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Risques Allemands notoires

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Paul Jorion.
Published : April 02nd, 2010
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Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Les marchés n’auront pas attendu pour saluer à leur manière l’émission obligataire grecque de lundi. Ce mardi matin, le taux des obligations grecques sur 10 ans grimpaient brutalement à 6,416%, contre 6,289% lundi soir.

Paradoxalement, le gouvernement grec n’a pas cessé d’afficher sa satisfaction depuis le sommet européen de la semaine dernière, aux résultats pourtant jugés finalement très décevants, une fois le texte de l’accord de sauvetage financier connu et analysé. Georges Papaconstantinou, le ministre grec des Finances, a même qualifié la nouvelle émission de succès. Comment le comprendre ?

L’argumentation du ministre repose sur l’idée que les taux vont se détendre et, explique-t-il, qu’il n’y a plus que 10 milliards (ou 12 milliards, selon une autre source grecque) a trouver dans l’immédiat sur les marchés, d’ici à la fin mai (compte-tenu des réserves de l’Etat). Il poursuit : « Ce serait une grave erreur de penser que l’écart de taux chuterait juste après la décision du sommet de l’UE ». Ne donnant par ailleurs aucune information sur les raisons qui lui permettent de prévoir cette détente ultérieure des taux.

Sauf, peut-on penser, pour tout simplement gagner du temps, car le ministre fait naturellement de la politique et en connait les ressources. Dans l’impasse, demander aujourd’hui une intervention du seul FMI, seule solution pour obtenir un taux notablement réduit par rapport à celui qu’offrent les marchés, aurait deux conséquences non souhaitables. Cela ouvrirait à nouveau au sein de la zone euro une plaie qui vient à peine d’être refermée, augurant d’autres difficultés pour la Grèce, et cela enclencherait surtout une dynamique de sortie de la zone euro, ce qui serait sans doute la pire des solutions pour le pays. D’autant que les Allemands sont de plus en plus soupçonnés d’avoir en tête une reconfiguration de la zone euro, dont les grecs seraient exclus ainsi que d’autres « petits pays ».

Des analyses commencent à sortir qui montrent pourquoi l’Allemagne n’a pas les moyens de laisser la crise se généraliser. En raison des engagements de son système bancaire, déjà si mal en point, mais aussi parce qu’elle réalise une part très importante de ses exportations, et plus encore de ses excédents commerciaux, au sein de celle-ci. Il est donc logique qu’elle ait privilégié l’intervention du FMI, afin d’éviter que la Grèce puisse faire défaut, et réaffirmé par ailleurs sa vocation à défendre l’euro attaqué.

Après l’OCDE, le FMI vient d’ailleurs de revoir à la baisse ses prévisions de croissance de l’Allemagne. Pour 2010, le PIB ne devrait croître que de 1,2% (au lieu de 1,5% de ses prévisions précédentes de février), et pour 2011 de 1,7% (au lieu de 1,9%). Assortissant ses données d’un commentaire sur les « risques notoires » encourus par le pays, en particulier « la faiblesse persistante des banques et la possibilité d’échanges internationaux plus faibles que prévu ».

Si les dissensions les plus apparentes se sont tues au sein de la coalition gouvernementale allemande, il semble que d’importants désaccords subsistent en son sein à propos de la conduite des affaires économiques, budgétaires et fiscales. Car ce que l’on appelle le modèle allemand va se révéler ne plus être la voie royale qu’il a été et va devoir être adapté à une nouvelle donne qui n’est pas encore sur le tapis. D’une manière ou d’une autre, cela va impliquer de s’appuyer davantage sur le marché intérieur allemand.

Sans entrer encore dans ce débat, Wolfgang Schäuble, le ministre des finances, vient de déclarer à Die Zeit  : « Nous avons besoin de plus de coordination, d’un gouvernement économique, même si nous n’aimons pas beaucoup le terme ». Refusant toute analogie avec le système fédéral allemand, en raison de son degré d’intégration, le ministre n’en a pas moins fait référence à une conception fédérale nouvelle, sans la préciser. Etant, de ce point de vue, d’équerre avec sa proposition de Fonds monétaire européen.

Un rien, toutefois, suffira à déjouer les meilleurs calculs. Il s’appelle au choix Portugal, Italie, Irlande ou surtout Espagne. Car pas plus qu’il n’en existe encore pour les mégabanques, les pays de la zone euro n’ont pas établi de testament vif (living will) au cas où il leur arriverait malheur. Nul ne sait comment gérer en catastrophe la sortie d’un pays de la zone euro sans risquer d’en subir de sérieuses conséquences, notamment en raison des engagements financiers pris du temps de l’insouciance par les mégabanques européennes.

L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni sont comme Trois Grâces qui ne se tiendraient plus la main et se tourneraient même le dos si elles en avaient les moyens. Dans ces conditions, si elles devaient en venir à finalement s’engager dans la mise sur pied d’une sorte de gouvernement économique, quelle orientation commune appliqueraient-elles ? Le respect du Pacte de stabilité, pour les deux premières d’entre elles qui l’ont signé, n’est pas en soi une politique. La défense de l’industrie financière qui en tient lieu pour la troisième non plus.

Sur ces entrefaites, on a appris que l’agence Fitch vient de maintenir la note AAA pour la dette souveraine française, assortis de sombres considérations sur de possibles « dérives budgétaires ». Quant à lui, le chancelier Alistair Darling promet au Royaume-Uni du sang et des larmes pour 2011, afin de préserver la notation équivalente du pays. Il faut espérer que les agences de notation vont bientôt accéder, de plein droit, au G20 où des sièges leur seront attribués.




Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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