Les artistes
ont toujours été d’excellents lobbyistes au moment de
défendre leurs droits d’auteur. Et ce n’est pas nouveau.
Souvenez-vous : c’est Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais qui
fonda en 1777 la première société d’auteurs visant
à promouvoir les droits de ces derniers.
Cette
initiative a visiblement été un succès puisque, quelques
années plus tard, les révolutionnaires, censés avoir
aboli les privilèges, accordèrent aux auteurs le droit exclusif
d’autoriser la reproduction de leurs œuvres pendant toute leur vie
puis aux héritiers pendant une durée de cinq ans.
En un sens, le
droit d’auteur est encore plus un privilège que le brevet ou la
marque puisqu’il naît indépendamment de tout formalisme ou
de dépôt. Un discours oral peut même être
protégé par le droit d’auteur alors qu’il n’a
été couché sur aucun support écrit.
Et force est
de constater que les artistes ne se font généralement pas prier
pour défendre des droits de propriété sur leurs
œuvres, parfois n’importe comment et avec des fondements
juridiques assez aléatoires. Ce fut le cas récemment de Johnny
Hallyday, dont les avocats étaient visiblement peu au fait de la jurisprudence
de la Cour de cassation, selon laquelle la rupture d’un contrat
d’enregistrement exclusif n’a pas pour effet
d’anéantir rétroactivement les cessions
antérieurement intervenues sur les enregistrements
réalisés en cours de contrat.
Par ailleurs,
certains artistes, si prompts à donner
des leçons de morale en matière de droits d’auteur, ne se
les appliquent malheureusement pas. Le cas de Madonna est, à ce sujet,
assez révélateur : en effet, la reine de la pop n’a
que modérément apprécié le fait que Lady Gaga
s’inspire de son tube « Express Yourself »
pour son titre « Born this way ». Pas d’action en justice
intentée, certes, mais une indignation qui n’a pas lieu
d’être. Rappelons que Madonna avait été
condamnée pour plagiat par un tribunal belge, son album
« Ray of Light » ressemblant fortement au titre
« Frozen » créé
par le compositeur belge, Salvatore Acquaviva…
Et, justement
et paradoxalement, la créativité artistique est au
plus bas dans nos sociétés médiatiques
contemporaines. Même les chanteurs et groupes les plus en vogue du
moment (Diam’s, Portishead,
Black Eyed Peas, Sublime,
Pachelbel…) s’inspirent fortement de titres antérieurs. Ce
phénomène n’est pas tout à fait récent et
la France n’est pas épargnée.
Claude
François est souvent considéré comme un grand
génie, sa mort atypique ayant coloré plus encore son mythe. Pourtant,
rappelons que son imagination musicale avait ses limites : en effet, un
de ses tubes majeurs, « Je Vais à Rio », est
presque calqué sur celui de Peter Allen, « I Go to Rio ».
N’oublions pas non plus le procès pour plagiat intenté
contre lui par Charles
Trenet. La barque de Claude François est donc
particulièrement chargée. Oui, ce même Claude
François qui sut pourtant être un farouche négociateur au
moment du calcul de ses droits d’auteur sur « Comme
d’habitude »…
Les artistes
ont donc une vision des droits d’auteur qui leur est propre et qui dépend
surtout de leurs intérêts personnels. Ils ont néanmoins
su toucher les cœurs en créant une confusion qui n’a pas
lieu d’être entre cette notion de droits d’auteurs
(immatériels) et les droits de propriété qui ont une
connotation plus matérielle. Confusion relayée
par des organisations internationales, telles que l’UNESCO.
En effet,
comme le rappela si bien Lucilio sur Agoravox,
« la fonction du droit de propriété est
d’éviter les conflits qui pourraient surgir à
l’occasion de l’usage d’un bien ou d’une
ressource ». De tels conflits ne sauraient exister en
matière de propriété intellectuelle, le même Lucilio expliquant brillamment pourquoi : imaginons
qu’un paysan découvre un système d’irrigation et
qu’à quelques minutes ou heures d’intervalle, un autre
paysan fait la même découverte. Doit-on interdire à ce
dernier de s’en prévaloir ? Peut-on réellement
parler de conflit sur l’usage d’un bien ou d’une
ressource ? Où s’arrête la frontière de la
copie ?
Le
progrès humain consiste à s’inspirer d’idées
et de créations antérieures en les améliorant. Il ne
consiste certainement pas à partir du néant. Voici pourquoi la
notion de droits d’auteur n’est pas complètement
satisfaisante.
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