Il deviendra très vite
évident que nos économies à l’agonie ne pourront pas être ressuscitées par un
gonflement continuel du crédit par les banques centrales. Des nations qui ont
souffert de lourds déséquilibres de capitaux, un endettement excessif et des
bulles sur les actifs ne peuvent pas être guéries par la création monétaire.
Le quantitative easing et les taux d’intérêt proches de zéro ont la capacité
d’apporter une croissance du PIB qui n’est qu’éphémère et illusoire. La
raison en est qu’il est capable de faire grimper temporairement les prix des
actions, des obligations et des propriétés, ce qui génère une croissance
artificielle de l’emploi et de la consommation. Mais les bénéfices de la
gratuité de la monnaie a ses limites, et sont accompagnés de lourdes
conséquences.
L’espoir de croissance
économique généré par les banques centrales disparaît rapidement parce que le
mécanisme de transmission est désormais brisé. Les banques centrales peuvent
imprimer de la monnaie, mais si les nouveaux actifs ne sont pas achetés par
des banques privées, la croissance de la masse monétaire est limitée.
Maintenant qu’une majorité des banques centrales ont fixé le taux d’emprunt à
des niveaux plus bas que jamais, il n’est plus possible d’aller plus bas
encore. Et il devient évident que les gouvernements sont très doués pour ce
qui est de générer des bulles sur les actifs, mais complètement inadéquats
pour ce qui est de générer une croissance durable.
La Banque du Japon est
par exemple parvenue à générer une inflation (hausse de l’indice des prix à
la consommation de 2,4%), mais après plus de deux années d’Abénomie et
d’attaques portées contre le yen, le PIB du pays est désormais plus bas
encore qu’en 2012. La dynamique de croissance n’est pas très différente en
Chine, où la croissance du PIB en 2010 était 5% supérieure à ce qu’elle est
aujourd’hui, selon les chiffres officiel, et alors que la Banque populaire de
Chine tente de laisser s’échapper de l’air de sa bulle sur les actifs.
Tous les espoirs des
banques centrales reposent désormais sur Mario Draghi et sur la BCE. Deux
années après avoir promis de faire « le nécessaire » pour faire
baisser les rendements des obligations, la BCE devrait commencer à acheter
officiellement des obligations au mois de mars. Le problème étant que la
décision de Mr Draghi n’a servi qu’à permettre aux banques d’agir les
premières. Ainsi, les rendements des obligations souveraines sont déjà
proches de zéro, et tout bénéfice artificiel dérivé de taux d’emprunt
moindres a déjà été pris en compte. Et aujourd’hui, ces banques, saturées de
dette européenne, n’attendent plus que le début du mois de mars pour vendre à
Draghi. Ces mêmes banques ne s’empresseront pas d’émettre de nouveaux prêts
avec le crédit de la BCE, ni d’acheter de la dette additionnelle, puisque les
actifs concernés n’offrent aucun profit.
Les Etats-Unis ont pu
profiter de la capacité de la Fed à faire grimper les prix de l’immobilier et
les poches des banquiers de Wall Street, bien que temporairement. Mais une
fois de plus, sur Main Street, les choses semblent douloureusement illusoires.
Le PIB américain pour le dernier trimestre de l’année 2014 était inférieur de
moitié à ce qu’il était un trimestre auparavant. La croissance du PIB de 2,4%
enregistré en 2014 reste inférieure à la croissance de 2,5% enregistrée en
2010 pendant la première année de la Grande récession.
Les banques centrales
ont détruit les vestiges du marché libre avec leur objectif de création
d’inflation. Mais avec la disparition des bénéfices de croissance dérivés de
la monnaie gratuite (s’il en existe), qu’avons-nous à espérer
aujourd’hui ? Les investisseurs auront le plaisir d’être témoins du
renversement des rendements des obligations, alors que l’échec des banques
centrales et des gouvernements à générer un PIB durable deviendra évident aux
yeux de tous. Les obligations japonaises sur dix ans rapportent aujourd’hui
0,46%, contre seulement 0,2% le 19 janvier dernier. Les rendements ont
commencé à grimper en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis.
Le renversement des
rendements des obligations souveraines n’est pas lié à la hausse de
l’inflation, ou à l’accélération de la croissance, mais à la fin de
l’efficacité du QE. Nous voilà donc avec des rendements qui doivent
maintenant prendre en compte le risque d’inflation représenté par la hausse
des bilans des banques centrales et des réserves d’obligations accumulées
depuis la fin de la Grande récession. Plus important encore, sans une
manifestation de cette croissance promise par la création monétaire des
banques centrales, les nations souveraines ne peuvent plus maintenir
l’illusion de solvabilité. Depuis le début de la crise à la fin 2007, la
dette globale a augmenté de 60 trillions de dollars, soit 286% du PIB, contre
269% il y a sept ans.
Alors que la confiance
en la capacité des banques centrales à sauver le monde se dissipe, les taux
d’intérêt commencent à grimper. Une hausse des taux d’intérêt est l’inverse
du QE. La hausse du coût du remboursement de la dette, combiné à l’éclatement
imminent de la bulle sur les actifs, fera s’effondrer le PIB. Cerise sur le gâteau,
la Réserve fédérale menace de faire grimper les taux dans un contexte de
ralentissement de la croissance du PIB tout autour du monde. Avec une
capitalisation boursière totale pour les actions américaines de 124% du PIB
et une bulle historique sur la dette gouvernementale, les investisseurs du
monde doivent se préparer à voir réapparaître une Grande récession.