Les esprits les plus curieux
pourraient être intéressés par jeter un œil sur une corne d’abondance de données
relatives à Deutsche Bank, dont sa capitalisation boursière, son effet de levier,
ses dépôts et liquidités, ses produits dérivés et son niveau de risque
systémique.
Nous devons les chiffres
relatifs au risque systémique listés ci-dessous au lauréat du Prix Nobel,
Robert Engle.
Deutsche Bank, en
chiffres
- Risque
systémique : 100 milliards d’euros (voir explications et graphique
ci-dessous)
- Produits
dérivés notionnels : 42 trillions d’euros, soit la taille de
l’économie allemande
- Valeur marché
des produits dérivés : 18 milliards d’euros
- Fonds propres :
67 milliards d’euros
- Actifs :
1,6 trillion d’euros
- Ratio d’effet
de levier : 25 pour un
- Actifs de
catégorie III (actifs non-liquides potentiellement mal-évalués) :
32 milliards d’euros
- Pénalités
restant à payer : 12,47 milliards d’euros
- Liquidités
disponibles : 220 milliards d’euros
- Employés de la
banque d’investissement (preneurs de risques) : 1.871
- Salaires de
ces employés : 2 milliards d’euros
- Capitalisation
boursière : 16,2 milliards d’euros
Tous ces chiffres, à l’exception
de celui de la capitalisation boursière, sont tirés de Deutsche Bank’s Appetite for Risk Throws Off Its Balance.
En voici quelques extraits
intéressants, accompagnés de mes commentaires entre crochets.
Plus de huit ans après
l’effondrement de Lehman Brothers, dont les conséquences se sont fait
ressentir sur toute la planète, beaucoup s’inquiètent de voir Deutsche Bank
et ses bilans d’1,6 trillion d’euros vaciller et déclencher une nouvelle
vague de contagion financière.
Ces inquiétudes se sont quelque
peu apaisées la semaine dernière suite à la reprise des actions de la banque
après la publication de rapports selon lesquels elle serait sur le point de
signer un accord avec le Département américain de la Justice concernant l’amende
qu’elle doit verser pour avoir vendu des prêts immobiliers toxiques pendant
la crise financière. [Ce sont là des rumeurs substantielles. De récents
rapports suggèrent qu’aucun accord n’est aujourd’hui discuté.]
Beaucoup de gens ont aussi
réalisé que Deutsche Bank, malgré son fin matelas de fonds propres, est dans
une bien meilleure situation financière que l’était Lehman. Vendredi, dans
une lettre à ses employés, le directeur de Detusche, John Cryan, a souligné
la solidité des bases fondamentales de la banque. [Cela ne constitue en rien
une réalisation de quoi que ce soit. Les actions de la banque ont rebondi
dans la journée en raison de rumeurs qui se sont depuis avérées fausses.]
Deutsche Bank dispose de 220
milliards d’euros de liquidités disponibles, contre 45 milliards de dollars
pour Lehman en 2007. La banque peut aussi demander de l’aide aux banques
centrales d’Europe et des Etats-Unis si besoin est. [N’est-ce pas amusant ?]
« Ce qui rend Deutsche Bank
systémique, c’est la taille de la banque en comparaison à l’effet de levier qui
lui est nécessaire pour rester à flots et demeurer un intermédiaire, » a
expliqué Anthony J. Perrotta Jr., expert des marchés financiers chez TABB
Group, un cabinet-conseil. « Mais à mesure que le capital s’amenuise,
cette équation se fragilise. »
Deutsche Bank dispose de 67
milliards d’euros de fonds propres qui garantissent des actifs d’1,6 trillion
d’euros – soit un effet de levier de 25 pour un.
A titre comparatif, JP Morgan
dispose de 224 milliards de dollars de fonds propres contre 2,4 trillions de
dollars d’actifs, ce qui représente un ratio de 9 pour un.
Ce qui rend le ratio de Deutsche
plus troublant encore, c’est que bon nombre de ces actifs sont non-liquides,
des actifs de catégorie III, dont la valeur est simplement estimée et pour
lesquels trouver des acheteurs est souvent impossible.
Stuart Graham, analyste bancaire
chez Autonomous Research à Londres, pense que Deutsche Bank comprend bien
plus de preneurs de gros risques que n’importe quelle autre banque – dont JP
Morgan, Goldman Sachs et Crédit Suisse.
Une majorité des analystes
pensent que Deutsche Bank aura besoin de lever 5 à 7 milliards d’euros auprès
de ses investisseurs afin d’apaiser les inquiétudes quant à sa santé
financière, notamment parce que le Département américain de la Justice
pourrait lui demander de verser une amende de cette somme. [Et 7 milliards d’euros
ne changeront rien. Où sont-ils partis chercher ce chiffre ? Ajoutez 7
milliards d’euros de fonds propres, et vous aurez un total de 74 milliards d’euros,
contre 1,6 trillion d’euros d’actifs dont 32 milliards sont des actifs de
catégorie III. Il n’empêche que 7 milliards d’euros porteraient le ratio d’effet
de levier à 23 pour un.]
Une sous-capitalisation
de 100 milliards de dollars ?
Robert Engle, un économiste de l’Université
de New York qui a reçu le Prix Nobel pour son travail sur la volatilité et
les marchés des capitaux, a imaginé un modèle de classement des institutions
financières en fonction de leur risque systémique.
Son baromètre prend en
considération l’effet de levier d’une banque, le prix de ses actions et ses
capitaux propres. En tant que tel, il représente une mesure en temps réel des
dangers que pose une banque pour le système financier à n’importe quel
moment.
Les régulateurs y ont recours
pour compléter leurs propres modèles internes.
Pour l’heure, Deutsche Bank
apparaît tout en haut de la liste des banques européennes à risque, et aura
besoin de 100 milliards d’euros de capital pour pouvoir survivre à une vente
soutenue sur les marchés.
Le Ministre allemand de
l’Economie s’en prend à Deutsche Bank
Dimanche, Sigmar Gabriel, le Ministre allemand de l'Economie, a accusé Deutsche Bank
d'avoir fait de la spéculation son modèle d'entreprise.
« Je n’ai pas su si je
devais rire ou pleurer après qu’une banque qui a fait de la spéculation son
modèle d’entreprise s’est plainte d’être la victime des spéculateurs, »
a-t-il dit.
Risque systémique
« Deutsche représente
aujourd’hui un gros risque, » a expliqué M. Engle. « Nous nous
inquiétons des banques européennes depuis un certain temps. »
Graphique de risque systémique –
source : NYU Robert Engle.
Mais ne vous inquiétez pas, la
prévision de déficit de capital du système au 30 septembre 2016 n’était que de
1.197.485 millions de dollars.