en acheter et parce qu'elle n'a pas cru
bon d'en fabriquer- et tout cela lui "prend du temps"-,
- soit elle passe de l'un à l'autre - et tout cela lui "prend du
temps"-.
. Les informations en tant que marchandises.
Avec l'essor des
sciences physiques, une marchandise d'un genre nouveau a vu le jour au XXè siècle, à savoir l'information.
L'information n'existe qu'autant qu'elle est échangée sous des règles
spécifiques (codage analogique ou codage numérique).
L'information est à distinguer des informations passées que sont les données
et qui sont mises en réserve ici ou là.
4. La valeur.
Résultat de l'action humaine autre que l'équilibre économique supposé, la
chose et la marchandise, il y a la valeur.
Selon certaines personnes, la théorie de la valeur a été au départ de
l'économie politique.
Elle dénomme "valeur" la chose ou la marchandise, leur
quantité.
Objet ou service, vous ou moi donnons une valeur à la chose ou à la
marchandise et précisons qu'elle est "bien" ou "mal" -
quand nous n'oublions pas de préciser le jugement -.
Il y a donc des biens et des maux qui unissent choses ou marchandises,
échangées ou échangeables, et qui cachent les valeurs (au nombre de quoi
celles que leur ont données les gens qui ont participé aux échanges).
Les économistes autrichiens ont insisté sur ce dernier point en relation avec
le bien économique.
Par exemple, Ludwig von Mises (1949):
"Un bien économique ne doit pas nécessairement être incorporé en quelque
chose de tangible.
Les biens
économiques non matérielles
sont dénommés
services".
"An economic good does not necessarily have to be embodied in a tangible
thing.
Non material economic
goods are called
services" (Mises, 1949, p.94)
Autre façon de s'exprimer due à Murray Rothbard (1997):
"Le bien n'est pas défini par
ses propriétés technologiques mais par son homogénéité par rapport aux
exigences et aux souhaits des consommateurs".
Good is not defined by its technological properties but by its
homogeneity in relation to the demands and wishes of the consumers" (Rothbard, 1997, p.302)
Pour sa part, Bastiat associait la valeur à l'effort:
"[...] la valeur
[doit] se rapporter à l'effort, expression que j'ai préférée à celle de
travail comme plus générale et embrassant toute la sphère de l'activité
économique". (ibid., pp.170-177)
Et pour tout cela, il s'était opposé à:
- Adam Smith
(matérialité et durée),
- Jean Baptiste
Say (utilité),
- David
Ricardo (travail),
- Nassau
William Senior (rareté) et
- Henri
Frédéric Storch (jugement de chacun),
et avait montré leurs erreurs qui tiennent dans les erreurs de la théorie de
la valeur dont on n'est jamais sorti jusqu'à aujourd'hui inclus.
Selon Bastiat, la valeur était en effet dans les services rendus et reçus
(sous entendue "ex post") à l'occasion de ces objets ou
choses déterminée par le libre débat des contractants.
C'est la personne qui découvre le service dans la marchandise matérielle.
La personne a en effet aujourd'hui, du fait de sa connaissance, la capacité
de distinguer le service et l'objet.
A ses yeux, le service est immatériel ou incorporel, l'objet est matériel ou
corporel.
. Le principe de la valeur.
Grande question que s'était
posée alors Frédéric Bastiat :
"Faut-il voir le principe de la valeur dans l'objet matériel et, de là,
l'attribuer, par analogie, aux services?" (Bastiat, 1850, p.170)
A cette question, il avait répondu:
"Je dis que c'est tout le contraire: il faut le reconnaître dans les
services, et l'attribuer ensuite, si l'on veut, par métonymie, aux objets
matériels. [...]
N'oublions jamais en effet que :
"La valeur n'est rien d'inhérent aux biens [...]
[n'est] pas une propriété de ceux-ci, ni une chose indépendante existant en
elle-même.
C'est un jugement que les individus font de l'importance des biens [...]
la valeur n'existe pas en dehors de la conscience des individus"
(Menger, 1871, pp.120-21)
Le cas échéant, on identifie le bien (ou le mal) et telle ou telle quantité
de chose, d'objet ou de service, ce qui amène aussi à voir dans la valeur une
quantité... parfois impossible à mesurer pour les services.
Selon Frédéric Bastiat, pour qui les objets n'avaient pas d'importance, seuls
les services que vous et moi mettons en œuvre en avaient une, il fallait
aussi faire intervenir les circonstances qui contribuaient à augmenter ou à
diminuer le principe de la valeur.
. Le mythe des biens et services.
Il n'y a pas des biens et services.
N'oublions jamais qu'en se situant dans cette dernière perspective, Ludwig von Mises expliquait que:
"La science économique
ne porte pas sur les biens et services, elle porte sur les actions des hommes
en vie.
Son but n'est pas de s'attarder sur des constructions imaginaires telles que
l'équilibre.
Ces constructions ne sont que des outils de raisonnement.
La seule tâche de la science économique est l'analyse des actions des hommes,
c'est l'analyse des processus." (Mises, 1962, cf. ce
texte).
Rien ne justifie d'agréger des biens et des services comme déclarent le
faire, par exemple, les comptables nationaux (de l'I.N.S.E.E. et d'ailleurs)
sauf à additionner, en mathématiciens ou statisticiens qu'ils sont ou
voudraient être, des vecteurs qui ne sont pas colinéaires, ce qui est
contraire aux règles de la mesure en question.
Mais le plus souvent, le statisticien, qui devrait pourtant être soucieux de
cette dernière règle mathématique, s'en moque et n'hésite pas à s'engager
dans la démarche.
Après avoir donné des prix en monnaie aux uns et aux autres, justifiés ou non
par les échanges observés, il peut procéder à la manipulation, laquelle n'a
aucune réalité.
Il est absurde de voir des "biens et services" dans la manipulation
et, a fortiori, de mesurer le total - et d'y voir, par exemple, le
produit intérieur brut (P.I.B.) de telle ou telle nation selon la
comptabilité nationale de la même -.
Il y a des biens (ou des maux) de type "objet ou service" et des
biens (ou des maux) de type " service" et il ne faut pas les
confondre.
Parler de "biens et services" est donc une absurdité ou bien veut
cacher quelque chose.
Les "choses" attestent de "services" dès lors qu'elles
ont été échangées par des gens.
Sauf à admettre qu'il y aurait des "services" découverts qui ne
procèderaient pas des "objets ou choses" cernés - ce qui est le cas
du travail de vous et moi -, il faudrait raisonner soit sur des "objets
ou choses" échangés à des prix en monnaie, soit sur des
"services" échangés à des prix en monnaie.
Rien ne justifie de mélanger les uns et les autres, sauf vouloir altérer ce
qu'on mesure, avec des raisons à donner.
La valeur, c'est aussi un coût d'opportunité ou un profit d'une action
attendu avec incertitude par les gens.
Au total, le service et l'objet font deux dans la chose ou dans la
marchandise qui les recouvrent.
Mais elles se retrouvent dans la "valeur" qui leur est donnée, dans
le "coût d'opportunité" ou le "profit attendu avec
incertitude" de l'action que leur donne vous ou moi et, le cas échéant,
dans les relations "techniques" qu'y découvre la personne juridique
physique qu'est chacun d'entre nous.
5. Fonction ou rôle.
Comme autre résultat de
l'action humaine, on peut encore distinguer les fonctions ou rôles des
choses.
L'économie politique ne devrait pas avoir pour domaine les fonctions des
choses, à commencer par celles de cette chose spécifique qu'on dénomme
"monnaie".
Ce n'est pas son domaine.
La grande erreur est d'identifier le service, sans le vouloir, à des
synonymes du genre "fonction", "rôle", etc., qu'on introduit
pour l'occasion.
. Fonction ou
service.
Le service mis de côté, les
"fonctions" de la monnaie apparaissent le plus souvent au premier
plan comme:
- échange/paiement,
- unité de compte,
- réserve de valeur.
Mais ce qui est dit des fonctions n'est qu'une façon de parler de tel ou tel
service, sans le dire.
De plus, avec l'essor de la politique monétaire au XXè
siècle, le chaos devient énorme.
En effet, quitte à voir dans la monnaie des fonctions, rien ne justifie de
les limiter à trois.
Les rôles de la politique monétaire sont des fonctions de la monnaie tout
aussi importantes que les précédentes, dont personne ne parle et dont il
faudrait parler dans cette perspective pour être cohérent.
Reste que l'économie politique n'a pas pour objet les fonctions de quoi que
ce soit.
. Fonction et institution.
La fonction crée l'organe, ou
bien l'inverse: telle était une grande question du XIXè
siècle, entre autres, en relation avec la biologie.
Qu'à cela ne tienne, depuis la décennie 1930, des économistes ont mis l'accent
sur les institutions, autre façon de parler des organes ou des organismes.
Ce fut, en particulier, le cas à partir des travaux de Ronald Coase (1910-2013) sur la "nature
de la firme" (1937).
Et ils ont vu, depuis lors, dans ce qu'on dénomme aujourd'hui
"monnaie", une institution ou un ensemble d'institutions (cf. Kirzner,
1960) contre quoi Jacques Rueff (1896-1978) tendait à s'élever dès la
décennie 1930 (cf. ce texte
de novembre 2013).
6. Les prix des marchandises.
Le prix d'une marchandise n'est
pas une valeur et ne doit pas être confondu avec la valeur.
Les prix - en monnaie ou en autre chose - cachent,
- selon les uns, des taux d'échange de quantités de marchandises convenus par
des personnes,
- selon les autres, des conséquences de l'offre et de la demande de
marchandises.
L'important est que les prix résultent de l'échange convenu entre deux
parties et non pas de la production d'untel ou untel.
Ils résultent de l'échange, pas de la production.
. Prix et quantités.
Les prix des marchandises ne
doivent pas être opposés aux quantités de celles-ci comme ils le sont
ordinairement.
Les uns et les autres résultent de l'action humaine ou, si on préfère, des
offres et des demandes.
Ils s'expliquent simultanément par les choix de chacun.
. Le juste prix.
Les prix ne sauraient être trop
bas ou trop élevés dans un monde de liberté ou pas trop réglementé.
Qualifier le prix contribue à dénaturer ce qu'il est.
. Remarque : les perturbations.
Les variations de prix en
monnaie ne sauraient être envisagées comme des perturbations ou des troubles.
C'est malheureusement la démarché dominante.
Leurs variations permettent au contraire d'empêcher de véritables
perturbations, lesquelles sont ignorées.
. Remarque : gain à l'échange.
Il y a échange de marchandises
ou non.
Dès lors qu'il y a échange de marchandises convenu par des personnes et donc
prix, il y a gain pour chacune des parties.
Pas besoin d'une vérification à la Popper.
. Remarque : calcul économique.
Les échanges de marchandises
passés et les prix qui leur sont associés peuvent être utilisés à prévoir
avec méthode l'avenir, c'est le principe du calcul économique.
. Remarque :
comptabilité privée.
Les prix en monnaie des marchandises échangées ouvrent la porte à la
comptabilité privée, méthode pour classer les marchandises dans des comptes
d'opération et pour en déduire des considérations comptables.
. Remarque: comptabilité nationale.
La comptabilité nationale n'a rien à voir avec la comptabilité privée.
Elle n'est qu'un fatras de déformations et de dénaturations (cf. texte d'avril 2014).
7. La mesure.
Il y a une grande différence entre l'économie politique et telle ou telle
science naturelle: l'économie politique a une mesure naturelle qui tient dans
les échanges dont conviennent les gens alors que les sciences naturelles
ignorent ce phénomène.
Parce qu'ils veulent totaliser des évaluations qui leur échappent, des
statisticiens cherchent néanmoins à créer des mesures qu'ils affirment
objectives..
Par exemple, pour mesurer des services, les statisticiens en arrivent à
donner à chacun des services en ligne de mire, un "temps" ou une
"durée" - qualifié et pondéré par leurs soins -.
Mais cela n'a aucune réalité d'où l'erreur économique précédente commise qui
consiste à prendre le "temps" ou la "durée" pour le coût
du "service".
8. Un dernier mot.
Il est admis depuis Parménide, qu'on ne fait rien sans rien, qu'on fait
quelque chose à partir d'autres choses.
Parmi ces autres choses, il y a eu ce que Vilfredo
Pareto dénommait à la fin du XIX siècle "capitaux personnels" (dans
ce texte) et ce que, depuis la moitié du XXè
siècle, on a tendance à dénommer "capital humain" en se plaçant
implicitement au point de vue de l'acte de production.
Ce capital humain est en fait caché par les objets ou services que chacun est
susceptible de contribuer à rendre disponible et qu'on adopte le point de vue
de l'acte d'échange.
Il est méconnu par les résultats observés que donnent les statisticiens
(n'est-ce pas M. Piketty...).